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- Covid-19 et Systèmes alimentaires, "Manger au temps du coronavirus" - Bulletin de Partage 2
Nous vous proposons ici le deuxième numéro de notre bulletin de partage sur l’enquête “Manger au temps du coronavirus”. Nous adoptons un rythme de parution toutes les 2 semaines, pour un temps indéterminé, en espérant “tenir la distance”. Ce bulletin couvre donc la période allant du mardi 24 mars à midi (fin de la première semaine de confinement) au mardi 7 avril à 12 heures (quelqu’un ayant réussi l’exploit de nous expédier une contribution à 11 heures 59 !). Nous prenons en considération 216 retours d’expérience par le formulaire en ligne, 38 par d’autres voies (réseaux sociaux, courriels) et avons dépouillé 95 articles de presse. Nous constatons dans les retours toute l’importance des réseaux et de la communication : la diffusion au sein du réseau des AMAP a provoqué rapidement des réactions, une mention de l’enquête dans “le Monde” a suscité d’autres types de témoignages. Globalement, nos contributeurs sont principalement des mangeurs, déjà intéressés par les questions d’alimentation et qui souvent avaient fait des choix assumés sur la qualité et l’origine locale de leur alimentation. En cela, le profil des répondants n’est pas représentatif de la population. Nous recueillons toutefois aussi des témoignages de mangeurs “intermittents” des circuits courts, s’approvisionnant surtout en supermarché et qui prennent conscience de l’importance de l’alimentation. Plus largement, nous cherchons dans le texte qui suit à prendre en compte des témoignages moins fréquents, en particulier ceux des professionnels de l’alimentation qui ont toute leur importance, ainsi qu’à porter l’attention sur les innovations porteuses de solutions utiles à partager. Un grand merci à toutes les personnes qui ont pris le temps de nous transmettre leurs retour d'expériences, vos témoignages nous sont précieux ! Pensez à nous faire connaître les évolutions que vous observerez par la suite pour nous aider à construire les prochains bulletins. Vous êtes surtout des consommateurs et des producteurs à nous avoir répondu. Nous serions heureux de pouvoir enrichir les bulletins suivants par des contributions soumises par d'autres types de profil. N'hésitez pas à partager ce bulletin et le questionnaire autour de vous ! Nous recherchons particulièrement des témoignages concernant la restauration collective et les solidarités. Questionnaire Ce nouveau bulletin se compose de 8 rubriques : Des modes de consommation renouvelés, une mobilisation créative... Des habitudes de crise s’installent dans les foyers Faire ses courses au temps du confinement Difficultés et adaptation des chaînes alimentaires longues et courtes La reconfiguration réactive des circuits de proximité La vulnérabilité au cœur de la solidarité alimentaire Les communes au cœur de l’action Tendances et perspectives Il est également possible de télécharger le bulletin dans son intégralité ici : Télécharger le bulletin de partage n°2 Quatre grands éléments ressortent de la lecture des témoignages : · les contributions reflètent pour la plupart une certaine sérénité face à la crise alors que la première semaine témoignait surtout de craintes, de questionnements, d’incertitudes face à une situation jugée préoccupante, voire chaotique, comme l’attestaient les stockages massifs, même si beaucoup de consommateurs déclarent toujours raisonner leurs achats de façon à éviter les contaminations ; · les retours se concentrent sur 2 thèmes centraux : ce qui se passe dans les foyers (régime alimentaire, pratiques culinaires) et au niveau des pratiques d’approvisionnement, ce qui renseigne alors également sur ce qui se passe dans les lieux d'approvisionnement ; · les répondants témoignent du rôle croissant des collectivités, en particulier du niveau communal ; · les témoignages montrent comment chacun, mangeur, producteur, professionnel de l’alimentation... s’adapte, sort de ses routines, innove, seul ou plus souvent avec d’autres. En complément de ce bulletin, les contributions recueillies entre le 15 mars et le 7 avril ont également fait l’objet d’une analyse lexicométrique semaine par semaine : il s’agit d’analyser les contributions recueillies à l’aide d’un logiciel qui permet de réaliser une analyse statistique d’un corpus de texte (fréquence des mots, surreprésentation, coocurence…). Les résultats sont consultables dans la rubrique « Analyse des remontées ». En savoir plus : www.rmt-alimentation-locale.org/covid-19-et-alimentation Nous contacter : animation@rmt-alimentation-locale.fr L’enquête “Manger au temps du coronavirus” a été initiée par des membres de l’Unité Mixte de Recherche Espaces et Société (C. Darrot, G. Maréchal), avec le cabinet coopératif Terralim (B. Berger, V. Bossu, T. Bréger, D. Guennoc, G. Maréchal, C. Nicolay), et les CIVAM de Bretagne (A. C. Brit), grâce à la stimulation du Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement de Belle-Île en Mer (G. Février) et l’association Fert'Île de Bréhat (F. Le Tron). Le bulletin de partage n°2 est rédigé collectivement par : Akermann G. (Inrae), Berger B. (Terralim), Bodiguel L. (CNRS), Brit A.C. (FR CIVAM Bretagne), Chiffoleau Y. (Inrae), Darrot C. (Institut Agro), Grimonpont A. (Greniers d'abondance), Lallemand F. (Greniers d'abondance), Maréchal G. (Terralim), Nicolay C. (Terralim), avec l'appui de F. Egal (Réseau des politiques alimentaires) et de D. Guennoc (Terralim), et sous la coordination éditoriale de Chiffoleau Y., Darrot C et Maréchal G. Sa réalisation est appuyée techniquement par Brit A.C., Lecouteux C., Muller T. et Peyrin F. L'initiative est soutenue par le RMT Alimentation locale, S. Linou, consultant résilience alimentaire, le Centre d'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales à Lille (S. Makki), l’association Résolis (H. Rouillé d’Orfeuil, M. Cosse) et H. Torossian, consultante en sécurité civile et résilience. Avec le soutien financier de la Fondation Daniel et Nina Carasso. Date d’édition : 10/04/2020
- Bulletin de Partage 2 : Les communes au cœur de l'action
Les élus communaux ont été fortement sollicités pour organiser la vie collective. Outre leur responsabilité sur la qualité sanitaire dans les marchés, ils ont été amenés à trouver des solutions pour des lieux de distribution, l’appui aux personnes fragilisées, l’information aux citoyens... Ils ont mobilisé, et ceux des autres collectivités avec eux, une grande diversité de partenariats. La quinzaine est marquée par la place importante prise par les collectivités, et tout particulièrement les communes, autant pour leur rôle spécifique que pour leur capacité de mise en relation des acteurs. Les élus communaux se sont retrouvés en première ligne pour le maintien ou la fermeture des marchés, propulsés au centre des préoccupations. Or, dans une note du 31 mars, France Urbaine estime que “si la rédaction du décret [sur la fermeture des marchés] mentionne clairement la possibilité donnée aux maires de demander des dérogations, c’est bien le préfet qui a le dernier mot. [...] Pour une même situation, les réponses apportées par le préfet peuvent être différentes. Certains préfets ont pu indiquer que les dérogations concernaient seulement les zones rurales et les villages, excluant de fait toute demande de dérogation en milieu urbain”. Cette incertitude est confirmée par les remontées de terrain, qui mettent en évidence la gêne des maires : “suite à l'interdiction des marchés au niveau national, la Maire [...] n'a pas demandé de dérogation pour son marché. Elle évoque pour cela plusieurs raisons : - en l'état, le marché ne peut être maintenu car plus de 60 commerçants alimentaires. - choisir entre ces commerçants de façon arbitraire et dans l'urgence risquerait de créer des incompréhensions et des tensions au sein d'une "communauté de marché" qui pour l'instant fonctionne bien mais qui est déjà complexe à gérer. La Maire anticipe l'après-confinement. - mettre en place une autre organisation nécessite une ingénierie technique pour appeler chaque commerçant, expliquer la démarche, etc... ingénierie technique que ne possède pas [...], contrairement à la ville de Rennes qui a pu mettre plusieurs de ses services sur l'organisation de ses marchés.” (consommateur, 2 avril, Ille et Vilaine) 3 jours après, changement de posture du Maire qui a [...] demandé une dérogation pour ses 2 marchés. Les marchés sont devenus un sujet important, terrain de luttes d’influence : “Suite à l'annonce de l'interdiction des marchés, décision du Maire [...] de ne pas demander de dérogation pour ses 2 marchés [...]. Suite à cette décision, interpellation du Maire par certains de ses conseillers municipaux, par un interlocuteur local de la Confédération Paysanne et par l'AMAP elle-même pour dire qu'elle regrettait cette interdiction. 