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- Bulletin de partage 4 - Quelques nouveautés et des marqueurs du confinement qui se stabilisent
Cette période sera la dernière du confinement avant le redémarrage progressif après le 11 mai des activités sociales et économiques. C’est l’occasion de tirer un bilan partiel, “à chaud”, des processus alimentaires observés durant la période du confinement, bilan appelé à se poursuivre et décanter dans la durée. Nous observons quelques éléments nouveaux mais surtout des faits progressivement stabilisés qui marquent la période de confinement. Durant cette dernière période du confinement, quelques éléments de situation ont trouvé une place renforcée dans les témoignages reçus et la presse : - L’enjeu de la main-d’œuvre en agriculture soulève des inquiétudes : les saisonniers étrangers manquent cette année faute de pouvoir passer les frontières, leur absence se répercute sur la disponibilité ou le prix de certains produits (asperges, fraises par exemple) ; les producteurs en circuits courts ont dû consacrer du temps à la réorganisation de la distribution de leurs produits, notamment avec davantage de livraisons, avec un impact sur l’organisation générale de leur travail (surtravail, semaines très chargées et épuisement progressif, tâches productives en partie sacrifiées ou moins bien menées…). - La période se caractérise aussi par la poursuite et le renforcement de la mobilisation institutionnelle autour de l’organisation de la vente directe du producteur au consommateur, pour répondre aux nécessités du moment mais aussi pour envisager l'après confinement. - Dans ce domaine des circuits courts et/ou de proximité s’est installé un relatif jeu de concurrence entre systèmes de paniers organisés par les producteurs et paniers de produits locaux/bio avec des intermédiaires spécialisés capables d’être commercialement “plus agressifs”. - La réouverture des marchés avec gestes barrière a été vécue de manière mitigée de la part des vendeurs et des clients (pas de convivialité, vendeurs débordés, beaucoup d’attente, doutes sur l’adoption très variable des gestes barrière) Les personnes qui témoignent à travers l’enquête commencent à envisager l’après-crise. En particulier, l’avenir des innovations expérimentées pour distribuer les produits agricoles et alimentaires, livraisons à domicile en particulier, se pose. L’augmentation des prix des produits alimentaires observée, d’après les témoignages reçus, dans les supermarchés et chez des primeurs inquiète et déclenche des réactions parfois indignées (de producteurs ou de consommateurs). Objectiver cette évolution générale des prix alimentaires durant la période de confinement reste cependant un travail de moyen terme à mener. Au fil des semaines, certains éléments d’observation se révèlent stables et constituent des marqueurs nets du fait alimentaire au cours de cette période de confinement. Le temps retrouvé, notamment pour la transformation domestique, constitue un marqueur important de cette période de confinement. Faire à la maison, “faire son pain” en particulier, aura constitué un fait social qui n’a cessé de se renforcer durant le confinement, avec pour conséquence une pénurie relative de farine dans les rayons des commerces alimentaires. Le fait est surprenant compte-tenu du maintien de l’ouverture des boulangeries et des grandes surfaces, et ne peut sans doute se réduire à l’objectif de limitation des interactions sociales lors des achats : le confinement a probablement déclenché des dynamiques de réidentification autour de gestes et de produits fortement porteurs d’une symbolique de lien culturel et social d'abord, de reprise en main de sa propre sécurité alimentaire ensuite, de plaisir de la table enfin, dont le pain frais et la pâtisserie sont des emblèmes. L’autoproduction de l’alimentation par les consommateurs eux-mêmes se renforce comme un phénomène social marquant de cette période du confinement, avec en outre durant cette dernière période l’émergence d’une dimension professionnelle, des envies de s’installer agriculteur. Le renforcement des systèmes de commandes en circuits courts s’est également confirmé, tant à travers des dispositifs formels qu’informels (regroupement de voisins pour commander, appels entre producteurs et leurs clients habituels du marché pour livraisons…). Cette dynamique a suscité l’enrôlement de nouveaux consommateurs qui ont découvert ce mode de consommation. La stabilité dans le temps de ces nouvelles pratiques reste une question ouverte. Les initiatives qui ont été très sollicitées réfléchissent à l’essaimage. Plus largement, les gestes d’entraide et de solidarité entre voisins autour de l’alimentation auront constitué un autre fait social marquant du confinement, avec différentes échelles d’organisation du palier au quartier, et avec des collectifs préexistants ou émergents sur le moment. Dans le domaine social, les demandes adressées aux dispositifs de l’aide alimentaire ont également explosé durant le confinement, témoignant d’une mise en difficulté massive de populations qui parvenaient jusque là tant bien que mal à se nourrir sans aide extérieure. Cette explosion des demandes adressées à l’aide alimentaire révèle durement l’existence d’une frange significative de populations échappant jusque là de peu, au quotidien, à la grande précarité économique, dans laquelle la crise les a précipitées. Ce bilan structurel constitue nécessairement une composante majeure des réflexions politiques à présent et pour l’après-crise. Pour proposer de nouvelles observations cliquez ici. Présentation du Bulletin n°4 | Article suivant : Un fonctionnement alimentaire de croisière avant le déconfinement
- Bulletin de partage 4 - Locale, collective ou issue du jardin : des tendances qui s'affirment
Approvisionnement en circuits courts, organisation entre voisins, mise en place d’un potager : trois tendances fortes de la période de confinement, que cette dernière quinzaine vient confirmer. Les initiatives mises en place entraînent des consommateurs vers de nouveaux modes de consommation. Cette nouvelle quinzaine de confinement a conforté les tendances déjà identifiées en matière d’approvisionnement. Les consommateurs qui consommaient déjà des produits locaux et achetaient en circuits courts restent convaincus d’avoir fait le bon choix : “Nous étions conscients avant la crise de l'importance d'une consommation responsable, ce sentiment est vraiment renforcé depuis le début du confinement et il perdurera par la suite.” (consommatrice de la banlieue parisienne, 21 avril). “Augmentation de la part locale (qui était déjà très importante) dans un esprit de solidarité avec les producteurs impactés (consommateur, 29 avril, Dpt 62, campagne). Certains en profitent même pour aller plus loin dans leur démarche d’achat de produits locaux, en allant davantage faire leurs courses à pied ou en vélo - aussi parce qu’il y a le temps ou pour la promenade - ou bien en étendant la gamme de produits : “nous avons découvert le "papier toilette de Normandie" au magasin bio : l'occasion d'effectuer un transfert d'achat de l'économie centralisée à l'économie circulaire régionale qu'on va certainement pérenniser.” (consommatrice de Normandie, 3 mai). La fermeture des marchés ou bien leur réouverture seulement partielle, ainsi que les files d’attente devant les magasins bio ont toutefois réduit la possibilité de certains de continuer à s’approvisionner en bio et/ou local dans des conditions satisfaisantes pour eux : “Les nouvelles conditions de circulation et d'accès au marché sont tellement restrictives que j'éprouve de la réticence à l'idée de m'y rendre” (consommatrice, banlieue parisienne, 9 mai); “Je mange bio en majorité. La suppression du marché m'a contrainte à acheter certains légumes en supermarché ou à m'en priver. J'ai profité de la première livraison de paniers [proposée par un intermédiaire] que j'ai trouvée, mais les producteurs n'étaient pas tout à fait locaux et les prix étaient plus élevés qu'auprès de mes producteurs sur le marché. Localement, dans un premier temps, mes producteurs habituels ou bien n'avaient rien mis en place – la communication est toujours médiocre d'ailleurs –, ou bien je n'avais pas leurs coordonnées (et j'ignore leur nom) ; d'autres, en cette période d'entre-deux saisonnier, n'avaient plus rien pour une nouvelle clientèle, réservant, cela se comprend, leurs produits pour les habitués.” (consommatrice, Côtes d’Armor, 3 mai). Ces nouvelles conditions peuvent aussi avoir des effets inattendus et intéressants : “J'ai d'abord continué à aller au marché lorsqu'il a pu être remis en place. Malheureusement, les mesures sanitaires indispensables rendent l'expérience longue et sans la possibilité habituelle d'en faire un moment de partage social. Je me suis donc rabattue sur les magasins de producteurs pour les produits frais et sur les épiceries bio pour le reste. Ces dernières pratiquant tout de même des prix élevés, je fais dorénavant beaucoup plus attention à utiliser l'intégralité de mes légumes (notamment les fanes et épluchures) ainsi que plus de conserves afin de réduire mes dépenses. Je constate que je produis moins de déchets depuis le début du confinement” (consommatrice de la Drôme, 4 mai). Parallèlement, des consommateurs qui ne consommaient pas ou peu de cette façon et qui s’y sont mis - y compris de manière résignée mais parce que l’achat de produits frais y devenait selon eux plus simple ou plus sûr - continuent d’en percevoir l’intérêt. On ne note pas de “retour en arrière” pendant cette période et les quelques projections déclarées n’annoncent pas non plus l’envie forte de revenir à la situation d’avant la crise, même si certains se demandent si les nouvelles formules proposées perdureront. Beaucoup, en effet, apprécient la livraison à domicile mais aussi le regroupement entre voisins pour faire ses courses et échanger les bons plans en matière d’offre de produits locaux : “Via des réseaux de voisinage et personnels, nous sommes entrés dans deux circuits d'approvisionnement : un groupement de producteurs (fruits & légumes, lait, fromage, pâte fraiche) ; des maraîchers qui occupaient une place sur le marché et qui ont organisé eux-mêmes avec l'aide d'amis-bénévoles, un catalogue en ligne et des points de livraison - très pratiques car très proches de chez nous” (consommatrice, Montpellier, 29 avril). L’intérêt pour la livraison à domicile profite plus largement aux commerces de proximité qui arrivent à mettre en place ce service, lequel, toutefois, peut être difficile à gérer et s’avère fatiguant. Une autre tendance forte que vient conforter cette nouvelle quinzaine de confinement, en effet, est celle de l’organisation entre voisins ou amis pour faire ses courses, en mutualisant les achats et les déplacements. Ces façons de faire étaient parfois pratiquées ponctuellement mais la crise les a développées et amène ainsi des personnes à consommer différemment: “Ceci [le regroupement entre 3 voisines pour l’achat de denrées] se produit ponctuellement d’habitude, mais plus régulièrement maintenant. Mais une idée de mutualisation de matériel et de transports... avait déjà émise avant l’épisode Covid 19, qui d'une certaine manière, concrétise à petite échelle qq chose qui n'avait pas encore été mis en place. Pour une des trois participantes, approvisionnement auprès de producteurs locaux était déjà une préoccupation importante [...]