3 jours après, changement de posture du Maire qui a [...] demandé une dérogation pour ses 2 marchés.” (membre d’une AMAP en Ille et VIlaine). Des témoignages font part du rôle important des mairies pour assurer la sécurité sanitaire “L’organisation des stands du marché couvert ont été délimités et la circulation revue. La sécurité est assurée par la police municipale. [...] Traitement de la situation plus sécuritaire qu’à la supérette juste en face.” (consommateur, Eure-et-Loir) ou le soutien économique aux producteurs : à Lyon “ suite à la fermeture des marchés, la mairie de la Croix Rousse en partenariat avec l'association du marché de la Croix Rousse et l'association de commerçants accompagne les producteurs locaux pour qu'ils puissent continuer à livrer les habitants du quartier en produits frais malgré la suppression du marché quotidien”. Des réunions ont rassemblé des acteurs peu habitués à travailler ensemble, dans un processus décisionnaire à court terme : Etat en région, collectivités, organisations de producteurs, commerçants… Des organisations comme la chambre d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes ont formalisé un argumentaire pour la réouverture des marchés et nous avons nous-même pu constater la mobilisation de collectivités qui nous interrogeaient. Une petite chaîne de relais s'est organisée pour que quelques familles du quartier plus en difficulté puissent en profiter. Il semble qu'aucun produit n'ait finalement été perdu, une satisfaction. Comme déjà cité, les mairies ont aussi pu être (ou pas) facilitatrices : “réorganisation d'une livraison en AMAP en respectant les mesures de confinement et les gestes barrières : la livraison est délocalisée en extérieur avec autorisation de la mairie’ (consommatrice en Meurthe-et-Moselle). Un membre d’AMAP de Rennes révèle que “la Ville a distribué ces produits autant qu'elle pouvait à l'aide alimentaire mais il en reste. Un appel a été passé dans les AMAP et asso de quartier pour donner ce qui reste. J'ai organisé une distribution dans mon AMAP (avec gestes barrière) : 180 yaourts, 130 crèmes, 30 boites de 8 omelettes distribués en deux jours. Une petite chaîne de relais s'est organisée pour que quelques familles du quartier plus en difficulté puissent en profiter. Il semble qu'aucun produit n'ait finalement été perdu, une satisfaction”. Tous les niveaux de collectivités, intercommunalités, départements, régions, Parcs Naturels Régionaux, pays, se sont engagés pour la diffusion de l’information, en lien avec la société civile, les agriculteurs, les commerçants… Une sélection de sites sur notre espace numérique en témoigne. Cette profusion peut donner aujourd’hui une impression de confusion et d'empilement, en alourdissant les sollicitations auprès des producteurs au point que “nous avons des producteurs qui nous demandent d'être enlevés des sites de géoloc des offres car ils n'ont plus de produits en vente ou assez de clients pour les écouler. Surtout vrai pour légumes.” (agent de chambre régionale d’agriculture) Des relations inédites ont été tissées. Par exemple, entre producteurs et consommateurs “mise en place de point de vente multi-producteurs dans les fermes. Aide des "consommateurs" pour l'organisation, la gestion” (association Lororico! Haute-Garonne). Des collaborations se sont également nouées entre producteurs et commerçants locaux, comme à la Croix Rousse citée ci-dessus, ou des GMS. Le texte diffusé sur Facebook par l'Intermarché Mirecourt est révélateur d’une volonté de nouer de nouvelles relations sans nier les divergences : “AVIS À TOUS LES PRODUCTEURS LOCAUX Nous lançons un appel mais aussi une main tendue à tous les producteurs régionaux, locaux, prenez contact avec nous.... Nous ne travaillons peut-être pas ensemble habituellement mais aujourd'hui c'est l'occasion de le faire. [...] Nous ne pourrons peut-être pas tout acheter mais nous sommes à votre disposition, à votre écoute pour trouver une solution d'écoulement de votre marchandise. Alors n'hésitez pas, contactez nous, faites nous part de vos besoins et nous serons présents. Mettons de côtés nos différents et montrons à tous que nous sommes capables d'être solidaires et de trouver des solutions intelligentes pour tout le monde”. Autre exemple avec le lycée agricole de Carpentras : des clients curieux et surpris de trouver à l'entrée d'un lycée agricole une boutique avec autant de diversité en produits locaux L’action de l’Etat et ses services est par contre interrogée : “ L'annonce faite par le ministre de l’agriculture [pour recruter de la main d'oeuvre temporaire dans l’agriculture] a suscité des émois. [...] Les agris veulent se protéger et leur famille, s'ils tombent malades, c'est l'entreprise qui risque d'être en péril ! Ils risquent de passer plus de temps à former du personnel pour une période très courte qu'à faire le travail eux-mêmes. On voit bien que ce genre de choses devraient être prévues en amont de la crise, avec des lieux, structures adéquates, des encadrements, des consignes, …” (consommateur sur île d’Yeu). Pour proposer de nouvelles observations : https://framaforms.org/appel-a-retour-dexperience-manger-au-temps-du-coronavirus-1584194374 Présentation du Bulletin n°2 | Article suivant : Tendances et perspectives
- Bulletin de Partage 2 - La vulnérabilité au cœur de la solidarité alimentaire
La solidarité pour les plus vulnérables s’organise et se structure dans cette période qui suit l’effervescence de la première semaine de confinement. Des procédures spécifiques et des circuits alimentaires sont désormais rodés. Dans le domaine des solidarités, nos réflexions s’appuient sur un nombre en légère hausse de remontées du terrain (15 contre 11 pour le bulletin 1), auxquelles nous avons ajouté des informations issues de trois réseaux traditionnels de solidarité. Seul l’une des personnes ayant répondu au questionnaire pense qu’il n’y a “pas de petits réseaux de solidarité près de chez elle” (Consommateur, 27 mars, Bourgogne Franche Comté). Les retours que nous avons reçus mettent en lumière l’importance des formes de solidarité pour les plus vulnérables (v. infra), élément présent à l’occasion du bulletin de partage n°1 mais de façon moins prégnante. De nouvelles entrées apparaissent, mais elles restent isolées : La détresse alimentaire a notamment été illustrée par un homme qui a « menacé de se rendre au supermarché muni d’un fusil pour faire ses courses, faute d’avoir les moyens suffisants pour subvenir aux besoins alimentaires de sa famille » (Ouest France, 05-04). Nous n’avons pas reçu de retour sur la solidarité « au champ », pourtant largement médiatisée à propos du besoin de main-d’œuvre (Le Monde, 7 avril et la rubrique « Difficultés et adaptation des chaînes alimentaires longues et courtes » de ce bulletin). Seule a été mentionnée l’action de « Mes Producteurs mes Cuisiniers » et des « Maîtres Cuisiniers de France » qui tentent de mettre en relation les chefs et les producteurs ne sachant pas comment distribuer leurs produits (02 avril). La mutualisation d’achats est certainement une pratique qui se diffuse à l’image de ces témoignages : “Nous partageons les coordonnées de plusieurs commerçants avec notre famille afin de nous faire livrer ou passer commande” (consommatrice, 31 mars, Ile de France) ; “Nous mutualisons des achats avec nos voisins” (Membre d’une association visant à créer un Terres de Liens, 6 avril, Bretagne). L’échange alimentaire : “Je pense à présent maintenir cette habitude de faire mon propre pain, et certainement d'en faire partager mes amis car lorsqu'on s'y met autant en faire une certaine quantité” (femme de 32 ans, artisan, 28 mars, Bretagne). Soulignons, qu’aucun retour ne porte sur ce qui se passe « en magasin », ni dans les GMS, ni chez les détaillants. Pourtant, toutes les grandes enseignes prévoient un dispositif offrant aux soignants et/ou personnes âgées un accès prioritaire à la commande en ligne et à la livraison à domicile. Il suffit d’aller sur les sites correspondants. Priorité donnée aux personnes les plus vulnérables : qui agit, comment, pour qui ? Sans que l’on puisse généraliser, la solidarité pour les plus vulnérables ou les plus exposés n’est pas toujours au rendez-vous. Les “personnes sans domicile menacées par la maladie mais aussi par le confinement” en pâtissent (Slate, 2 Avril). Les personnes âgées et les soignants n’en bénéficient pas toujours : au marché, “Il y avait une queue extrêmement longue, de plusieurs dizaines de personnes, à l’ombre, le long du boulevard. Les personnes âgées, en voyant la queue, faisaient demi-tour. J’ai trouvé ça dommage qu’on ne les laisse pas passer en priorité, eux pour qui tout est difficile en ce moment. En même temps, d’autres personnes demandaient l’indulgence des agents de surveillance de la voie publique, comme le personnel soignant, mais ils expliquaient ne pas avoir de consignes pour faire des exceptions” (Consommatrice, 2 Avril, Bretagne). Au regard des remontées d’informations et de quelques recherches sur internet auprès de trois réseaux de solidarité, on ne peut que confirmer que la solidarité pour les plus vulnérables ou les plus exposés n’est pas systématique et généralisée sur le territoire (même s’il existe des mots d’ordre en ce sens en provenance du gouvernement). Elle résulte d’actions plus ou moins spontanées de communes, de groupes, de réseaux, d’organisations non gouvernementales autour de la fourniture de repas ou produits alimentaires, mais aussi de particuliers (voir rubrique bulletin 1 « Organisation collective de livraison de repas ou produits alimentaires »). Soulignons aussi les « appellations » diverses de la vulnérabilité - « personnes les plus vulnérables » ; « personnes sans possibilité de se déplacer » ; « pour les plus fragiles » ; « personnes en situation de précarité » - qui correspondent à des publics divers : personnes âgées (Plus de 70 ans ? moins ?), personnes sans domicile, soignants, malades (du coronavirus ?), entreprises en difficulté… Parmi ces formes de solidarité, on trouve divers acteurs qui conduisent des actions de solidarité, en collaboration ou non : Un groupement de producteurs bio qui propose de passer commande et de livrer à domicile les « personnes les plus vulnérables » (consommateur, 28 mars). Une famille : “Nous nous sommes proposés afin de faire les courses d'une voisine âgée” (consommatrice, 31 mars, Ile de France). Des communes et communautés de communes : Vichy Communauté met à disposition un numéro vert au bénéfice des « personnes sans possibilité de se déplacer » pour faire des courses et les leur livrer (3 avril, ville de Cusset). Progressivement, la ville de Rennes a décidé de gérer “directement, via la cuisine centrale, l’approvisionnement en repas de différents lieux, notamment d’hébergement” des sans-abris, une partie des quartiers restant « couverts » par des ONG (Secours populaire, Croix rouge, Restos du cœur). “D’autres associations organisent des maraudes pour distribuer des denrées aux personnes à la rue”. La ville de Rennes a également mis à disposition des associations deux écoles pour que des kits alimentaires y soient préparés, récupérés sur place ou livrés par les bénévoles associatifs (Cadre technique, ville de Rennes 35000, 02-04). Il semble aussi que Rennes ait distribué des produits achetés pour la cantine centrale arrivant à la DLC (yaourts bio, crèmes caramel, portions d'omelette) dans le cadre de l’aide alimentaire (membre AMAP, 1 Avril, Rennes, 01-04 ; v. infra « réseau »). Selon le site des Petits frères des pauvres, à Saint-Maur-des-Fossés (94), 200 agents de la mairie auraient effectué 215 portages de courses alimentaires et de pharmacie pour des personnes vulnérables (personnes âgées, isolées ou handicapées) et une initiative similaire aurait été poursuivie à Béziers (34) (Petits Frères de Pauvres, Les meilleures initiatives pour faciliter la vie des personnes âgées pendant le coronavirus, 08-04). Ces exemples semblent refléter une réalité de terrain : nombre de communes agissent et/ou collaborent avec des ONG et/ou renvoient purement et simplement à ces ONG ; d’autant plus lorsqu’elles ont (dû ?) fermer leur CCAS (Adhérente d’AMAP, 2 avril, Ile de France). Des organismes institutionnels L’AGIRC-ARRCO (qui gère la retraite complémentaire des salariés du secteur privé) propose actuellement une « Aide à Domicile Momentanée », pour les plus de 70 ans (en temps normal 75 ans) : “Cette aide est uniquement dédiée aux courses (…), évaluée avec le bénéficiaire à hauteur de 5h. maximum par semaine” (Agirc-Arrco, 3 avril). Des réseaux déjà organisés Les AMAP sont généralement actives. Ainsi, à Rennes, suite à la distribution de produits susmentionnés (v. supra « communes »), les restes ont été pris en charge par les AMAP et associations de quartier qui ont organisé la distribution : une “petite chaîne de relais s'est organisée pour que quelques familles du quartier plus en difficulté puissent en profiter. Il semble qu'aucun produit n'ait finalement été perdu, une satisfaction” (membre AMAP, 1 avril, Bretagne). Le réseau Cocagne coordonne également une grande diversité d’actions. Il propose des livraisons à domicile de Paniers Solidaires « pour les plus fragiles » et « à destination de personnes en situation de précarité », en collaboration avec les CCAS ou des associations. Sont également organisées des distributions exceptionnelles dans des circuits d’aide alimentaire, tels que la “livraisons de fruits et légumes frais pour les distributions d’aide alimentaire qui en manquaient cruellement”. Là encore, la collaboration est d’actualité : “avec les partenaires historiques tels que Secours Catholique ou Secours Populaire ou au travers de nouvelles collaborations avec les banques alimentaires directement.” Mentionnons aussi le développement d’épiceries itinérantes ou de ventes ambulantes de produits bio et locaux, notamment dans “les secteurs dépourvus de commerces de proximité” ou dans les “zones isolées”, ainsi que des “appels aux dons de produits non périssables auprès des réseaux d’adhérents pour fournir une antenne Caritas ayant des difficultés d’approvisionnement” et l’” accélération des partenariats avec les autres producteurs locaux, développant des systèmes d’entraide ou de vente à la ferme collectifs” (Réseau Cocagne, 8 avril). D’autres réseaux opèrent pour d’autres « vulnérabilités ». C’est le cas des Epis (Castelforain, de la Vallée, de Jouars-Pontchartrain et des Loges en Josas) qui ont décidé d’aider un chocolatier en grande difficulté du fait de l’absence de vente à l’occasion des fêtes de Pâques (30 mars, Village de Châteaufort, Yvelines). Dans le même ordre d’idée, même si le réseau paraît ici plus informel, suite à l'arrêt des marchés, “quelques forces vives en contact avec des producteurs, qui sont aussi actives sur le comité de quartier et dans les réseaux locaux (…) relaient les propositions des producteurs”, les jours de livraison et les points de collecte chez l'habitant (consommatrice, 27 mars, Bretagne). Ce type d’initiatives (autres exemples dans la rubrique “Faire ses courses au temps du confinement”) permet d’éviter la fermeture de certains services, comme il semble que cela soit arrivé à la « bio chez vous » (entreprise livrant des fruits et légumes bio à domicile) (Consommatrice, 4 avril). Des ONG Nous les avons déjà citées à de multiples reprises en raison des collaborations qu’elles entretiennent avec des communes et d’autres réseaux. La Croix-Rouge française a également lancé un dispositif d’écoute et de livraison solidaire pour les personnes vulnérables en situation d’isolement social (La Croix Rouge Française, 20 mars). Les Petits frères des pauvres développent des partenariats avec des entreprises et des communes, et participent par exemple à équiper les Ehpad de tablettes et logiciel adaptés aux personnes âgées qui “ont pourtant cruellement besoin de lien social pour illuminer leur journée et ne pas se laisser mourir de solitude” (Les Petits frères de pauvres, 8 avril). Enfin, le Secours populaire annonce qu’il prend “contact individuellement avec les plus fragiles, avec les personnes que nous avons déjà aidé par le passé.3 Il propose, sur rendez-vous, une mise à disposition de produits (colis alimentaires de dépannage, produits d'hygiène), assurée par des « équipes d'intervention solidaire”. Par exemple, “Le comité de Ris-Orangis prépare des colis d'urgence et appelle les familles une par une pour venir les chercher. (…) Lundi 6 avril, 50 familles ont [ainsi] pu bénéficier de la distribution alimentaire”. Cette solidarité en provoque une autre : les bénévoles du Secours populaire “ont eu l’agréable surprise de recevoir un colis contenant des produits alimentaires et d’hygiène, issu d’une collecte réalisée par les habitants du quartier Grand Bourg” (Secours Populaire, 7 avril). Pour proposer de nouvelles observations : https://framaforms.org/appel-a-retour-dexperience-manger-au-temps-du-coronavirus-1584194374 Présentation du Bulletin n°2 | Article suivant : Les communes au cœur de l'action
- Bulletin de Partage 2 - La reconfiguration réactive des circuits de proximité
Face à la fermeture des marchés, les différents modes d’approvisionnement en circuits courts de proximité ont dû se reconfigurer dans l’urgence. Leurs acteurs ont démontré une grande capacité d’adaptation couplée à une créativité qui a permis l’éclosion de nombreuses initiatives. Le recentrage des habitudes vers le quartier ou la commune, notable pour le commerce de proximité, s’est aussi traduit par une recherche de produits d’origine locale. Le secteur des circuits courts s’est trouvé confronté à une situation inédite à cause de la disparition précoce des commandes de la restauration privée et collective, puis des marchés. Il est remarquable que peu de mentions soient faites des premières, alors que les seconds, débouché majeur économiquement, ont agité toute la période. Un consommateur du Puy de Dôme en est conscient : “Les agriculteurs en circuit court qui vendaient au marché, ainsi que les petits commerçants sont très très pénalisés.” Alors que certaines communes ont choisi de maintenir les marchés, mais avec moins d’exposants et favorisant généralement les producteurs, certains territoires ne comptent plus aucun marché ouvert. Très rapidement, diverses stratégies ont été mises en place pour parer à la disparition des ventes sur les marchés : des transferts vers d’autres formes de circuits courts : des producteurs du Perche déclarent “suite à la crise du coronavirus et baisse de ventes sur Paris et sur les marchés, nous nous réorganisons pour développer la vente directe à la ferme.” Le système de drive ou la livraison collective de paniers sont particulièrement plébiscités, en mobilisant des outils numériques et les réseaux sociaux. des transferts vers des formes de distribution classiques mais de proximité : “il faudrait rouler au minimum 20 km, au delà de ce que nous autorise cette période de confinement, qui plus est seul au lieu de 4 par voiture d'habitude. A défaut d'alternative qui corresponde à nos modes habituels de consommation, nous nous approvisionnons... en "moyenne" surface” (consommateur “bio” des Ardennes). la création de nouveaux dispositifs de circuits courts : la crise a joué parfois le rôle d’accélérateur pour des projets qui couvaient ou de déclencheur en réaction aux contraintes. Elles émanent de toutes catégories d’acteurs. De producteurs : “livraison chez un particulier de production légumière commandée la veille, sous forme de paniers forfaitaires, pour le voisinage” (Côtes d’Armor) ou “lancement d'un drive de produits fermiers et bio à Crest, par un collectif de producteurs” dans la Drôme. De groupes mixtes : un client de l’Aisne a “proposé [à son fournisseur] de diffuser l'info auprès de mon réseau d'amis locaux en leur proposant une distribution, afin d'éviter qu'il y ait beaucoup de gens qui se déplacent en temps de confinement. Du coup, il a mis en place un système de pré-commande”, alors qu’à Caen “les clients réguliers de productrices maraîchères de la région ont pris contact avec elles pour organiser un système d'achat groupé en direct, avec livraison hebdomadaire. Le noyau du groupe est constitué des familles habitant l'habitat participatif les Zecobats, en banlieue de Caen. Il s'agit d'un système temporaire, visant à assurer la continuité des débouchés commerciaux de productrices bio locales privées de marché”. Mais aussi entre commerçants et producteurs, comme en Savoie “nous