. Pour les 2 autres, le recours à des achats auprès de producteurs s'est amplifié.” (consommatrice du Tarn, milieu rural, 28 avril). Ces mutualisations bénéficient en effet souvent à des producteurs locaux, avec des consommateurs qui s’impliquent parfois beaucoup en ce sens : “j'ai mis en place dans mon quartier une livraison hebdomadaire de légumes en provenance d'un maraîcher pour environ 11 familles; J'ai récolté les commandes, les ai transmises au maraîcher, récolté les chèques, aidé le livreur dans la livraison” (consommatrice, Alsace, 3 mai). ”J'ai organisé une commande et livraison de paniers pour mes voisins. Nous avons commencé à 6, nous sommes 30. Les jours de livraisons deviennent des temps de rencontres pour les personnes qui ne se connaissaient pas. Des personnes qui ne consommaient pas des produits locaux, bio et de saison s'y sont mis. Un petit rien, mais qui fait du bien !” (consommatrice, département 29, 4 mai). S’ajoute également pour certains le fait de faire des courses pour des parents ou des personnes vulnérables, ce qui peut aussi amener à modifier sa consommation, dans une direction parfois différente: “Nous gardons toujours une visite par semaine en grande surface parce que nous faisons les courses pour nos aînés et le choix de leurs produits de consommation n'est pas le même que nous, mais systématiquement nous revenons avec des aliments pour nous. Moi je le vis comme un "craquage" et mon conjoint assume l'achat de gâteaux ou paquet de brioches, ce n'est jamais dans l'excès, mais nous ramenons toujours qq choses!” (consommatrice, Morlaix, 29 avril). Enfin, l’intérêt pour le potager, de la part de personnes qui ne le faisaient qu’un peu ou ne le faisaient pas du tout, est confirmé par de nombreux témoins, qui pensent aussi souvent que même si cela ne durera pas, cela laissera des traces : “Ma voisine pourtant peu intéressée par le jardinage, a décidé au cours de cette période de confinement de lancer un petit potager avec son fils de 10 ans. Il y a longtemps qu'ils appréciaient mon potager mais disaient le projet impossible pour eux. Après l'achat de poules en février, les voilà qui se lancent dans un potager et cherchent des conseils. Je ne sais s'ils persévéreront mais ce souci de manger local et pour sa propre production aussi petite soit elle est devenue une réalité pour eux. Même si le potager n'est pas un grand succès, ils auront (les enfants surtout) découvert ce que cela suppose de produire des légumes” (consommatrice du Département Ile-et-Vilaine, 22 avril). “Je loue une parcelle de 200 m2 aux jardins familiaux de Lons-Le-Saunier depuis mai 2019. L'an dernier et même en début d'année 2020, on a constaté qu'il y avait beaucoup de jardins vacants (une quinzaine sur la cinquantaine au total). Là avec l'effet confinement, il y a plein de nouveaux jardiniers et jardinières. Mes nouveaux voisins habitent en appartement et ils m'ont dit qu'à force de venir se promener à pied à côté des jardins pendant le confinement, ils ont sauté le pas.” (consommateur du département du Jura, 27 avril). Pour proposer de nouvelles observations cliquez ici. Présentation du Bulletin n°4 Article précédent : Un fonctionnement alimentaire de croisière avant le déconfinement | Article suivant : La situation des agriculteurs et des chaînes alimentaires
- Bulletin de partage 4 - La situation des agriculteurs et des chaînes alimentaires
Les retours que nous avons reçus et les divers articles de presse consultés confirment les tendances déjà évoquées dans les bulletins précédents, sans apporter beaucoup de nouveaux éléments. La situation est toujours difficile pour de nombreuses filières agricoles confrontées au manque de main d'œuvre, à des emplois du temps chargés, et à des marchés perturbés. L'avenir de certaines activités pose question, les processus de fixation des prix agricoles sont impactés Durant cette quinzaine, le développement des dispositifs de livraison s’est confirmé. Cela reste accompagné d’une surcharge de travail, et d’inquiétudes sur les conséquences économiques ou la mise en production pour la saison à venir : “L'un après l'autre, tous les restaurants de la commune, jusqu'alors fermés, proposent des plats à emporter. Le restaurant gastronomique propose des plats faciles à réchauffer, « en dessous » de sa gamme habituelle (pizzas, paella) et les autres ont suivi.” (consommateur, Bretagne, 24 avril) “Les commerces fixes ont mis en place des règles plus en réponse à une certaine pression que de leur propre volonté. Il y a une forte demande de livraisons ou de pouvoir passer commande, ce qui a valu des prises de commande par téléphone, préparations de commande et livraisons exténuantes pour les commerçants et leurs employés.” (consommatrice, Normandie, 3 mai) “Le constat partagé oralement avec les producteurs, c'est une multiplication par trois ou quatre des commandes. D'ailleurs, tous proposent désormais des commandes en ligne via le site, par e-mail ou SMS, même s'ils font de nouveau les marchés (qui viennent de réouvrir). Par ailleurs, les besoins de main d'oeuvre ont été multipliés par deux (je suis d'ailleurs, à cette occasion, ouvrier maraîcher sur besoin, déclaré pour la première fois en tant que tel !) et le manque de production (circuits courts) est criant, de même que le temps consacré à la production. Le temps de travail des agriculteurs semble exploser : 80h par semaine pour T. (chef d'exploitation), en l'occurrence, qui maraîcher - éleveur, est déjà pas mal occupé au printemps normalement (60h), avec une augmentation des livraisons en tournée pour le chef d'exploitation.” (agent de développement provisoirement ouvrier en maraîchage, Pays de la Loire, 30 avril) “Je suis productrice de viande bovine bio et j’avais une date de vente la deuxième semaine du confinement. Une semaine avant la vente, j'avais encore 140kg à placer et je commençais à m'inquiéter. Je venais d'entamer des démarches auprès des Comités d'entreprise de la ville voisine et tout tombait à l'eau en raison du confinement. J'ai fait passer un message à mes clients habituels qui se sont rués sur l'opportunité. Message dimanche soir 21h. Avant 12h le lundi, je n'avais plus de stock et les commandes continuaient d'arriver ! Je ne fais jamais de vente à partir du mois d'avril, car je dois récolter mes foins et ceux-ci dépendent de la météo ! Mais, cette année, je vais tenter une nouvelle vente le 20 juin : aujourd'hui, sept semaines avant la date, je n'ai plus que 120kg à placer. Je ne suis pas inquiète pour la vente, plutôt pour le foin si le créneau météo est étroit !” (productrice, Nouvelle Aquitaine, 4 mai) Dans ce contexte de surcharge, la presse relaie certaines expériences de volontaires agricoles, venus pallier l’absence de main d’oeuvre étrangère, avec un succès varié : « Il faut faire attention à ce qu’ils font. Si j’ai au milieu de ma caisse de petits pois des gousses qui sont vides, je serais obligé de les trier et de jeter la moitié de ce qui a été fait. » Fabien parle d’expérience, il y a une semaine, il a fait appel à un autre volontaire. Résultat : il a dû jeter une grande partie de ce qui avait été ramassé. (un maraîcher, France2, Envoyé Spécial, 23 avril 2020) « L’ambiance était excellente » témoigne Félix, un des travailleurs venus prêter main forte au producteur, dans l’Oise agricole. L’employeur, lui aussi, est très satisfait. Les personnes venues travailler « étaient extrêmement motivées, ce qui fait qu’elles sont toutes restées jusqu’au bout malgré la pénibilité de la tâche », souligne l’agriculteur. Pourtant, tous n’étaient pas des habitués des travaux agricoles. Mais pour lui, cela a permis de « créer du lien entre consommateurs et agriculteurs ». (un maraîcher, Réussir, 23 avril 2020) “Certains volontaires voulaient surtout sortir de chez eux, ils étaient dans un schéma de divertissement, dans ces cas-là, ils n'ont pas fait l'affaire ou ont renoncé.” (responsable emploi de la FNSEA, Le Parisien, 8 mai 2020) Le succès des dispositifs de livraison par les agriculteurs ou les artisans du domaine de l’alimentation ne s’étend cependant pas à tous : “Sur le plan professionnel j'ai commencé mon stage dans des conditions de confinement, en télétravail donc. Comme je fais un travail en relation avec l'agriculture et l'alimentation j'ai appris beaucoup de choses sur les impacts à géométrie variable de la crise sur les différentes filières agricoles : certes les circuits-courts sont remis « au goût du jour » mais pas tous, beaucoup de productions ne sont pas adaptées, les éleveurs perdent des débouchés…” (Pays de la Loire, 5 mai) “En activité depuis six ans, cuisinière avec des produits locaux et principalement bio. J'ai plusieurs activités : les prestations et livraisons traiteur (une grosse moitié de mon CA), mais aussi une boutique et un stand sur un marché hebdomadaire. Avec les mesures de confinement, toutes les prestations déjà prévues de mars à juin ont été/sont aujourd'hui reportées (pour certaines avec une date, fin 2020 ou en 2021, pour d'autres non), voire annulées (ce qui rime parfois avec remboursement de l'acompte versé). A cela s'ajoute les incertitudes liées à la possibilité d'organiser des rassemblements au cours de l'été ou de l'automne : je ne reçois donc que de très rares demandes de devis (un pour cet été, trois pour 2021). Alors qu'il s'agit en général d'une forte période de demandes pour des prestations et/ou des devis pour les prochains mois. Pour faire face à la fois, à cette chute brutale d'activité et au manque de perspectives pour une reprise, j'ai développé depuis début avril : 1/ la vente de bocaux sous-vide auprès d'épiceries (j'en produisais déjà pour ma boutique, mais avec ce débouché, j'ai triplé ma production de ces bocaux) ; 2/ la vente de mes plats