travaillons avec des maraîchers du bas de la vallée ce qui nous permet d'avoir des légumes locaux à minima”. la réorganisation pour respecter les mesures sanitaires : “Le marché Bio et Local de Vandoeuvre, Se transforme en « drive » sur le Parking du magasin de l’Eau Vive à Vandoeuvre” (Meurthe et Moselle), “Depuis aujourd'hui (03/04), elles ne vendent plus "en vrac". Il faut réserver des paniers et venir les récupérer” (Finistère), dans une AMAP de Romorantin “alors que nous avons un engagement pour des paniers légumes, nous avons proposé une commande de fruits. L'heure de récupération des paniers a été élargie à l'après midi pour éviter de se croiser”. Beaucoup de retours, en particulier de membres d’AMAP, soulignent l’extrême précaution prise pour respecter les exigences sanitaires, voire aller au-delà. Des témoignages décrivent des procédures extrêmement complètes et détaillées pour garantir la sécurité, comme des AMAP de Meurthe et Moselle “réorganisation d'une livraison en AMAP en respectant les mesures de confinement et les gestes barrières” ou d’Indre-et-Loire, malgré les contraintes “réorganisation des distributions en fonction du virus : la durée est passée de 1 h à 4 heures” (Vendée). On sent que ce soin extrême relève de la légitimation de pratiques parfois décriées, comme le signale un maraîcher “parfois, les placiers sont moins regardants, que les producteurs, pour le suivi des obligations. J’espère qu'il va y avoir reconnaissance de ce savoir-faire”. Les volumes de vente sont partout signalés comme plus importants, confirmation de la tendance relevée dans le premier bulletin. C’est le cas dans un magasin qui vend des produits bio et locaux dans le Rhône “nous avons multiplié notre chiffre d'affaires par 2,5 en moyenne depuis l'annonce du confinement (lundi 16 mars). Le panier moyen est passé de 20€ en semaine et 30€ le samedi à environ 35€ voire 40€ chaque jour de la semaine”. Les producteurs le constatent aussi en Ille-et-Vilaine “augmentation de la consommation de farine directement chez le producteur. La productrice nous dit être "débordée" par le nombre de clients particuliers, qui sont prêt à faire jusqu'à 50 km pour chercher de la farine”. Ce qui provoque de lourds impacts sur le travail “nous avons dû nous réorganiser radicalement pour absorber cette hausse : intégration de nouveaux producteurs dans la gamme, mobilisation de plus de monde pour la préparation des paniers, passage d'un jour de préparation des commandes et un jour de livraison à 3 jours de préparation et 2 puis 3 jours de livraison. Nos 3 secteurs de livraison habituels, tous desservis traditionnellement le jeudi, ont été répartis sur 3 jours de livraison distincts (mercredi, jeudi, vendredi)” (collectif de producteurs du Gard). Pourtant, un agent de développement note dans la Nièvre que “Les producteurs vendant à des intermédiaires (GMS notamment) souffrent par contre d'une baisse des ventes.” Cette augmentation de la demande provoque une tension sur les disponibilités, provoquant des déceptions chez les consommateurs “il n'y avait plus grand chose à vendre quand mon tour est arrivé (plus de radis, j'ai dû me rabattre sur des blettes et quelques carottes)” (Finistère) ou des craintes de rupture chez les producteurs “l'offre en légumes de conservation, il y en a pour dix jours pas plus" (maraîchers, Côtes d’Armor). Cette tension n’est pas liée qu’à la crise puisque la co-gérante d’une épicerie vrac de Savoie précise qu’elle “intervient à la période de l'année où il n'y a quasiment plus rien en fruits et légumes, il est très difficile de manger local”. La bonne résistance, en moyenne car nous avons aussi relevé la disparition d’un dispositif local, des circuits courts renforce l’attachement de leurs consommateurs “maintenant que la crise sanitaire est là, je me rends compte que dans ce contexte, le modèle de l’AMAP est le plus intéressant, peut-être le plus résilient” (Ardennes) même si “les adhérents viennent 1 à 1, il y a un peu de perte de lien social” (Vendée). Des producteurs bio des Côtes d’Armor affirment cette dimension reliante de l’alimentation qui règne selon eux dans les circuits courts “les vraies valeurs, c'est l'échange, avec des personnes qui produisent pour vous, des produits qui ont du sens, essentiels”. Enfin, les circuits courts et leurs producteurs ont été la première et principale cible des multiples sites de localisation et mise en relation lancés à l’occasion de la crise. Ils ont pu bénéficier des expériences antérieures des nombreux répertoires de producteurs lancés dans le cadre des projets alimentaires territoriaux (le terme lui-même étant peu cité). De façon plus artisanale, des groupes de citoyens ont réalisé des pages sur les réseaux sociaux. Plus original, à Narbonne une radio locale signale la “création d'une chronique donnant la parole aux producteurs locaux pour informer la population sur les solutions de vente directe sur 8 créneaux horaires quotidiens”. Mais “ces mises en relations en l'espace de 5 jours posent également la question de la logistique, de son optimisation et de l'organisation collective”, et certains producteurs demandent à être déréférencés par crainte de pénurie de produits ou d’excès de sollicitations. Cette rubrique s’ouvrait sur le choc que représentait la fermeture générale, sauf exception, des marchés. Il s’est aussi traduit comme électro-choc à dimension mobilisatrice puisque de nombreux producteurs, individuellement ou collectivement, ont su faire valoir auprès de leurs maires l’importance des marchés. Ils ont réalisé de véritables guides de plaidoyer, comme le document diffusé par la Chambre Régionale d’Agriculture de Rhône Alpes - Auvergne intitulé “La réouverture des marchés, une nécessité en Auvergne-Rhône-Alpes !”, dont les arguments ont inspiré d’autres plaidoyers. Pour proposer de nouvelles observations : https://framaforms.org/appel-a-retour-dexperience-manger-au-temps-du-coronavirus-1584194374 Présentation du Bulletin n°2 | Article suivant : La vulnérabilité au coeur de la solidarité alimentaire
- Bulletin de Partage 2 - Difficultés et adaptation des chaînes alimentaires longues et courtes
Si la première vague d’achats massifs est passée, les produits alimentaires de grande consommation sont encore très demandés et les ruptures d’approvisionnement sont régulières. Les acteurs de la production s’adaptent en conséquence, et doivent par ailleurs gérer les surplus résultant de la disparition des débouchés pour de nombreux produits. Les circuits d’approvisionnement se réorganisent, tissant de nouveaux liens entre acteurs. A l’exception de certaines filières, la production n’accuse pas encore de recul, mais l’ensemble du système alimentaire doit composer avec des effectifs réduits. Entre surplus et pénuries Le bouleversement des débouchés traditionnels et les changements dans les comportements d’achats et la consommation des ménages ont des conséquences très hétérogènes sur les filières alimentaires. De nombreux témoignages s’en font l’écho : “La pénurie d’œufs contraste avec les aliments prêts-à-manger qui s'amassent dans la gondole Zérogachis.” (consommatrice en supermarché, Pays de la Loire, 24 mars) “Le rayon frais (légumes en vrac et boucherie, fromagerie, poissonnerie à la demande) est complètement déserté par les clients et plein de produits. À l'inverse, l'ensemble des rayons frais sous vide sont dévalisés. Notamment les fromages, jambon et lardons, ainsi que le rayon salades et légumes préparés. La pire étant le rayon des œufs qui est intégralement vide. Le chef de rayon me précise que les 5 caisses livrées ce matin sont parties en 2 heures.” (consommateur en supermarché, Bourgogne-Franche-Comté, 26 mars) “Au bout d'une semaine de confinement, mon mari n'arrivait pas à trouver de farine dans les supermarchés du coin.” (consommatrice, Auvergne-Rhône-Alpes, 26 mars) “Le rayon de fromage râpé est totalement vide depuis plusieurs jours. Les étalages de fruits et légumes frais, en particulier bio, sont pleins.” (consommateur en supermarché, 27 mars, Centre-Val de Loire) Confrontées à des surplus devenus impossibles à écouler, certaines filières connaissent d’importantes difficultés économiques. La filière laitière en est un exemple emblématique : de nombreuses laiteries ont appelé les éleveurs à réduire leur production, en plein pic printanier (Le Figaro, 31 mars 2020). Paradoxalement, des produits laitiers de grande consommation sont fortement sollicités – tout comme la farine, les pâtes ou les œufs – et des pénuries touchent régulièrement les rayons. Des situations qui mettent en évidence la période de tension que traversent les acteurs en amont, notamment dans le secteur de la logistique. Alors que le niveau des stocks reste important à l’échelle nationale, les flux deviennent le facteur limitant. Les lignes de production se réorganisent et privilégient les standards de consommation retrouvés en grandes surfaces. La meunerie par exemple tourne à plein régime pour produire des sachets de farine de petit volume destinés aux ménages, cependant que la boulangerie artisanale connaît une chute importante de son activité (France 3 Régions, 5 avril 2020). Les efforts redoublent pour transporter les denrées depuis les usines vers les plates-formes logistiques puis vers les points de vente. Une intensification souvent confrontée aux retours à vide des camions, provoquant des coûts supplémentaires et des tensions entre les acteurs. La relocalisation des circuits d’approvisionnement et de distribution L’appel du ministre de l’économie Bruno Le Maire au « patriotisme économique » a été en partie entendu par la grande distribution. Certaines grandes surfaces renforcent leurs approvisionnements auprès de producteurs locaux, voire leur permettent de venir vendre directement sur place leurs produits. Plusieurs témoignages y font référence : “Cet Intermarché fait une campagne d'affichage sur l'orientation de son carnet de commande vers le producteurs locaux et français.” (consommateur, 2 avril, Nouvelle Aquitaine) “Le supermarché nous offre gratuitement un espace à l’intérieur où nous pouvons vendre nos produits comme dans un marché classique, avec notre propre caisse.” (productrice de fromage de chèvre, 3 avril, Auvergne-Rhône-Alpes). Mais la cohérence générale de ces démarches est parfois questionnée : “Je suis agacée par la publicité et les annonces des grands distributeurs (CARREFOUR, AUCHAN, LECLERC, ALDI....) qui profitant de la crise actuelle se déclarent respectueux envers les agriculteurs et disent leur venir en aide en les aidant à écouler les surplus de fruits et légumes. Mais continuent à vendre des produits exotiques ou hors saison (tomate, courgette...)” (consommatrice, 27 mars, Auvergne-Rhône-Alpes). Pour les grossistes, dont les débouchés en restauration hors domicile ont disparu, la distribution se reporte de différentes manières : vente directe, épiceries de proximité, grandes surfaces, dons aux associations (La Tribune, 31 mars 2020). Le marché d’intérêt national (MIN) de Rungis par exemple a mis en place un service de livraison directe auprès des ménages franciliens, tandis que de nombreux Promocash ouvrent leurs portes aux particuliers. En Loire-Atlantique, l’un des établissements de l’enseigne a mis en place un système de point relais entre les producteurs, restaurateurs locaux et consommateurs (Ouest France, 4 avril 2020). La main d’œuvre : une contrainte transversale Frontières fermées pour les travailleurs saisonniers, personnel malade ou vulnérable, gardant ses enfants ou exerçant son droit de retrait, le manque d’effectifs est un problème tout au long des chaînes alimentaires. Dans le secteur agricole, la dépendance à la main d’oeuvre étrangère a été particulièrement mise en lumière en début de confinement, avec l’appel du ministre de l’agriculture Didier Guillaume à rejoindre les champs. Deux semaines plus tard, au 1er avril, 200 000 personnes s’étaient inscrites sur la plate-forme “Des bras pour ton assiette”. Un succès, mais le nombre de travailleurs allant réellement apporter leur aide reste incertain. Les secteurs aval du système alimentaire sont eux aussi concernés par le manque d’effectifs. Dans l’agroalimentaire, l’absentéisme atteint 40 % dans les régions les plus touchées par l’épidémie (Le Figaro, 1er avril 2020). Il en serait de même pour la grande distribution d’après la CGT (Ouest France, 28 mars 2020). Dans ces conditions, les horaires sont revus à la hausse et plusieurs usines tournent la nuit et le week-end pour répondre aux fortes demandes sur certains produits. Pour proposer de nouvelles observations : https://framaforms.org/appel-a-retour-dexperience-manger-au-temps-du-coronavirus-1584194374 Présentation du Bulletin n°2 | Article suivant : La reconfiguration réactive des circuits de proximité
- Bulletin de Partage 2 - Faire ses courses au temps du confinement
Supermarché, commerces de proximité ou achat à des producteurs ? Produits de base ou produits de qualité ? Les témoignages font ressortir plusieurs tendances en matière d’approvisionnement. Avec deux faits marquants, qui parfois même se combinent : l’approvisionnement (re)tisse des solidarités de quartier ou de village, avec les commerces de proximité et/ou ses voisins; des consommateurs s’impliquent dans l’organisation de circuits courts, au-delà des citoyens déjà engagés dans l’alimentation locale. En matière d’approvisionnement, plusieurs grandes tendances se dégagent des témoignages recueillis lors de cette deuxième semaine de confinement : On limite ses déplacements pour faire les courses, on se fait livrer à domicile et/ou on va au plus près de chez soi, en essayant d’acheter le plus de choses au même fournisseur ou au même endroit, pour éviter les contacts et les possibles contaminations. Dans certains cas, cela peut obliger à consommer différemment : “normalement mes parents achètent à la biocoop ou au marché de la petite ville à côté de chez moi mais là ils préfèrent faire au plus près, dans l'enseigne coccinelle du village. Habituellement mes parents prennent le temps de faire les courses et mangent bio ou du marché (ou les deux) la plupart du temps mais en ce moment ils sont plutôt en mode, "on ne va pas faire les fines bouches on va faire avec ce qu'on trouve"” (27 mars, Bourgogne-Franche-Comté); “On essaye de faire les courses en allant dans le moins de magasins possibles du coup ca favorise malheureusement les supermarchés qui n'ont pas que des produits locaux” (consommatrice, 31 mars, PACA). Dans d’autres cas, on arrive tout de même à maintenir ses habitudes d’achat, parce qu’on achetait déjà beaucoup dans son quartier ou bien parce que des commerçants de proximité ou des primeurs présents sur les marchés proposent des livraisons à domicile. La crise amène plus largement à découvrir, ou à redécouvrir les commerces de proximité de son village ou de son quartier: “La petite épicerie du village qui a pris toutes les précautions sanitaires nécessaires fonctionne plus que d'habitude, les habitants y vont faire plus d'achats que d'habitude alors qu'en temps normal c'est juste du dépannage” (habitant d’un village en zone rurale, 2 avril). Toutefois, l’offre y est inégale. Dans certains cas, il s’agit de produits de qualité et les commerçants s’organisent pour proposer une offre diversifiée : “Notre primeur propose la livraison à domicile. Il passe même chez le boucher et le boulanger. Du coup c’est facile et nous sommes heureux de faire travailler nos petits commerçants” (consommateurs, 31 mars, Occitanie). Dans d’autres cas, la gamme est réduite et parfois un peu chère : “Dans les petits commerces il y a moins de choix et c'est aussi plus cher donc cela a un petit impact sur notre alimentation. Il faut choisir entre confort/sécurité/variété/coût. Ce n'est pas évident” (consommatrice, 31 mars, Ile de France). On achète en grand volume au supermarché, en magasin ou en drive, pour regrouper ses courses, pour des questions budgétaires et/ou parce que le supermarché apparaît plus sûr: “notre dépôt est inondé de commandes. Nous battons chaque jour notre record du nombre total de commandes et avons environ 150 nouveaux clients (première visite dans notre structure) par jour. Je pense fortement que dans cette période de tension le drive devient une alternative pour les personnes cherchant à éviter tout contact interpersonnel” (salarié d’un drive de supermarché, 1er avril). Cela peut être aussi parce qu’on y est conduit - même si on s’y approvisionnait peu avant - par ses enfants ou bien les proches avec lesquels on est confiné (“Flip du fiston pour sortir donc on va faire avec ce qu'on a ! Courses commandées au marché livrées dimanche! courses livrées par Auchan, et drive par Monoprix”, consommateur confiné avec son fils dans un appartement en banlieue parisienne, 1er avril). Dans ce cas, on peut être obligé de modifier radicalement ses pratiques alimentaires: “Depuis le début du confinement et à présent que mon conjoint et moi (jeunes cadres en télétravail, 25 et 23 ans) ne sortons que pour faire les courses de manière alternée, nous avons abandonné nos engagements en matière d'alimentation responsable. Alors que nous nous étions engagés à ne plus manger de viande à la maison ou à n'acheter que des légumes français et de saison, notre comportement s'est fortement relâché : viande ou poisson à presque tous les repas, produits transformés, poivrons espagnols... Nous n'utilisons plus les circuits courts et faisons nos courses uniquement au supermarché. La limitation des déplacements et l'impératif de préparer soi-même tous ses repas poussent à moins regarder la provenance ou le mode de transformation des aliments et à transiger sur les régimes alimentaires même les moins contraignants. Cela prouve que bien manger est le fruit d'un effort (à la fois de réflexion - que manger ce soir ? - et de déplacement/sourçage des "bons" produits)” (30 mars, Ile de France). Certains essaient toutefois de privilégier l’origine française voire locale, pour soutenir les producteurs. Néanmoins, quand on achète au drive, “ce service offre des produits 'type', c.à.d. pré-emballés, pas de local, et des marques plutôt chères. On essaye d'éviter le contact avec les gens un maximum et ceci est le prix qu'on paye” (consommatrice, 2 avril, Occitanie). On achète en petite quantité, en général dans le quartier où on habite, dans des commerces de proximité, des magasins bio, ou bien auprès producteurs en point retrait “pour prendre l’air” et/ou “pour les soutenir”. On privilégie les produits de qualité, au supermarché ou dans les commerces de proximité, en allant davantage dans les magasins bio, en lien avec le fait qu’on cuisine davantage, ce qui a un impact sur le budget alimentaire: “j'ai explosé mon budget alimentaire en privilégiant la qualité, le goût, la diversité, le bio, etc. et la question des repas confinés est devenue prioritaire, y compris sur mon temps de travail. C'est la caractéristique du confinement je suppose.” (consommatrice, 31 mars, Ile de France). Cela peut toutefois s’équilibrer car “nous achetons moins mais mieux même si le confinement contraint à plus de repas à la maison” (consommateurs, 31 mars, Occitanie). On soutient fortement les circuits d’approvisionnement “alternatifs” dans lesquels on était engagé auparavant (AMAP, supermarché coopératif…) en y achetant davantage, en s’impliquant pour élargir l’offre en contactant des producteurs pour qu’ils bénéficient de ce système de regroupement de la demande déjà structuré; “Nous travaillons à mettre en place un réseau pour que les producteurs, pas seulement ceux