en ligne soit directement, soit via une plateforme de distribution de produits locaux auprès des particuliers. Ma démarche a été de penser une évolution de mes débouchés qui pourra être pérenne quand les prestations traiteur pourront reprendre.” (cuisinière, Normandie, 28 avril) Cette pression sur les prix revient particulièrement autour de la quinzaine, avec des témoignages dont le ton se durcit autour du mode de fixation des prix : “Un maraîcher livrant en bas de mon immeuble déplorait l’attitude de ses collègues : « des collègues ont laissé tomber certaines productions pour des produits qu’ils peuvent bien valoriser. Dans les supermarchés, leurs tomates sont passées à 4€/kg. Ils m’ont dit « Attends les cerises, tu vas voir, tu vas te gaver...! A plus de 6€ du kg. Je leur ai répondu : « non mais je ne suis pas comme ça. Je livre mes clients. » Ça me met hors de moi. A la Biocoop, j’ai vu des endives à presque 10€/kg, des tomates cerises à 15€/kg, des pommes de terre à 2€40/kg, etc...!! Un consommateur m’a dit : « Ben voilà... Du coup, j’achète de la tomate espagnole ». Pour ma part aussi, j’achète des légumes à la Biocoop venant d’Italie, d’Espagne, du Portugal. La suppression des marchés plein vent a des lourdes conséquences. Non seulement les politiques n’ont pas soutenu les circuits courts, mais ils n’ont pas été cadrés. Des producteurs abusent comme en période de guerre et de rationnement et risquent de mettre à mal la confiance des consommateurs. C’est sur cette base qu’Edouard Leclerc a lancé après la seconde guerre mondiale les supermarchés (fiabilité des prix pour les consommateurs et les producteurs et promesses d’achat réguliers au producteur).” (agricultrice, Occitanie, 1er mai) “Depuis le début du confinement, la fermeture des restaurants et de beaucoup d'entreprises, la grande distribution est devenue le seul débouché pour les producteurs. Mais selon les éleveurs, elle en profite pour baisser encore les prix. Des éleveurs ont décidé de cesser de vendre leurs bêtes. « On a vécu des moments difficiles avec le confinement, la fermeture de tous les restaurants, et le remplacement de toute cette consommation par l’approvisionnement en grande-distribution. » explique Emmanuel Bernard, éleveur bovin à Cercy-la-Tour.” (France 3 Bourgogne-Franche Comté, 28 avril 2020) « Alors que nos coûts de production sont de 40 centimes par litre, les cours du lait se sont effondrés à 27 centimes. » Des éleveurs laitiers épandent de la poudre de lait dans leurs champs dans plusieurs pays d'Europe pour protester contre les mesures jugées inefficaces de l'UE suite à la chute des cours. (Le Figaro, 7 mai 2020) Pour proposer de nouvelles observations cliquez ici. Présentation du Bulletin n°4 Article précédent : Locale, collective ou issue du jardin : des tendances qui s'affirment | Article suivant : Avant le déconfinement, une multitude d'initiatives dans les circuits courts
- Bulletin de partage 4 - Avant le déconfinement, une multitude d’initiatives dans les circuits courts
Les témoignages reçus sur cette période soulignent la multitude d’initiatives portées par les acteurs des circuits courts (agriculteurs, associations et citoyens). Celles-ci perdureront-elles avec le déconfinement ? Une adaptation à nouveau soulignée des circuits courts face aux contraintes du confinement Sur cette dernière période de confinement, les témoignages soulignent à nouveau les reconfigurations opérées par de nombreux acteurs des circuits courts qui ont fait en sorte de s’adapter aux mieux aux contraintes permettant un maintien des ventes, voire une augmentation de celles-ci comme souligné dans le précédent bulletin (BP 3 - Des circuits courts toujours attractifs mais des interrogations pour la suite). La contrainte majeure soulignée pendant cette crise étant celle de la fermeture des marchés sur certains territoires. Agriculteurs Acteurs centraux des circuits courts, la « capacité des agriculteurs à faire évoluer très vite leur circuit eux-mêmes (avec conditions favorables : déjà en vente directe, capital social élevé, compétences informatiques directes ou parmi les proches, etc) » (consommateur, Occitanie, 27 avril) a été remarqué par de nombreux clients, habituels ou non, de ces circuits. On peut citer par exemple cette initiative d’organisation d’un marché : « 3 primeurs et un producteur d’œufs se sont organisés entre eux pour faire face à la fermeture du marché du samedi à Belleville Sur Saône. Ainsi ils ont organisé dans l'enceinte du local d'un des primeurs un mini-marché autogéré avec une offre en fruits et légumes, viande et fromage. Via les réseaux sociaux dédiés aux initiatives locales, ils ont informé les consommateurs habituels du marché qui se rendent en masse les samedis matin. Par contre les autres producteurs vendant habituellement au marché et provenant d'un peu plus loin n'ont pas été intégrés à la démarche » (consommateur, Auvergne-Rhône-Alpes, 18 avril) Associations Les associations, déjà en place ou nouvellement créées, ont également joué un rôle clé pour permettre une adaptation des circuits courts et permettre de faire le lien entre agriculteurs et citoyen via des formes de ventes déjà en place ou adaptée. Le témoignage du Marché d’Intérêt Local du Perche est une illustration de l’implication d’une association pour maintenir des débouchés pour les producteurs locaux et ouvrir les circuits courts à tous types de consommateurs : « Nous sommes une association, le Marché d'Intérêt Local du Perche, constituée d'agriculteurs, citoyens et professionnels de la restauration. Notre activité depuis 4 ans consiste à développer l'approvisionnement en produits locaux, de qualité, dans la restauration professionnelle (collective et privée), par le biais d'une plateforme logistique (achat/revente) et d'actions de formation et de sensibilisation. Les restaurants privés et collectifs ayant dû fermer leurs portes depuis le début du confinement, nous avons subi une baisse très importante des commandes bien que les demandes des épiceries soient plus importantes. […] Cette baisse d'activité nous a laissé un peu de temps pour étendre notre service d'approvisionnement auprès des particuliers. Cela a nécessité la création d'un catalogue dédié (la demande n'étant pas la même de la part des particuliers, les conditionnements différents etc..), la mise en place d'une nouvelle plateforme de prise de commande en ligne (pourcentage de marge différent / module de paiement en ligne.) et bien sûr toute une réadaptation de notre organisation en interne : depuis la préparation des commandes chez le producteurs, à la récupération et le rassemblement des produits pour chaque commande de particulier, jusqu'à la livraison à domicile, sur tout le territoire du PNR du Perche. […] Nous avons tout type de clients "particuliers", tout âge, toute CSP, des locaux ou des parisiens en confinement sur le territoire. Certains découvrent ces produits et producteurs pour la première fois et opèrent un changement dans leur alimentation, d'autres y étaient déjà familiers. » (PNR du Perche, 3 mai) Plusieurs témoignages, notent également la création d’AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), l’adoption de dispositions temporaires pour une commande-livraison à la demande en complément de l’abonnement ou de mise en place de distributions de paniers : « Une amap s'est formée dans ma ville, ce à quoi j'ai hâte de participer et j'attendais avec impatience » (consommateur, Haute Normandie, 4 mai) « Depuis le début du confinement et la fermeture du café associatif, l'association du Contrevent qui s'occupe du projet associatif du P'tit bar a décidé de poursuivre les distributions de paniers de légumes, de pain et de produits locaux mis en place depuis l'ouverture de l'épicerie le 7 octobre dernier. La demande de paniers de légumes a augmenté au point que nous refusons du monde encore aujourd'hui et sommes à la recherche d'autres producteurs ! Les fromages, miel, pain, poulets, farines, tisanes, galettes...etc. issus de circuits courts et proposés au P'tit bar ont un grand succès. Nous constatons un réel plaisir des villageois à venir à ce rendez-vous qui représente bien plus qu'un temps de consommation pure. » (bénévole, Bretagne, 29 avril) D’autres ont contribué à l’ouverture de marché pour pallier les fermetures : « Organisation d'un marché Pas touche à la salle des fêtes de Ramonville avec une distribution de produits locaux avec des producteurs qui ne trouvaient plus de débouchés suite à la fermeture des cantine, restaurant et marchés de pleins vents. Des mesures sanitaires strictes qui ont permis l'autorisation et la mise à disposition de la salle des fêtes municipales. Trois structures associatives ont organisé ce marché qui connaît depuis une fréquentation entre 150 et 200 commandes sur un outil de commande qui était utilisé en amont de la crise et qui a été développé spécialement pour la crise en vue de pérenniser les actions. » (consommateur, Occitanie, 29 avril) Citoyens Les citoyens ont également, individuellement, été porteurs d’initiatives, un témoignage est repris ici d’autres sont proposés dans la rubrique Locale, collective ou issue du jardin : des tendances qui s’affirment en matière d’alimentation : “Nous avions l'habitude de faire le marché du Dimanche mais celui-ci étant fermé nous nous approvisionnons différemment. Une voisine a contacté un vendeur de fruits et légumes afin qu'il vienne vendre dans notre copropriété, nous lui avons donc réservé quelques places de parking et il vient tous les Vendredi pendant 1h30. C'est très pratique pour grand nombre d'entre nous qui devait se rendre au supermarché faire 2h de queue. Certains voisins le trouvent cher mais à bien y réfléchir, étant donné que je cuisine tout, que rien n'est gaspillé et que je n'achète aucun produits alimentaires au supermarché (à part farine, lentilles et pâtes), je m'y retrouve.” (consommateur, Auvergne-Rhône-Alpes, 29 avril) Un impact tout de même ressenti de la crise Malgré les nombreuses initiatives présentes sur tout le territoire, la crise impacte tout de même de nombreux producteurs en circuits courts (voir La situation des agriculteurs et des chaînes alimentaires) et leurs clients. La fermeture des marchés et leurs réorganisations, soulignée précédemment n’a pas toujours pu être compensée par des initiatives adaptées imposant à certains un changement de mode d’approvisionnement : « Le marché de plein air de notre village a été interdit et l'autorisation de réouverture demandée par le Maire a été refusée par le Préfet à deux reprises, ce qui a eu pour résultat des files d'attente