qui fournissent notre AMAP, puissent écouler leurs produits malgré la fermeture des marchés” (membre d’une AMAP Est France, 1er avril). On achète à des producteurs en direct: ceux avec lesquels on était déjà en contact, sur un marché, via une boutique, et qui se sont organisés pour proposer des livraisons de paniers déjà tout prêts, à domicile ou dans un point retrait; ceux qu’on connaissait avec lesquels on s’est mis nous-mêmes en contact et qu’on a même, dans certains cas, aidés à s’organiser pour livrer; ceux qu’on ne connaissait pas mais qu’on a découverts ou bien recherchés pendant cette crise, parce que la collectivité a proposé une carte référençant les producteurs locaux ou bien maintenu le marché, ou bien parce qu’un voisin a contacté des producteurs pour organiser une livraison et nous en a fait bénéficier. Pour certains, en effet, c’est une garantie de produits plus frais mais aussi de distribution plus sûre et plus rapide qu’en supermarché ou supérette. Les avis sont donc contrastés sur la sécurité des lieux d’approvisionnement, qui doit immanquablement varier selon les magasins et les acteurs de l’alimentation. On s’entraide entre voisins, même si on n’a pas les mêmes habitudes de consommation: “Organisation d'une liste de diffusion des voisins pour échanger sur les besoins des uns et des autres durant le confinement. Echanges mails au départ, puis création d'une liste sur framaliste. Permet de s'échanger les "bons plans" pour trouver des denrées alimentaires : récupération de légumes abimés et produits en DLUO dépassée ou très proche, proposition de courses collectives, infos sur les marchés du quartier, contacts de producteurs qui livrent, etc. Cela met en contact des habitants avec des modes de consommation différents (supermarché, marché, récupération - bio/non bio - local ou non, etc)” (1er avril, Bretagne). On cueille dans son jardin ou autour de chez soi, on se met à produire soi-même, quand on la chance d’avoir un jardin ou d’habiter près de zones naturelles: “nous avons développé beaucoup plus rapidement que prévu notre jardin. Nous collectons également des plants comestibles dans notre rayon de sortie autorisé” (témoignage des Charentes-Maritimes, 2 avril). Cela permet aussi de faire des échanges avec les voisins: “Comme nous avons un citronnier très productif nous faisons des échanges. Nous nous rendons compte que c'est bon pour tous. Cela met en place des relations sociales nouvelles et positives” (consommateurs, 31 mars, Occitanie). A la lecture des témoignages, nous retenons finalement deux faits marquants: tout d’abord, l’approvisionnement suscite de nouvelles solidarités de voisinage, entre habitants d’un même quartier ou village, mais aussi entre consommateurs et commerces de proximité. Ensuite, des consommateurs s’impliquent de manière significative dans l’organisation d’un approvisionnement en direct venant d’un ou plusieurs producteur(s). Non seulement des AMAPiens étendent leur réseau d’approvisionnement en contactant des producteurs qu’ils fréquentent sur les marchés mais aussi, de façon plus inattendue, des consommateurs peu ou pas engagés dans l’alimentation locale avant la crise contactent un ou plusieurs producteurs et en font bénéficier leurs voisins, ce qui se combine alors avec de nouvelles solidarités de voisinage : “Devant le confinement rapidement un habitant du square qui de temps en temps a participé aux animations autour du jardin s'est proposé de faire le lien entre les habitants et les producteurs pour amener la nourriture au plus près des immeubles du square. Par email, une liste de légumes possibles avec les prix a été envoyée à plusieurs d'entre nous. Un maraîcher qui vend le samedi au marché du Blosne a bien voulu accepter de vendre groupé pour le quartier. L'habitant motivé a été cherché les légumes et avec l'aide d'autres ont ventilé à chacun la commande.” (31 mars, Bretagne). “La semaine dernière, mon voisin m'apprend qu'il aide un épicier de Sète (qui tient une épicerie bio) à distribuer des paniers de légumes. L'épicier est en lien avec une maraîchère du bassin de Thau et il l'aide à écouler sa production [...] Mon voisin entrepose les paniers dans son entrée d'immeuble, 25 paniers, et des gens (dont moi, 10 euros le panier) viennent retirer le panier commandé. C'est assez drôle de voir les gens défiler en bas”. (31 mars, Occitanie). C’est parfois compliqué, cependant, de s’impliquer pour aider les producteurs: “La fermeture des marchés (finalement réouverts mais contraints) a nécessité une adaptation de la part de notre foyer mais aussi des maraîchers pour trouver un circuit court possible. Membre d'une association, nous voulions être acteurs pour accompagner les producteurs locaux : nous avons eu des difficultés à mettre en place de la livraison du maraîcher au particulier car les autorisations de circulations et assurances sont complexes à obtenir et dissuasives. Nous passons finalement via "la Ruche qui dit oui" cette semaine mais aimerions mieux comprendre comment créer un maillon simple entre maraîchers et citoyens dans de tels cas. Les circuits déjà rodés à la préparation de commande ont l'air clairement plus adaptés et moins impactés : AMAP entre autres” (consommatrice, 6 avril, Bretagne). Pour proposer de nouvelles observations : https://framaforms.org/appel-a-retour-dexperience-manger-au-temps-du-coronavirus-1584194374 Présentation du Bulletin n°2 | Article suivant : Difficultés et adaptations des chaînes longues et courtes
- Bulletin de Partage 2 - Des habitudes de crise s'installent dans les foyers
Après une première semaine où chacun “cherchait ses marques”, les mangeurs adoptent et maintiennent des modes de fonctionnement face à la crise. Celle-ci est vécue soit comme une menace, à laquelle il convient d’imposer la poursuite rassurante des comportements alimentaires antérieurs, soit comme une opportunité pour de nouvelles pratiques alimentaires. Les témoignages oscillent entre 2 types de comportements. Pour les uns, le maintien de certaines habitudes alimentaires permet de garder des repères et contribue à la réassurance : “mon objectif est de conforter au maximum mon mode de vie habituel” (personne seule en appartement, Lorraine). Cette orientation se traduit en actes, compte tenu de la durée du confinement. Un consommateur des Bouches du Rhône déclare : “le confinement me permet de rendre banaux et quotidiens des habitudes alimentaires. J'espère les faire perdurer ensuite.” Pour d’autres au contraire, le confinement est vécu comme une opportunité : “la situation de confinement est propice au questionnement sur les modes d'alimentation” (représentant d’une association culturelle dans le Grand Est), ce qui se traduit dans les faits : “la crise est l'occasion de changer nos habitudes de consommation” (consommateur, Nouvelle-Aquitaine). Entre ces deux pôles, les foyers recomposent une nouvelle sphère : “il y a un équilibre entre une ambiance de restrictions et une volonté d'équilibre (se maintenir en bonne santé)” (consommatrice confinée en famille, Bretagne). Dans chacun des deux groupes, le local, souvent associé à la qualité et à la confiance, fait partie des préoccupations. On la relève dans le premier groupe : “l'objectif est de continuer à avoir une alimentation saine sans courir dans tous les sens” (consommatrice, Ile de France) “à présent, il me semble que ça [adhésion à une AMAP] fait plus de sens encore”, comme dans le second : “un retour à "l'essentiel" se produit sensiblement [...] J'ai surpris mon conjoint faire le constat que cette période créait une prise de conscience chez lui pour consommer davantage des produits locaux et de qualité” (consommatrice, Bretagne). Les menaces du COVID sur la santé inclinent les mangeurs à être d’autant plus attentifs à celles qu’ils pourraient rajouter par leur alimentation : “on sait qu'il faut faire d'autant plus attention à notre santé pour ne pas tomber malade donc on mange très sainement” (consommatrice, Bretagne). Si l’ambiance de crise incite la plupart des mangeurs à réduire le gaspillage “je cuisine en cocotte-minute en grande quantité et JE CONGELE L'ENSEMBLE CUIT, divisé en quantité journalière à décongeler chaque jour pour éviter tout gaspillage” (consommatrice à risque asthmatique, Nouvelle-Aquitaine), d’autres au contraire relâchent leur vigilance : “Moi qui suis dans une démarche zéro déchet depuis peu, je la mets de côté pendant la crise sanitaire. D'ailleurs c'est le seul aspect de mes "bonnes résolutions habituelles" qui est vraiment remis en question en ce moment” (consommateur, Bretagne). L’alimentation en temps de crise peut cependant être une “source d’angoisse” comme le déclare cette consommatrice parisienne habitant un appartement au 6ème étage sans ascenseur : “le régime alimentaire de mes enfants a tout de suite été une priorité et un casse-tête [...] le poids des courses (des bouteilles en verre, du lait, etc.) joue énormément dans mes choix et me contraint à faire des courses au minimum tous les deux jours [...] Je ne sais toujours pas comment nettoyer les fruits et les légumes”. Les deux pôles identifiés pour le comportement général se reflètent dans le régime alimentaire de crise. Pour les uns “peu de changement sur l'alimentation si ce n'est moins de viande” (consommateur, Bretagne), “nous cuisinons à l'ancienne, même pendant le confinement” (couple, Bretagne). Pour beaucoup d’autres au contraire, le régime alimentaire évolue. Certains s’adaptent aux circonstances : “on a donc très bien mangé, et même plus riche que d'habitude” (consommatrice, Ile de France) “nous cuisinons un repas "découverte" sur recette / jour, chacune son tour” (consommatrice, Bretagne). D’autres au contraire revoient profondément leur modèle alimentaire : “ j'ai changé de régime alimentaire. Je pratique le jeûne intermittent” (consommatrice qui vit seule, Bourgogne Franche-Comté), “je suis à mon 4 jour de jeûne. J’ai souhaité profiter de ce contexte de retour à soi pour aller encore un peu plus loin dans l’expérience d’intériorisation” (consommatrice, Auvergne Rhône Alpes), “augmentation de la quantité de viande dans une alimentation quasi végétarienne” (consommatrice, Grand Est). Le recours à des aliments considérés comme de réconfort est très répandu : alcool et chocolat, mais aussi pâtisseries, chips.... Le contexte social du confinement (solitaire ou en groupe) influe sur les changements : “les repas que nous ne prenions pas forcément ensemble sont redevenus des moments conviviaux et de partage. La présence d’une personne vegan a obligé à bouleverser la proposition de cuisine” (consommatrice, Ile de France), “en raison du confinement, mon conjoint qui travaille en Allemagne m'a rejoint. Nous avons changé nos habitudes de consommations, car maintenant nous sommes deux” (consommatrice, Bretagne). Mais le changement peut aussi être subi, avec le ressenti d’une dégradation de l’alimentation : “habituellement, j'achète beaucoup de frais notamment des salades mais j'ai rompu avec cette pratique de façon irraisonnée liée à la peur.” (consommatrice, Nouvelle Aquitaine), “confinement oblige nous ne faisons plus les courses qu'une fois par semaine du coup beaucoup moins de légumes et fruits frais et pratiquement plus de viande - la salade nous manque beaucoup” (couple de retraités, Occitanie), et des retours en arrière sont possible “au bout d'une dizaine de jours, on en a eu assez, et puis trop de sucre aussi, gâteaux, chocolat, plus que de coutume” (consommatrice, Ile de France). Le facteur temps, puisque certains confinés en disposent plus qu’avant, est aussi moteur : “avoir plus de temps pour le faire permet de cuisiner mieux et plus” (consommatrice, Auvergne-Rhône-Alpes) ; “nous prenons le temps de faire, de plus en plus souvent, une entrée, alors que jusqu'à maintenant, nous faisions "sauter" cette étape” (membre d’une AMAP, Bretagne). L’évolution des modes de préparation suit bien évidemment les évolutions du régime alimentaire : “depuis le confinement, j'expérimente” (consommateur, Auvergne-Rhône-Alpes). L’affectation aux tâches de préparation d’une partie, voire de l’essentiel, du temps libéré est unanime : “le temps donné par le confinement me donne l'occasion de cuisiner davantage, ce qui me permet d’inclure plus de légumes, je fais beaucoup de repas salade composée” (consommateur, Auvergne-Rhône-Alpes) ; “mon entourage et moi cuisinons beaucoup plus, dont du pain” (consommateur, Hauts-de-France). Cette dernière mention introduit le fait que le pain est devenu l’aliment-vedette de la préparation au foyer : “je pense à présent maintenir cette habitude de faire mon propre pain, et certainement d'en faire partager mes amis car lorsqu'on s'y met autant en faire une certaine quantité. C'est quelque chose dont j'avais le désir depuis longtemps mais pas assez de temps devant moi pour vraiment le mettre en place” (femme artisan de 32 ans, Ile de France). Outre son aspect symbolique et le fait que son achat quotidien multiplie les sorties, le pain est une opportunité d’échange, singulièrement par le levain : “nous avons décidé avec mes fils (par skype) de faire chacun notre levain. J'avais toujours pensé que c'était compliqué et puis finalement avec le confinement… Nous avons diffusé à des ami(e)s et nous avons tous décidé d'essayer et de nous donner des nouvelles de notre levain” (consommateur, Bretagne). Nous ne pouvons manquer de relier cette progression au fait que la farine manque aujourd’hui dans la plupart des magasins, mais en deuxième vague, contrairement aux pâtes qui ont été stockées immédiatement après le confinement : “nous ne sommes pas les seuls [à faire du pain] (rupture de stock de farine dans les supermarchés !)” (étudiant, Hauts-de-France). Cette pénurie relative est propice à des découvertes : “quand toute la farine T65 a été écoulée, les gens ont bien été obligés de se rabattre sur la T80 puis la T110, et quand le blé a été écoulé, ils ont découvert le sarrasin, le petit épeautre.” (employé de commerce, Auvergne-Rhône-Alpes). L’ensemble de ces observations laisse penser que les mangeurs ont “pris leurs marques”. L’agitation connue en première semaine s’est dissipée rapidement, et les consommateurs se sont ancrés dans des habitudes et des routines qui leur offrent des repères stables, que celles-ci prolongent celles qu’ils avaient antérieurement ou au qu’au contraire elles les révolutionnent. Cette remarque ne préjuge en rien de leur poursuite après le confinement. Pour proposer de nouvelles observations : https://framaforms.org/appel-a-retour-dexperience-manger-au-temps-du-coronavirus-1584194374 Présentation du Bulletin n°2 | Article suivant : Faire ses courses au temps du confinement
- Bulletin de Partage 2 - Des modes de consommation renouvelés, une mobilisation créative...
Cette période est marquée par une stabilisation des pratiques, en particulier à l’échelon des foyers et en proximité. Les consommateurs et les maires apparaissent comme les chevilles ouvrières de solutions créatives pour articuler les différents maillons de la chaîne alimentaire. Après une phase de turbulence suscitée par la suppression des marchés au niveau national le 24 mars puis par la mise en œuvre de dérogations par les maires, élus et consommateurs se mobilisent pour soutenir ou créer des modes de distribution renouvelés des produits de l’agriculture locale. Cette seconde période est marquée par une forte majorité de témoignages de consommateurs, qui exposent comment s’organisent leurs approvisionnements et la composition de leurs repas durant le confinement. Tout en faisant état d’efforts constants d’adaptation et de réflexions sur leurs choix, ils expriment aussi l’établissement de nouveaux repères et d’une certaine stabilité. A travers ces témoignages se dégagent plusieurs stratégies : Celle du repli dans le confinement, avec des efforts qui portent sur la minimisation (voire l’annulation pour quelques-uns !) des déplacements pour s’approvisionner, on cuisine les stocks, le contenu du congélateur ou des placards, on produit dans son jardin, on cueille. Des ruptures de certains produits comme la farine témoignent de nouvelles habitudes culinaires (faire son pain, des gâteaux…); Des stratégies de solidarité avec les producteurs locaux, couplées avec la recherche domestique de produits frais, sains, variés et agréables pour compenser le confinement par les plaisirs de la cuisine et de la table. Il s’agit alors souvent aussi d’éviter dès que possible le supermarché en raison à la fois du risque de contamination perçu comme accru, de choix éthiques, et de la possibilité qu’offre la vente directe à la ferme de “prendre l’air” (occasion de sortie et moindre risque perçu de contamination) ; Enfin, des modes de consommation restés assez constants avant et pendant le confinement : il s’agit surtout de consommateurs en circuits courts, habitués à deux ou trois lieux de distribution qui restent ouverts et approvisionnés en durant le confinement. Ils ont tendance à augmenter leurs approvisionnements notamment les familles avec des repas plus nombreux. La notion d’alimentation locale, jusque-là surtout entendue pour les produits d’origine locale, s’étend aux modalités de distribution les plus proches du domicile. Pour limiter les contaminations, on se déplace peu, on achète au plus près. La période a été significativement marquée par l’annonce le 27 mars par le 1er ministre Edouard Philippe de la suppression des marchés de plein vent, qui a immédiatement déclenchée de nombreuses réactions. Celles-ci viennent à la fois des consommateurs, qui s’inquiètent des possibilités de s’approvisionner en produits frais qu’ils privilégient, et des risques économiques encourus par les producteurs. Ces derniers proposent de leur côté des témoignages sur les solutions variées qu’ils expérimentent dès la fermeture des marchés pour réorganiser leurs débouchés, témoignages renforcés par ceux de citoyens mobilisés à leurs côtés pour assurer des relais informels mais structurés sur le terrain. Le début de la période est fortement marqué par les incertitudes et l’inquiétude sur les solutions de vente directe et de circuits courts autorisées ou interdites. Ce premier état de tension cède cependant la place au cours de la quinzaine à l’émergence d’initiatives favorables au maintien de ces débouchés, cependant souvent au prix de réorganisations importantes des systèmes de distribution ou par la création de nouveaux dispositifs. En parallèle, les maires sont alertés sur la nécessité de produire des dérogations pour le maintien de certains marchés. Des témoignages s’accumulent progressivement sur le nombre et le type de marchés rétablis par les maires et sur le type de précautions sanitaires qui les accompagnent. Le rôle des maires a été explicitement cité 18 fois dans les témoignages reçus au cours de cette seconde période, contre 4 fois pour la précédente. Au-delà des marchés, le rôle des mairies se révèle décisif pour définir (sous réserve d’accord du préfet, avec des concertations parfois tendues) des règles de sécurisation sanitaire des marchés maintenus (mais souvent très contraints). Ils autorisent également par compensation de nouveaux points de livraisons de paniers : la notion de “drive” se popularise et s’étend désormais à ces solutions locales. Les systèmes de commandes et livraisons de paniers fermiers sont non seulement sur-sollicités pour ceux qui existaient, mais se démultiplient en improvisant une organisation alternative aux marchés à partir du réseau des clients habitués. Une attention particulière est prise pour garantir des mesures