à l'allure soviétique à l'extérieur du magasin de primeurs On a parfois vu un seul marchand de quatre saisons sur la place le jour du marché, sans vraiment comprendre en quoi c'était différent d'un marché. » (consommatrice, Normandie, 3 mai). « Habitant de centre urbain, 170 000, mes achats alimentaires étaient principalement aux marchés forains, l' "épicerie" en magasins bio (Biocoop, La Vie Claire, autres local), la boulangerie de (très grande) proximité (avec ou sans bio). La fermeture des marchés forains est une mesure particulièrement néfaste et contre-productive avec les prétentions à la re-localisation. » (consommateur, Auvergne-Rhône-Alpes, 5 mai) « Je me rendais avant le confinement au marché de Villeparisis, le dimanche matin, pour acheter des légumes à des producteurs. Puis les marchés ont été fermés. Le marché de Villeparisis a été rouvert peu de temps après, avec la mise en place de nouvelles conditions d'accès. Les producteurs ont leurs étals dans la halle. Pour y accéder, plus qu'une seule entrée, avec contrôle des attestations par des policiers, puis obligation de suivre un parcours, le même pour tous quel que soit l'endroit de la halle où vous souhaitez vous rendre. Le deuxième dimanche où je m'y rends après l'instauration de ces conditions, une longue file d'attente près de l'étal de producteurs seine-et-marnais où je vais. Les deux productrices sont tellement la tête dans le guidon que lorsque je lui pose une question, celle qui me sert ne l'entend pas. Les échanges sont restreints au strict minimum. Je n'y suis plus retournée depuis. En effet, le troisième dimanche (le 2 mai), la file devant la halle m'a dissuadée d'y acheter des légumes. [..] Les nouvelles conditions de circulation et d'accès au marché sont tellement restrictives que j'éprouve de la réticence à l'idée de m'y rendre. » (consommateur, Ile de France, 9 mai) Et maintenant ? Ce bulletin prend en compte les témoignages jusqu’au début du déconfinement (11 mai 2020). A ce stade, les acteurs des circuits courts s’interrogent sur la pérennité des initiatives portées (en plus des interrogations liées à la production et aux enjeux de communication soulignés dans le précédent bulletin ) et les suites à donner. Certains souhaitent ainsi maintenir des initiatives mises en place et complémentaires d’actions menées : « Nous souhaitons pouvoir continuer ce service sur le long terme en opérant une économie d'échelle et un gain de temps en couplant l'approvisionnement pour les pro et pour les particuliers. Il se pourrait finalement que ce nouveau service nous aide à trouver un modèle économique viable et plus sécurisé sur le long terme et qu'il réponde à une demande locale. Un service de commande en ligne de produits locaux vient compléter l'offre déjà disponible sur le territoire au travers des magasins physiques (magasin de producteurs, ventes à la ferme, marché) et répond à un besoin et un usage différent. » (PNR du Perche, 3 mai – témoignage débuté plus haut) Alors que d’autres souhaitent favoriser l’essaimage pour ne pas atteindre une taille trop importante : « On n'a pas forcément envie de trop grossir mais plutôt aider à l'essaimage de notre système. Nous sommes prêts à soutenir des initiatives du même genre. » (Déclaration d’un consom’acteur dans un dispositif de vente sur site Ouest France, 6 mai) Les prochaines semaines nous diront quelles initiatives perdurent et si le plébiscite des circuits courts se maintient pendant le déconfinement. Pour proposer de nouvelles observations cliquez ici. Présentation du Bulletin n°4 Article précédent : La situation des agriculteurs et des chaînes alimentaires | Article suivant : Détresse alimentaire et réseaux de partage
- Lancement de la nouvelle édition du RMT Alimentation Locale !
Toute l’équipe du RMT Alimentation Locale a le plaisir de vous annoncer le lancement de la nouvelle édition 2020-2024 ! Malgré un contexte perturbé, les animateurs·trices du RMT Alimentation Locale se sont réunis à distance le 21 avril pour échanger sur les objectifs et les feuilles de route des différents groupes de travail. Note : Pour cette nouvelle édition, le contenu du site sera mis à jour par étape, avec notamment la présentation des nouveaux axes et groupes de travail et la mise à jour des membres. Le RMT Alimentation Locale est un réseau d’experts, permettant à ses membres de se rassembler, de partager leurs travaux et de combiner leurs forces pour mettre en œuvre des projets communs et faire avancer l’expertise collective sur les chaînes alimentaires courtes de proximité (CACP). En savoir plus Pour cette nouvelle édition, nous avons fait le choix d’articuler nos travaux autour de 2 axes thématiques et 4 groupes transversaux appuyés par une animation générale. Si vous êtes expert dans le domaine des chaînes alimentaires courtes de proximité et souhaitez participer à nos travaux, vous pouvez nous contacter à animation@rmt-alimentation-locale.org, une charte sera prochainement disponible pour expliciter les critères permettant de nous rejoindre. Animation générale Yuna Chiffoleau (INRAE) et Anne-Cécile Brit (FR CIVAM Bretagne) animeront cette nouvelle édition du RMT. Leur rôle est d’assurer le pilotage administratif et financier du RMT, de coordonner l'avancée des travaux, de gérer la communication et de représenter le RMT auprès de différentes instances. Axe 1 , Les stratégies entrepreneuriales dans la durabilité : transition agroécologique, transformation à petite échelle et chaîne de valeur Les chaînes alimentaires courtes et de proximité attirent un public d'agriculteurs·trices, de transformateurs et de distributeurs de plus en plus large. De nouvelles entreprises voient le jour, dans tous les maillons de la chaîne alimentaire. L’objectif de cet axe de travail est : - d'améliorer la visibilité de la diversité des acteurs économiques impliqués dans les CACP - de capitaliser et co-produire des connaissances sur les stratégies entrepreneuriales et le partage de la valeur dans les CACP, en lien, notamment, avec la multiplication des solutions numériques - de questionner la contribution des CACP à la transition agroécologique - d'explorer les conditions du développement de la transformation à petite échelle Les chantiers prioritaires pour 2020-2021 sont à co-construire par les membres de cet axe. Deux premiers chantiers sont déjà lancés : - un chantier sur l'impact de la crise du covid-19 sur les exploitations agricoles en circuit court et la réorientation d'exploitations en circuit long vers les circuits courts. - un chantier sur les plateformes numériques pour la commercialisation (en lien avec le groupe de travail numérique) Animation Yuna Chiffoleau (INRAE), Anne Demonceaux (Chambre d’agriculture de Normandie) Axe 2, La relocalisation de l’alimentation dans la résilience des territoires: approvisionnement local, systèmes alimentaires territorialisés et transition alimentaire Face à la montée en puissance de la question alimentaire, à la diversification des acteurs qui s’en saisissent et à la multiplication des initiatives visant une relocalisation de l’alimentation, cet axe interroge la participation des CACP au développement, à la résilience et à la transition alimentaire dans les territoires. Cet axe, en complément de l’axe 1, privilégie donc une approche systémique et territoriale. Les grands objectifs de cet axe sont : - de capitaliser les connaissances et les compétences nécessaires pour une approche systémique des dynamiques territoriales autour de l’alimentation et une évaluation des effets des CACP en termes de résilience et de transition alimentaire. Une attention particulière sera portée aux territoires (villes petites et moyennes, territoires ruraux et périphériques, territoires hors PAT) et acteurs (citoyens, consommateurs, acteurs du marché « non agricoles ») encore peu étudiés - d’apporter des connaissances, des compétences et des outils pour accompagner et rendre les initiatives plus performantes à l’échelle des territoires et aider à la construction de politiques publiques. Les chantiers prioritaires pour 2020-2021 sont à co-construire par les membres de cet axe. Animation Virginie Baritaux (VetAgro Sup), Anne-Cécile Brit (FR CIVAM Bretagne), Nathalie Corade (Bordeaux Sciences Agro), Frédéric Wallet (INRAE) Groupe Transversal Formation L’objectif est de valoriser l’existant et de combler les manques en termes de formations, ressources pédagogiques et compétences mobilisables, pour professionnaliser le large public concerné par les CACP (acteurs des filières alimentaires, enseignants, collectivités, élus, etc). Ce travail transversal s’inscrit en lien avec l’ensemble des partenaires et membres des autres axes, dans une logique de complémentarité et de travail collaboratif, pour s'appuyer sur les besoins, expertises et faire vivre les outils produits. Les 1ers chantiers sur lesquels nous solliciterons les membres du RMT sont : - La création d’un guide des ressources pédagogiques existantes - La création d’un recensement des formations traitant des CACP - L'identification des compétences existantes au sein du RMT (ou partenaires) - Le recensement & l'identification des besoins en formation ou compétences pour compléter l’existant. Animation Christèle Droz-Vincent (EPLEFPA Lozère), Fanny Garric (CRIPT PACA), Juliette Peres (Fab’lim) Groupe Transversal Logistique L’objectif du groupe logistique est la capitalisation et la montée en généricité des connaissances sur la logistique des CACP. 3 chantiers seront plus particulièrement investis : l’optimisation de la logistique ; les pratiques de mutualisation logistique ; la réglementation sur le covoiturage de produits. Le groupe a également l’ambition de faire émerger une communauté opérationnelle permettant de poursuivre la veille scientifique et de coproduire des données de transfert de flux. Deux premières opérations sont envisagées en 2020 : - Diffusion de la note de synthèse : « Logistique des circuits alimentaires courts de proximité : état des lieux, nouveaux enjeux et pistes d’évolution » - Journée « logistique », restitution du travail sur l’état des lieux, date à définir. Animation Amélie Gonçalves (INRAE), Gwenaëlle Raton (Université Gustave Eiffel), Fréderic Wallet (INRAE). Groupe Transversal Numérique L’objectif du groupe numérique est d’analyser et d’accompagner les usages et les impacts du numérique sur la performance, la multiplication et le changement d’échelle des CACP. Trois chantiers seront mis en œuvre dès 2020 : - recensement et analyse comparative des outils et usages du numérique (en lien avec l'axe 1) - organisation d’une journée sur les enjeux et solutions de l’interopérabilité des données dans l’écosystème des CACP - lancement d’un observatoire national des CACP, déconcentré et participatif, appuyé sur une cartographie des initiatives autour de l'alimentation de proximité (à paraitre prochainement). Animation Grégori Akermann (INRAE), Myriam Bouré (Open Food France) Groupe Transversal Réglementation Le groupe Réglementation a pour objectif d’accompagner : - les producteurs sur le plan sanitaire notamment en cas de gestion des alertes. Le RMT pourrait être à l’initiative de la création d’une cellule nationale de suivi de la qualité sanitaire et d’appui lors de la gestion des alertes ; - la réflexion sur la gestion environnementale des ateliers de transformation fermiers en lien avec la règlementation : eau, énergie, déchets (dont la problématique grandissante des emballages) ; - la réflexion sur les enjeux relatifs à la prise en compte du bien-être animal. Animation Benoît Grossiord (Bordeaux Sciences Agro), Françoise Morizot-Braud (CERD) Pour toute question, vous pouvez nous contacter à : animation@rmt-alimentation-locale.org Crédit photos : Unsplash
- Éclairage Covid-19 | Une élue rennaise témoigne de son expérience
Présentation de Nadège Noisette Élue depuis 2014, en charge de la politique d'approvisionnement de la ville de Rennes, j'ai travaillé sur la question de l'alimentation notamment dans le cadre de l'approvisionnement des cantines scolaires. J'avais envie que les petit-e-s rennais-e-s puissent avoir des produits bio et locaux dans leurs assiettes. Je voulais que l'achat de denrées alimentaires par la ville de Rennes puisse aussi encourager des pratiques agricoles plus durables et que l'on diminue le gaspillage alimentaire. A travers des projets comme le plan alimentaire durable (PAD) de la ville et Terre de Sources porté par la collectivité Eau du Bassin Rennais (CEBR), le système alimentaire rennais progresse peu à peu vers un modèle plus résilient. La crise sanitaire que l'on traverse le démontre en partie. Dès le début du confinement, beaucoup se sont rué-e-s dans les grandes surfaces afin d’acheter des produits de base en grande quantité par peur de manquer. Puis se mettant à cuisiner, et particulièrement inquiet-e-s pour leur santé, certain-e-s se sont tourné-e-s vers les produits frais, bruts, sains et locaux. Cette crise permet alors de créer de nouveaux liens solidaires entre différent-e-s actrices/acteurs que ce soit pour favoriser la vente de produits locaux, pour lutter contre le gaspillage alimentaire ou pour offrir une aide alimentaire aux plus démunis·es. Ainsi par exemple : Les supermarchés s’approvisionnent plus facilement auprès de productrices et producteurs locaux Les plateformes qui offrent des possibilités de commander en ligne mettent en avant des produits bio et issus d’une agriculture paysanne durable La cuisine centrale de la ville de Rennes a distribué les denrées prévues en vain pour les cantines via des circuits courts ou le don et fabrique actuellement des repas pour les personnes dans le besoin. Des coursiers en vélo font des livraisons de paniers à domicile Des systèmes alternatifs de distribution, souvent solidaires se sont inventés rapidement comme des achats groupés d’habitant-e-s Mais quand certain-e-s se démènent pour trouver des produits durables et locaux et soutenir les productrices et producteurs, d'autres n'arrivent pas à nourrir leur famille. Pour certains enfants, le repas à la cantine était le seul repas équilibré de la journée, avec la fermeture des écoles, se nourrir devient donc pour certaines familles une véritable question de survie. Paradoxalement, un certains nombres d'industriels de l'agroalimentaire, se retrouvent avec des stocks de denrées qu'ils n'arrivent pas à écouler faute de débouchés dans la restauration hors domicile, parce que les habitudes de consommation ont changé ou que la chaine de distribution montre quelques signes de faiblesse. Face à ce constat et l'impossibilité pour les associations d'aide alimentaire de fonctionner normalement, une grande et exceptionnelle solidarité s'organise à Rennes. Ainsi sous l'impulsion d'associations locales d'aide alimentaire comme Cœurs Résistants et L'Epicerie sociale de l'université de Rennes2, l'ensemble des actrices et des acteurs de l'aide alimentaire construisent un nouveau système de distribution alimentaire pour toutes celles et ceux qui en ont besoin. Une fois par semaine, en viso-conférence, les grandes associations nationales comme la Banque Alimentaire, le Secours Populaire, La Croix Rouge, les Restos du Cœurs… , les associations locales (Cœurs Résistants, L'Epicerie Sociale de Rennes2, Un Toit c'est Un Droit … ), l’Etat et la ville de Rennes se retrouvent pour trouver ensemble des solutions à la précarité alimentaire. Cette nouvelle coordination, efficace et mise en place dans l'urgence, me semble en soit déjà assez inédite pour être soulignée. Il en résulte alors que la ville met à disposition des associations, 2 écoles, qui servent de base logistique. Dans chacune de ces écoles des équipes de 5 à 6 bénévoles, qui tournent par demi-journée, réceptionnent, désinfectent, trient, rangent des denrées alimentaires. Celles-ci proviennent de la banque alimentaire, de dons des grandes et moyennes surfaces récupérées par la société Phenix et les associations, de dons des industries agro-alimentaires ou de l'agriculture (Chambre d'Agriculture) qui transitent souvent par la cuisine centrale de la ville de Rennes, d'achats réalisés auprès de grossistes comme la Biocoop ou par la ville de Rennes pour les couches. Une cagnotte a été mise en place (SolidaRennes) pour permettre ces achats. Une fois désinfectées au vinaigre blanc et triées, ces denrées sont ensuite mises dans des sacs par les bénévoles. Chaque sac doit contenir pour une personne de quoi manger de manière "équilibrée" pendant 4 à 5 jours. Le CROUS est chargé de la distribution. 2 agents du CROUS viennent ainsi avec leur camion frigorifique dans les écoles tous les jours pour récupérer les sacs préparés et les distribuer directement chez les personnes qui en ont fait la demande. Quelques autres associations de quartier ou qui suivent des squats viennent aussi chercher régulièrement quelques sacs. En tout se sont ainsi près de 300 sacs qui sont constitués par jour dans les 2 écoles. Les bénévoles affluents, les demandeurs et demandeuses aussi. En 2 mois, 10 000 personnes différentes sur Rennes ont ainsi été aidées. En plus de cette logistique mise en place dans les deux écoles, la cuisine centrale de la ville de Rennes produit chaque jour près de 500 repas chauds individuels qui sont livrés par des agents de la ville aux personnes logées dans des hôtels. La ville a en effet mis à l'abri dans des hôtels les personnes qui n'avaient pas de logements dont une grande partie de migrant-e-s. De mon côté, entre une élection municipale suspendue et la mise en place à la ville d'une cellule de crise très resserrée autour de la Maire, je me suis retrouvée, confinée sans moyen d'agir dans le cadre de mon mandat municipal alors que l'alimentation était au cœur des préoccupations du moment. Je connaissais l'association "Cœurs Résistants" car j'avais monté un projet artistique avec eux en 2019. Je les ai contactés afin de pouvoir prêter main forte. Un jour par semaine, j'ai alors encadré les équipes de bénévoles sur le site d'une des écoles. L'équipe du matin se chargeait de récupérer, désinfecter, trier les denrées qui arrivaient. Deux à trois arrivages différents étaient attendus. A partir de 14h, l'équipe de l'après-midi préparait entre 150 et 170 sacs en essayant de répartir au mieux les différents aliments et en prenant en compte les régimes alimentaires des bénéficiaires. Ensuite on nettoyait et désinfectait tous les locaux. Concrètement on avait assez peu de fruits et légumes frais. Les pâtes, riz, huiles avait été achetées. On avait par contre beaucoup de plats préparés, de produits laitiers avec des DLC très courtes et énormément de viennoiseries. Les échanges entre bénévoles témoignaient vraiment d'un questionnement et d'une inquiétude partagée quant à la qualité nutritive des denrées que l'on donnait et de la surproduction de certains produits (viennoiserie par exemple). Les aliments étaient aussi pour la plupart suremballés. Je continue ce bénévolat au moment du déconfinement. Avec la réouverture des écoles, l’aide alimentaire s’organise désormais dans un gymnase. Cette fois ce seront plutôt les bénéficiaires qui viendront directement se servir dans ce gymnase transformé alors jusque fin aout en épicerie solidaire. La question de la précarité alimentaire a toujours été au cœur de mes préoccupations sans forcement d’ailleurs trouver des réponses. J’espère vraiment que cette formidable solidarité de l’aide alimentaire va perdurer pour justement co-construire les solutions qui permettront demain à toutes et tous de manger sainement. Il ne faut pas que les personnes les plus fragiles ne puissent manger que les « restes » de la société de consommation, ce n’est pas sain, ce n’est pas juste. Il me semble vraiment urgent qu’un nouveau modèle puisse être pensé et expérimenté au moins déjà à l’échelle de la ville de Rennes.
- 01/11/2017 | Optimisation de la logistique dans les chaînes alimentaires de proximité
De nombreux travaux sur les chaînes alimentaires courtes de proximité montrent que leur contribution à la durabilité des systèmes alimentaires dépend de la logistique associée, c’est-à-dire de l’organisation des flux de matières, des flux d’informations et des flux financiers. Cette organisation appelle à explorer les solutions techniques et les nouvelles formes de coordination entre acteurs mises en œuvre dans les territoires. Dans le cadre du RMT Alimentation Locale et de son groupe de travail « Organisations collectives », la FNCUMA, avec l’appui de l’INRA, a organisé en 2016 deux journées d’étude afin d’approfondir les enjeux et leviers de l’optimisation logistique dans les chaînes alimentaires courtes de proximité (CACP), en s’appuyant sur les regards d’acteurs de terrain, de chercheurs, d’experts et d’organismes de développement. Cette synthèse reprend les éléments clés à retenir des interventions et échanges conduits dans le cadre de ces deux journées qui se sont tenues à Paris le 4 mai et le 6 septembre 2016. Ces journées ont fait l’objet d’une synthèse de 8 pages « La logistique dans les chaînes alimentaires courtes de proximité : enjeux et leviers d’optimisation ». Télécharger la synthèse
- Hors-Série de la revue Village, coordonné par l’INRAE : Du champ à l'assiette.
Village est un magazine trimestriel national réalisé par des journalistes ruraux dont le but est de valoriser les initiatives innovantes partout en France pour que les lecteurs puissent se les approprier et les transposer sur leur territoire. Ce hors-série aborde la question de l'alimentation de proximité grâce à un partenariat entre Village et les équipes de l'INRA (à présent INRAE). Il a été coordonné par Yuna Chiffoleau, Directrice de recherche à l'UMR Innovation, avec la collaboration de Sarah Lachenal, stagiaire AgroParisTech et Axel Puig, journaliste Village. Ce hors-série est alimenté par une étude menée dans le cadre du métaprogram-me Did'it (Déterminants et impacts de la diète, interactions et transitions) de l'INRAE (lien) qui vise à identifier des leviers pour favoriser la durabilité des systèmes alimentaires. Il présente les principales tendances observées autour de la reterritorialisation de l’alimentation, à travers une diversité d’initiatives, que des chercheurs de disciplines variées éclairent sous l’angle de la durabilité. Un hors-série essentiel pour y voir plus clair et trouver des pistes concrètes pour s’engager dans la transition agroécologique et alimentaire. L'étude complète a été présentée à l'occasion du colloque Reterritorialisation de l'alimentation qui s'est déroulé à Paris le 28 novembre (lien). Commander le Hors Série Crédit photos : RMT Alimentation Locale Edit : le 04/05/2020
- Compte-rendu du colloque Reterritorialisation de l'alimentation
Le colloque « Reterritorialisation de l'alimentation : quelle contribution à la durabilité des systèmes alimentaires ? » a été organisé par l'INRA (à présent INRAE) et le Réseau Mixte Technologique Alimentation Locale, en collaboration avec le Ministère de l'agriculture et l'alimentation, le Ministère de la transition écologique et solidaire, le Commissariat général à l'égalité des territoires, la Caisse des dépôts et consignations et le GDR Policy Analytics. Il s'est déroulé le 28 novembre 2019 à la Caisse des dépôts et consignations (Paris) et a réuni 50 intervenant·e·s (ou personnes ayant contribué à des interventions) et plus de 200 participant·e·s aux profils très divers (agents de développement agricole et rural, acteurs institutionnels et économiques, représentants d’associations et chercheurs...). Un grand merci à toutes et à tous pour avoir fait de cette journée une rencontre riche en échanges et en enseignements, nous espérons qu'elle aura contribué à ouvrir de nouvelles pistes de recherche et de collaboration ! Nous avons aujourd'hui le plaisir de vous partager le compte-rendu ainsi que les vidéos et supports de présentations du colloque : Compte-rendu Merci aux élèves du groupe Système Alimentaire Territorialisé d'Agrocampus Ouest Angers pour leur contribution à la rédaction de ce compte-rendu et aux intervenant·e·s pour leur relecture. Les vidéos et présentations des intervenants sont accessibles dans le compte-rendu ou directement aux liens suivants : Introduction Vidéo Les grands enjeux économiques et environnementaux de la reterritorialisation de l'alimentation Présentation / Vidéo Présentation de l'enquête nationale "Reterritorialisation de l'alimentation" Présentation / Vidéo L'exemple des filières céréales territorialisées Présentation / Vidéo Session 1. Diversité et performances des circuits de proximité Présentation / Vidéo Session 2. Approvisionnement des villes, entre autonomie et résilience Présentation / Vidéo Session 3. Nouveaux environnements alimentaires et changement des pratiques de consommation Présentation / Vidéo Conclusion et perspectives Présentation / Vidéo Nous restons à l'écoute de vos retours et questions sur la journée, merci d'écrire à animation@rmt-alimentation-locale.org pour nous en faire part. Retrouvez toutes les vidéos de la journée et de nos autres événements sur notre chaîne YouTube. Retrouvez les présentations des partenaires du colloques sur l'article suivant : 11/12/2019 | Retour sur le colloque Reterritorialisation de l’alimentation
- 28/11/2019 | Colloque, Reterritorialisation de l’alimentation.
Reterritorialisation de l’alimentation : quelles contributions à la durabilité des systèmes alimentaires ? Edit le 04/02/2020 : Le compte-rendu du colloque est disponible ici. Colloque coordonné par l’Inra, Paris, 28 novembre 2019 Caisse des dépôts et consignations, 15 quai Anatole France, 75 007 Paris En collaboration avec le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, le Ministère de la transition écologique et solidaire, le Commissariat général à l’égalité des territoires, la Caisse des dépôts et consignations, le GDR Policy analytics et le Réseau Mixte Technologique Alimentation locale. Ce colloque, ouvert à tous, sera d’abord l’occasion de partager les résultats de l’étude coordonnée par l’INRA sur la reterritorialisation de l’alimentation en 2018-2019, basée sur plus de 200 interviews d’acteurs nationaux et régionaux et la collecte de données chiffrées. Dans un second temps, la présentation d’autres travaux de recherche, portés par différentes disciplines, viendra éclairer une première série de questions soulevées par l’étude. Les approches et les résultats seront mis en perspective par des acteurs de terrain. Le public sera composé d’ acteurs institutionnels (ministères, régions, départements, métropoles, communes…), d’agents de développement agricole et rural, de représentants d’associations, d’acteurs économiques, de chercheurs, d’étudiants… Le nombre de places étant limité, il est possible que nous ne puissions accueillir toutes les personnes souhaitant participer. Nous validerons donc les inscriptions en veillant à représenter la diversité des acteurs. Les inscriptions au colloque sont clôturées. Nous avons reçu un très grand nombre de demandes d’inscriptions et ne pouvons plus en accepter. Retrouvez ci-dessous le programme : Programme Pour tout complément d’informations, merci de vous adresser à Anne-Cécile Brit : animation@rmt-alimentation-locale.org
- Éclairage Covid-19 | Impact sur les exploitations et filières agricoles des îles de l’Atlantique
Les îles, havres de tranquillité épargnés par la crise du coronavirus ? Pas si sûr pour les agriculteurs insulaires ! Pour savoir de quelle manière ceux-ci ont été impactés par les mesures de confinement, et ont adapté leur activité, le Réseau agricole des îles atlantiques (RAIA) a réalisé une série d’enquêtes téléphoniques au cours du mois d’avril auprès d’agriculteurs et de différents acteurs des filières agricoles insulaires. Les témoignages recueillis ont servi à élaborer la note qui suit, présentant les conséquences à ce jour de la crise et les enseignements à en tirer pour l’avenir. Le RAIA est une association qui regroupe des agriculteurs, des citoyens et des élus dans l’objectif de faciliter le maintien et le développement d’une agriculture durable dans les îles de la façade atlantique française, en région Bretagne et dans les départements de Vendée et de Charente-Maritime. Ses membres se répartissent sur les îles de : Bréhat, Ouessant, Sein, Groix, Belle-Ile-en-Mer, Hoëdic, Arz, Yeu, Noirmoutier, Ré, Aix et Oléron. La note a été rédigée par Mary-Anne Bassoleil, animatrice du RAIA. Cette synthèse peut également être consultée sur le site internet de l’association : https://raia-iles.fr/ Activité agricole En ce qui concerne les travaux prévus normalement pour cette saison, les principales difficultés exprimées sont liées à la perturbation des services de transport maritime. En effet, le nombre de dessertes quotidiennes a été réduit pour la majorité des îles (en moyenne, les 2/3 des trajets ont été supprimés). Dans certains cas, les produits indispensables à l’activité commandés par les producteurs n’ont pas pu passer sur le bateau, car considérés comme non prioritaires : plants maraîchers, engrais. Néanmoins, l’adaptation progressive de la législation (plans et semences considérés ultérieurement comme de première nécessité) et la négociation avec les sociétés de transport ont permis de résoudre ces difficultés. Les difficultés persistent néanmoins dans le cadre des déplacements nécessaires à la réparation du matériel agricole, car il n’y a pas de concessionnaires sur les îles. Trouver de la main d’œuvre saisonnière n’a pas présenté de difficulté majeure, des saisonniers étaient déjà arrivés au mois de mars et la main d’œuvre est pour partie locale. Pour les agriculteurs qui faisaient habituellement appel à des stagiaires et dont les stages ont été annulés, la charge de travail s’est alourdie. Le temps de travail d’encadrement des salariés est multiplié par les mesures sanitaires mise en place sur les exploitations. Dans l’ensemble, les travaux agricoles (plantations, semis…) prévus pour cette période ont été réalisés. Les travaux de construction ou d’aménagement ont en revanche pris beaucoup de retard, la plupart des entreprises réalisant ces travaux étant fermées. Cette situation est extrêmement pénalisante dans le cas des installations en cours, pour lesquelles le démarrage de l’activité dépend de l’arrivée du matériel commandé et de travaux de construction spécifiques (laboratoire de transformation, serre…). Dans ces cas-là, les difficultés sont aggravées par les retards administratifs (obtention de crédits), l’absence de clientèle déjà établie et l’impossibilité de commercialiser auprès d’une clientèle touristique. Ces constats nous alertent sur la nécessité de : - Soutenir spécifiquement les agriculteurs en cours d’installation dans les îles, dont l’établissement est particulièrement délicat (Loi Littoral, coût du foncier…) et néanmoins crucial pour le renouvellement des générations d’agriculteurs et le maintien d’une certaine autonomie alimentaire dans les îles. - Faire reconnaitre, pour l’avenir, la spécificité des produits nécessaires à l’exploitation agricole, au même titre que les produits alimentaires, dans les documents qui régissent les dessertes maritimes entre les îles et le continent. Accès au marché pour les productions insulaires Plusieurs tendances distinctes se dégagent selon le type de production et le mode de commercialisation habituel (vente directe, filière mixte ou longue) : Pour les productions maraîchères, la crise intervient à une période de soudure entre les légumes d’hiver et d’été : il y a relativement peu de volume à la vente si l’on compare aux productions estivales. Toutes les personnes enquêtées réussissent pour le moment à commercialiser l’intégralité de leur production en frais. En élevage, la situation va rapidement se détériorer. Pour la plupart des éleveurs bovins ou ovins, la nécessité de transporter les animaux sur le continent pour l’abattage et la découpe de la viande est complexifié par le faible nombre de dessertes (sauf pour les îles à pont). A Belle-Ile-en-mer, par exemple, le camion de transport des bovins ne fait pas partie des véhicules prioritaires sur le bateau. De plus, certains débouchés ont disparu : fermeture d’une partie des marchés au cadran où sont vendus en vif les veaux, les jeunes bovins et une partie des vaches de réforme. En élevage ovin, les lots d’animaux qui devaient être vendus en vente directe pour la période pascale ont pu l’être pour partie, mais ils ne constituent qu’une faible part du total des animaux produits pour la saison estivale. Les éleveurs concernés gardent les animaux pour l’instant, mais cela occasionne des surcoûts importants notamment en termes d’alimentation animale. Pour les agriculteurs réalisant de la vente directe, individuelle ou collective, le constat de l’apparition de nouveaux clients est unanime. L’arrivée de résidents secondaires ou des familles de résidents permanents en début ou en cours de confinement a créé une clientèle supplémentaire, même si les agriculteurs relativisent les annonces faites par la presse d’arrivées « massives ». Les avis sont cependant mitigés sur la pérennité post-confinement de cette clientèle. Les agriculteurs qui commercialisent via des filières longues très structurées, pour lesquelles le transport a été peu impacté, font état de « très peu de changement » : filière lait à Belle-Ile-en-Mer : le camion de lait fait partie des véhicules prioritaires sur le bateau, et pour l’instant la laiterie n’a pas demandé de diminution de production, filières légumières de Batz : le service de la barge transportant le fret est globalement maintenu, et les grossistes du continent qui se chargent d’écouler les produits semblent trouver des débouchés assez facilement en GMS et magasins bio, la filière pomme de terre à Noirmoutier : la coopérative a continué son activité, le confinement intervenant pendant les deux mois que dure la saison des pommes de terre primeur, filières sel sur les îles de Ré et Noirmoutier : les ventes des coopératives se maintiennent grâce à la demande de la grande distribution. Des baisses de prix sont cependant déjà apparues (pommes de terre primeur de Noirmoutier) ou annoncées (filière lait). Les produits bio tirent leur épingle du jeu, car la demande en produits alimentaires bio a augmenté depuis le début du confinement. Les producteurs réalisant de la vente directe auprès d’une clientèle touristique saisonnière sont très fortement impactés : c’est le cas des sauniers indépendants sur l’île de Ré, et des viticulteurs réalisant de la vente directe (hors coopérative) à Ré et Oléron. Ces témoignages nous alertent sur : - La nécessité d’un appui financier complémentaire post-crise pour les producteurs dont le cycle d’exploitation et la trésorerie seront obérés sur une année complète, du fait de la forte saisonnalité de leur activité. - L’importance de travailler à la mise en place d’équipements permettant de transformer et commercialiser les produits bruts sur les îles pour limiter la dépendance au transport. Stratégies d’adaptation A court terme Les modalités de commercialisation se sont déjà adaptées afin d’appliquer les mesures sanitaires. Ainsi, la livraison de paniers à domicile est un débouché qui a pris beaucoup d’ampleur. Les systèmes de pré-commande par internet connaissent un grand succès. Des parcours de vente adaptés ont été mis en place dans les points de vente collectif et à la ferme. Enfin, le recours aux réseaux sociaux est important : il s’appuie sur des structures préexistantes (par exemple, le « Forum de discussion Belle-Ile », un groupe Facebook qui regroupe une partie de la population belliloise) et permet de communiquer facilement sur les nouvelles modalités de commercialisation. Ces changements dans l’organisation logistique quotidienne génèrent une augmentation importante du temps de travail affecté aux tâches de préparation des produits et des commandes, ainsi qu’à la livraison. A moyen terme Les interrogations des producteurs sont vives sur la conduite à tenir pour les mois qui viennent. En ce qui concerne la production à proprement parler, la majorité des agriculteurs n’a pas arrêté sa décision sur la stratégie à adopter, car les incertitudes et l’anxiété se cristallisent autour de l’existence ou non d’une réelle saison touristique cet été. Des arbitrages sont déjà réalisés sur l’embauche ou non de salariés en juillet et août : se passer d’une embauche, surtout si les ventes restent faibles, permettra de limiter les charges. D’autant qu’avec l’arrivée de la saison estivale, de grandes quantités de produits vont se retrouver à vendre en même temps : s’il y a peu de clients, les prix vont baisser. En ce qui concerne la commercialisation, la plupart des agriculteurs en vente directe n’ont pas encore pris position pour rechercher des débouchés complémentaires. En effet, la mobilisation de nouveaux débouchés interroge sur leur maintien ultérieur : pourra-t-on « laisser tomber » dans quelques mois des structures qui ont dépanné pendant la crise, mais auxquelles le recours est plus complexe (magasin bio VS vente à la ferme). En ce qui concerne les mesures de soutien, les agriculteurs sont globalement défavorables à des mesures type avances remboursables ou report de cotisation, qui ne feront « qu’alourdir la facture dans quelques mois, alors qu’il n’y aura toujours pas de trésorerie ». La mesure qui semble la plus adaptée est le décalage sans frais des mensualités des crédits en cours. Ces constats nous alertent sur la nécessité de : - Négocier dès maintenant des tarifications spécifiques de transport pour l’export de production agricole, afin de faciliter la mise en marché sur le continent pour les agriculteurs impactés par la perte des débouchés saisonniers, - Faciliter, par un appui politique et institutionnel, le report des échéances de crédit par les organismes bancaires, pour les agriculteurs qui le solliciteraient. Solidarité et soutien politique La crise encourage les solidarités entre agriculteurs. Le point de vente collectif de Belle-Ile a ainsi pris l’initiative de proposer des produits d’agriculteurs ou commerçants non-membres. A Oléron, les producteurs membres de l’association MOPS (Marennes Oléron Produits Saveurs) partagent leur production pour pouvoir répondre à la demande des clients et que les paniers proposés soient plus attrayants. Néanmoins, ces solidarités se construisent autour de collectifs existants. Par ailleurs, certains commerçants ont proposé des produits locaux dans leurs rayons. A Oléron, un directeur de GMS a écoulé la production maraîchère d’un agriculteur ayant perdu ses débouchés en restauration commerciale. A Belle-Ile, une supérette ne pouvant plus être approvisionnée pour certains produits laitiers via le continent a intégré des productions locales dans ses rayons et a découvert les producteurs locaux par la même occasion. Enfin, les élus insulaires ont dans l’ensemble montré de la bonne volonté pour défendre auprès des préfets le maintien ou la réouverture des marchés couverts ou de plein vent, permettant aux agriculteurs concernés d’écouler leur production. Les marchés sont donc maintenus, avec parfois des horaires réduits, sur la quasi-totalité des îles. Certains élus ont également incité les habitants à s’approvisionner localement via la presse et les réseaux sociaux, voire, dans certains cas, se sont mobilisés pour faciliter le transport des produits indispensables à l’activité agricole. Néanmoins, l’absence de concertation pour la mise en place des horaires aménagés de bateau, ainsi que la difficulté pour les agriculteurs à trouver un interlocuteur dans les communes pour lesquelles les élections n’ont pas pu être finalisées, créent des difficultés. Cela souligne l’importance d’encourager ou de mettre en place dans les îles : - des démarches agricoles collectives, conduites en concertation avec les élus locaux au sein de projets à dimension territoriale, - des circuits courts et de proximité pour l’approvisionnement alimentaire insulaire. Bilan En dehors des installations de jeunes agriculteurs qui sont fortement impactées par la crise, et de certaines filières spécifiques (viande, sel, vignerons indépendants), les agriculteurs enquêtés sur les îles ont pu pour le moment s’adapter à la situation. Le début du confinement est intervenu dans une période à laquelle le volume des productions à écouler est relativement faible. Des baisses de chiffre d’affaires sont toutefois déjà signalées, et les inquiétudes sont vives quant à la saison estivale à venir, qui représente la majeure partie du chiffre d’affaire annuel en vente directe. Pour certains, la situation risque de se compliquer rapidement à partir de la fin du mois d’avril. A ce jour, les agriculteurs ont très peu de visibilité sur la stratégie à adopter, et la plupart espèrent ne pas avoir à faire face à un « scénario pessimiste » dans lequel la totalité de la saison serait remise en cause. Les activités qui pâtissent le moins de la situation sont celles installées depuis longtemps, autonomes (peu d’intrants, transformation sur place) et avec des débouchés réguliers sur l’année. Il est crucial de mettre en œuvre, dès maintenant, des moyens permettant d’assurer rapidement l’évolution des exploitations et filières agricoles insulaires vers davantage d’autonomie et de résilience. Crédits photos : RAIA
- Éclairage Covid-19 | Les plateformes d’approvisionnement et de distribution des produits locaux
Comment les plateformes des producteurs sont-elles touchées, s’adaptent-elles et se reconstruisent-elles face à la crise sanitaire du Covid-19 ? Depuis le début du confinement, les circuits courts alimentaires sont plus que jamais convoités. Cette situation inédite confronte les initiatives à des changements rapides. Cet éclairage présente les témoignages des animateurs de trois plateformes d’approvisionnement en produits locaux aux professionnels et de quatre circuits courts de vente en ligne aux consommateurs, donnant un premier aperçu de la situation en Occitanie. Melise BOUROULLEC-MACHADO est enseignante-chercheuse en marketing des filières agroalimentaires à l’Ecole d’Ingénieurs de PURPAN et membre de l’UMR AGIR/INRAE. Ses travaux portent sur les transformations des mécanismes de coordination des filières agricoles et agroalimentaires, notamment les démarches collectives porteuses d’une plus forte valeur ajoutée pour les agriculteurs. Les circuits courts plus récents et/ou innovants et la capacité des acteurs de s’organiser autour de ces collectifs, font partie de ses thèmes de recherche. Les plateformes d’approvisionnement de produits locaux aux professionnels presque à l’arrêt. Depuis le début du confinement, une grande majorité des professionnels clients des plateformes d’approvisionnement en produits locaux ont cessé leur activité. La restauration scolaire publique, marché principal de la SCIC Terroirs Ariège Pyrénées, est à l’arrêt, la SCIC Resto Bio a réduit ses commandes au minimum et les marchés publics suspendus. Selon un responsable de la plateforme Agrilocal 31 « certaines commandes en cours ont pu être annulées ; d’autres, comme la viande, ont pu être surgelées par le fournisseur, en commun accord entre les parties (producteurs et cantines), et seront livrées à la reprise des activités ». Le surplus de quelques établissements a été ponctuellement distribué soit au personnel, soit à des associations. Seuls les EHPAD, centres hospitaliers, centre d’accueil d’enfants du personnel de la santé et quelques cuisines centrales positionnées sur du portage et la fourniture de repas en centres de soins, poursuivent leurs approvisionnements. Quelques réajustements de volumes et de type de produits sont observés. Les salariés de ces plateformes sont en chômage partiel (de 50% à 100%). La recherche d’alternatives pour les adhérents et fournisseurs. Pour faire face à la baisse significative des ventes des plateformes d’approvisionnement en produits locaux aux cantines, les agriculteurs ont vite cherché, individuellement ou collectivement, des alternatives de commercialisation. En Ariège, les moyens logistiques, commerciaux et humains de la SCIC Terroirs Ariège Pyrénées ont été mobilisés par les fournisseurs adhérents et d’autres agriculteurs ou artisans non adhérents, afin de fournir la grande et moyenne surface (GMS) sur le département et en limitrophe. Après quatre semaines, ces essais sont considérés peu concluants en termes de débouchés et d’engagement des responsables des GMS. Dans les Hautes-Pyrénées, la SCIC Resto Bio, a essayé de s’organiser pour mettre en place des lieux de vente collectifs là où les municipalités n’ont pas réouvert les marchés. En Ariège, la Chambre d’Agriculture, en partenariat avec les associations professionnelles agricoles du département (CIVAM Bio 09, Confédération Paysanne 09, FDSEA, JA 09, Coordination Rural, Parc Naturel Régional des Pyrénées Ariégeoises et La Maison de ma Région Foix), a mis en place, dans les communes le souhaitant, des « Halles fermières ». Les commandes sont passées sur le site de la Chambre d’Agriculture et livrées via des drives voiture ou piéton. Pour le drive voiture, la commande du consommateur est directement déposée dans le coffre de sa voiture. A Foix, un circuit fléché est suivi pour récupérer les achats sans sortir de la voiture. Les piétons accèdent aux Halles fermières grâce à un circuit particulier qui limite autant que possible les contacts. Selon la conseillère circuits courts de la Chambre d’Agriculture de l’Ariège, la réactivité est variable : « dix-huit producteurs sont mobilisés sur la GMS et plus d’une centaine sur les Halles fermières, et parmi eux une dizaine de fournisseurs la SCIC Terroirs Ariège Pyrénées ». Toujours avec l’objectif de compenser, au moins en partie, l'arrêt des cantines scolaires et des marchés de plein vent, et de proposer une offre alternative pour les producteurs, en Haute-Garonne la plateforme Agrilocal 31 a répertorié les surplus des agriculteurs afin d’essayer de répondre aux besoins spécifiques des communes (comme la livraison à domicile pour les séniors). Dans tous les exemples remontés, les changements ont exigé le développement de nouvelles organisations logistiques et commerciales (groupement de livraison, outils et process de prise de commandes, etc.). Certaines associations comme ERABLES et le CIVAM ont proposé une boîte à outils à destination des communes et des producteurs pour adapter l’organisation des marchés et respecter les règles sanitaires en vigueur. Les plateformes numériques de vente des producteurs aux consommateurs finaux prises d’assaut. Les plateformes numériques de vente des produits locaux des producteurs aux consommateurs finaux, tels les Drives Fermiers « Bienvenue à la Ferme » et les « Ruche qui dit oui ! », ont connu une forte augmentation de leur activité depuis le début du confinement. Le Drive Fermier Toulousain, association d’agriculteurs créée avec le soutien de la Chambre d’Agriculture de la Haute-Garonne, « [Le Drive Fermier] a multiplié par dix son chiffre d’affaires en doublant le panier moyen et en multipliant par 6 voire 8 le nombre de commandes par semaine ». Le Drive Fermier Montauban, était déjà un des drives Bienvenue à la Ferme les plus dynamiques de la région. Avec la crise sanitaire du Covid-19, le collectif d’agriculteurs a vu évoluer le nombre de commandes de ses sept points de distribution de 100 à 500 par semaine et le ticket moyen de 47€ à 90€. Deux plateformes Ruche qui dit oui !, une distribuant les produits locaux au centre-ville de Toulouse et l’autre dans sa banlieue, ont triplé le nombre de commandes. Elles sont passées respectivement de 80 à plus de 200 et de 30 à plus de 100. Les paniers moyens sont également en progression : de 35€ à 50€ pour la première et de 40€ à 60€ pour la seconde. Les consommateurs fidèles ont été rejoints par certains anciens mais aussi par de nouveaux consommateurs à la recherche de produits frais et d’une alternative aux supers et hypermarchés. Des changements dans le mode de distribution des produits ont dû être opérés pour faire face à la massification des commandes et intégrer les gestes barrières. En général, les consommateurs sont compréhensifs et très reconnaissants des efforts des producteurs. Les producteurs sont cependant confrontés aux remarques de certains nouveaux consommateurs, toujours à la recherche de produits calibrés et habitués aux standards de leurs anciens circuits d’achats. Un travail de fourmi qui démontre la capacité d’adaptation des circuits courts collectifs mais aussi le tiraillement des ressources. Pour faire face à la massification des commandes, les circuits courts collectifs ont dû s’adapter d’une semaine à l’autre aux nouveaux besoins en matériel, en ressources humaines ou en espace de distribution. Si, avant le confinement, dans les Drives Fermiers deux ou trois agriculteurs s’occupaient de la préparation des commandes et de la distribution aux consommateurs, plus de dix s’impliquent aujourd’hui pour gérer les 500 commandes du Drive Fermier Montauban. Aux 175m² préexistants pour la préparation des commandes, deux autres locaux ont été nécessaires. Il a fallu trouver en urgence des caisses, des cartons et des poches isothermes pour gérer la chaîne du froid. Pour gérer l’augmentation des volumes, les producteurs ont été incités à simplifier leurs offres : « à la place de proposer trois formats de poireaux, un seul permet de mieux gérer le temps de préparation pour les producteurs et au moment de la distribution ». Certains maraîchers sont passés aux paniers uniques. Après quatre semaines de confinement, la demande reste toujours plus forte que l’offre. Malgré les aménagements, un plafond du nombre de commandes a dû être établi en fonction des capacités logistiques amont et aval. Dans les Ruche qui dit oui ! les produits ne sont plus rassemblés par les consommateurs au moment des distributions. Comme pour les drives piétons, les commandes sont préparées en amont. Seuls les produits frais sont ajoutés à l’arrivée des consommateurs. Le temps de distribution a été augmenté d’une heure et des petits groupes de consommateurs sont positionnés par créneau de 30 minutes. Le premier quart d’heure est réservé aux personnes fragiles mais également très convoité par les femmes enceintes. Le Drive Fermier Toulousain, en plus d’un point de rassemblement et de distribution, a démarré un service de livraison à domicile en partenariat avec l’entreprise Aplicolis. Après les premières semaines, les livraisons ont été étalées sur deux jours. Dans le Drive Fermier Montauban, pour faire face à l’afflux des clients et respecter les gestes barrières, la préparation des commandes et la distribution démarrent le jeudi pour s’étendre jusqu’au vendredi. Les changements dans les processus de préparation et de distribution des produits ont dû être faits dans l’urgence. Ceci n’est pas allé sans stress et quelques tensions entre les producteurs ont vu le jour. Selon les animateurs des circuits courts collectifs, il a fallu trois semaines pour trouver le bon mode de fonctionnement mais les processus restent fragiles et peuvent être bouleversés à tout moment. La surcharge de travail pour les agriculteurs est non négligeable (préparation des commandes à la ferme et remise des paniers aux clients) mais ils ont su faire preuve de beaucoup de réactivité, d’adaptation et de créativité. L’épuisement de certains produits et les doutes sur les semaines à avenir. Le nombre de producteurs par circuit court reste stable. L’augmentation de la demande est en partie compensée par l’arrêt de la restauration collective publique et de certains marchés de plein vent. Quelques ajouts de produits issus des producteurs voisins sont observés mais les producteurs n'ont parfois pas assez de marchandises. Selon le Drive Fermier Toulousain : « il est parfois difficile de suivre entre élevage, transformation et livraison ». Des nombreuses ruptures de stock surviennent et certains produits sont épuisés en seulement quelques heures après l’ouverture des ventes. Un fort engouement est observé autour des fruits et légumes, viandes, œufs, farines et pâtes. L’arrêt prématuré des ventes est nécessaire, un jour voire trois avant la date habituelle de clôture des commandes en ligne. Dans le Drive Fermier Montauban, la demande pourrait atteindre plus de 700 commandes par semaine ce qui est incompatible avec les capacités logistiques. Après quatre semaines de vente intensive, des questions commencent à émerger sur la disponibilité future des produits. Pour le maraîchage, c’est la fin des légumes d’hiver et pas encore l’arrivée des légumes d’été. Les producteurs se sont beaucoup investis pour la vente et certains ont pris du retard dans la production. Pour les viandes, devant la forte demande, certains éleveurs ont dû abattre des animaux de plus en plus maigres (notamment les porcs), et par conséquent devront reconstituer leurs cheptels. Les fromages frais semblent moins profiter de l’augmentation des commandes et souffrent davantage de la fermeture des marchés de plein vent et des artisans-crémiers. Un avenir incertain mais rempli d’espoir. Les plateformes d’approvisionnement aux cantines scolaires ont bien souffert de la perte intempestive d’activité. L’équilibre économique, la trésorerie et le maintien du lien avec les producteurs fournisseurs font partie des interrogations futures. Les essais menés en GMS et les Halles fermières pourraient être valorisés après la crise afin de diversifier les débouchés et de réduire les risques liés à la concentration sur un seul marché. Cependant, des analyses sur les freins et les marges de développement restent à faire. L’équilibre entre le poids de la mise en commun (ressources matérielles, humaines, etc.) et les gains des nouveaux débouchés est à construire pour que ces derniers deviennent pérennes. Les circuits courts de vente aux consommateurs finaux s’interrogent sur la demande après le retour à la normal. Les consommateurs qui se sont tournés vers les circuits courts par peur de se rendre dans les super et hypermarchés et qui cherchent avant tout des produits calibrés, indépendamment de leurs saisons, reviendront très certainement à leurs anciennes habitudes d’achats. L’espoir réside dans la fidélisation des consommateurs qui ont découvert l’achat des produits locaux à travers les circuits courts pendant cette période de confinement. Une partie des consommateurs devrait s’intéresser davantage à la proximité entre lieu de production et de consommation et contribuer de manière active à la reterritorialisation de l’alimentation. L’évolution du nombre de demandes d’ouverture de nouvelles Ruche qui dit oui !, de 32 par semestre à 97 ces quatre dernières semaines, annonce de belles perspectives. Crédits photos : Drive Fermier Toulousain