sanitaires. « Des masques en tissu ont été fabriqués par une couturière pour les bénévoles de Voisins de paniers et la mairie a fait une attestation pour garantir les barrières sanitaires durant les permanences de distribution de panier près de locaux municipaux» témoigne un consommateur (27 mars, Bretagne). La mise en œuvre de ces systèmes émergents repose significativement sur des énergies citoyennes formelles, comme des associations, ou informelles comme des consommateurs habitués mais aussi parfois novices qui s’engagent et mobilisent leurs voisins et leur entourage. Cette période marque ainsi une implication significative et variée des consommateurs dans l’organisation de l’approvisionnement au-delà de citoyens déjà engagés. Des coopérations entre habitants d’un même quartier se développent, avec des transferts entre formes de circuit court (du marché vers les paniers…). Nous observons également des mouvements pragmatiques vers les circuits de commercialisation plus classiques pour limiter les sorties et les files d’attente parfois longues dans les magasins bio ou de proximité. Les acteurs des chaînes longues de distribution s’interrogent sur l’optimisation de la logistique (par exemple lorsque les camions reviennent à vide) et sur la prise en charge de ce surcoût. Des difficultés économiques apparaissent dans certaines productions comme les produits laitiers, des fruits comme les fraises et légumes comme les asperges. Les grandes surfaces s’affichent comme des solutions pour soutenir les grossistes et les producteurs. La seconde moitié de cette quinzaine est marquée par une entrée en scène progressive des régions et des organisations agricoles qui se mobilisent ensemble pour faciliter ces mises en relation entre producteurs et consommateurs dans la proximité. Il émerge un foisonnement d’initiatives institutionnelles (plateforme internet, cartes interactives...), pour le moment assez peu coordonnées, qui témoignent de l’importance accordée à l’approvisionnement local. La plateforme de géolocalisation de la Région Nouvelle Aquitaine, qui permet de mettre en lien producteurs et consommateurs de proximité, a été rapidement imitée par d’autres régions et signale des dynamiques publiques émergentes. Pour proposer de nouvelles observations : https://framaforms.org/appel-a-retour-dexperience-manger-au-temps-du-coronavirus-1584194374 Présentation du Bulletin n°2 | Article suivant : Des habitudes de crise s'installent dans les foyers
- Bulletin de Partage 2 - Tendances et perspectives
La quinzaine de confinement fait apparaître des tendances fortes : capacités d’adaptation, innovations, nouvelles solidarités… Même s’il ne s’agit pas ici de généraliser, la crise permet d’inventer de nouveaux possibles. Une question cependant, que se posent aussi les répondants à l’enquête : cela va-t-il durer ? Dans tous les cas, partageons ici les bons plans. Tout d’abord, durant cette quinzaine de confinement, la fermeture des marchés a agi comme catalyseur pour faire éclore de nouveaux projets, adapter des pratiques existantes, nouer de nouvelles relations, qui à terme pourraient renforcer la diversité et l’ancrage de l’alimentation dans les territoires, à travers de nouveaux dispositifs de circuits courts en particulier. Elle a aussi démontré aux élus locaux le rôle moteur de cette forme de vente. Elle a soudé des communautés d’intérêts entre acteurs peu habitués à travailler de concert, dans les filières, dans les quartiers, dans les villages. Les AMAP ont affirmé leur rôle, étendu leur périmètre. Des citoyens peu ou pas engagés dans l’alimentation locale ont prêté main forte pour aider les producteurs à écouler leurs produits. L’action de l’État et de ses services, toutefois, reste interrogée, à travers des témoignages qui regrettent le manque de prévoyance et d’anticipation pour l’État. Cet appel rejoint les propositions faites le 24 mars par la Sénatrice Françoise Laborde au Président de la République : “poser les bases d’une résilience alimentaire territorialisée, articulée à l’ordre public, accompagnée par un “État stratège et localement facilitateur” [...] transformer ce choc en opportunité en mélangeant des mondes qui se parlent encore trop peu (Défense, Sécurité Intérieure, Agriculture, Société civile, par exemple)”. A noter que Françoise Laborde, en collaboration avec un autre sénateur, Joël Labbé, avait soumis au Sénat en juin 2019 un projet de résolution sur “la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale”, appelant à reterritorialiser une partie de l’agriculture et de l’alimentation : un projet que le Sénat a refusé le 12 décembre 2019. Si la crise ouvre de nouvelles perspectives, une question émerge toutefois déjà chez les répondants à l’enquête: les pratiques et routines conservées ou adoptées pendant cette crise dureront-elles au-delà ? Certains l’affirment, d’autres assument une adaptation temporaire, certains y trouvent confirmation de leurs choix antérieurs. Dans beaucoup de cas, surtout, on note une affirmation, ou une prise de conscience du rôle clé de l’alimentation, sur la santé, sur le lien social. “Pour ma part, je pense que, suite au confinement, je retournerai au marché car la convivialité est aussi importante que les produits sains et locaux achetés”. Consommatrice dans la Drôme, 27 mars “Depuis plus de 10 ans, nous fonctionnons en circuit AMAP avec producteurs locaux, en circuits directs et courts. Tout en faisant des compléments au marché et dans des supérettes locales. Nous avons maintenu ce mode de consommation en mettant en place les moyens pour conserver le lien avec nos producteurs. Nos choix de consommation antérieurs à la crise du Coronavirus nous confirment que ces choix étaient et restent les bons” (Ille-et-Vilaine, 6 avril). La question des effets durables est également posée par le salarié d’un drive : “- Est ce que le coronavirus va modifier de manière durable les modes d’approvisionnement des français ? - Est-ce que la peur du risque sanitaire prend le dessus sur les possibles engagements de consommation éthique des individus?”. La durée du confinement permet à certaines pratiques de passer l’épreuve du test et de s’installer dans le temps. Certaines pratiques culinaires ont pu devenir routinières, mais résisteront-elles à l’épreuve d’un emploi du temps plus contraint après la crise ? Dans d’autres domaines, comme l’autoproduction, les résultats concrets ne peuvent pas être constatés immédiatement : si des convictions ou des envies peuvent être mises en pratique, elles seront ensuite confrontées à un contexte très différent : “ le temps disponible et la saison propice sont 2 facteurs encourageant le développement de la pratique [de l’autoproduction]” (consommateurs de l’Aude). Enfin et à court terme, pour conclure, les témoignages font ressortir un certain nombre de “bons plans”, souvent mis en avant par les répondants eux-mêmes, et qu’il nous semble intéressant de partager : Contacter les producteurs que l’on connaît (achats sur les marchés…) pour savoir si tout va bien pour eux, s’ils ont besoin d’un débouché et si oui, s’organiser avec ses voisins pour leur permettre un point de livraison groupé, les aider dans la gestion des commandes et/ou à faire respecter les gestes barrière lors de la distribution, en n’hésitant, pas d’ailleurs, à s’inspirer des bonnes pratiques mises en œuvre dans les AMAP (numérotation des commandes et définition du montant à payer à l’avance, mise en place d’un créneau horaire pour chacun, etc.); S’organiser avec ses voisins pour lister les besoins de chacun en produits frais et secs, et continuer à faire vivre le tissu des commerçants de proximité: chacun va dans un commerce et achète pour les autres; on limite ainsi les sorties et les files d’attente et on récupère une diversité de produits frais, qui nous permettent de maintenir un régime sain et équilibré; Lors des sorties, bien sûr quand cela est possible, ou bien dans son jardin quand on a la chance d’en avoir un, ramasser des plantes sauvages pour les consommer (orties, pissenlit, primevères, violettes, conopodes...) ; faire attention toutefois, se renseigner sur ce qui est comestible, via Internet ou des MOOC (modules de formation en ligne) disponibles sur ce sujet; Enfin et surtout, veiller aux personnes âgées, isolées, vulnérables, proposer de faire leurs courses. Nous enrichirons cette rubrique de “bons plans” à l’aide de vos témoignages, n’hésitez pas à nous les faire remonter pour que nous puissions les partager ! Pour proposer de nouvelles observations : https://framaforms.org/appel-a-retour-dexperience-manger-au-temps-du-coronavirus-1584194374 Présentation du Bulletin n°2
- Analyse lexicométrique des contributions
Après trois semaines de remontées, suite à l'appel à retour d'expérience (que vous pouvez encore compléter pour nous faire part de vos témoignages), nous avons procédé à une première analyse lexicométrique des contributions. L'objectif est d'identifier les dynamiques des champs lexicaux utilisés par les contributeurs au cours des semaines de confinement. L'analyse téléchargeable ci-dessous a été faite à chaud permettant d'identifier la segmentation du corpus. Une analyse des prochaines remontées sera réalisée dans les semaines à venir, ainsi qu'une analyse plus complète de la totalité du corpus. Télécharger l'analyse
- Les restaurateurs entre casse-tête administratif et élans de solidarité
Comment éviter de faire de la crise sanitaire une crise systémique pour les restaurateurs et leurs partenaires ? Virginie Brégeon, enseignant-chercheur en sociologie et marketing culinaire, présente ici son analyse de la situation pour les restaurateurs, souvent partenaires et porte-paroles de leurs producteurs. Virginie Brégeon de Saint-Quentin est enseignant-chercheur en sociologie et marketing culinaire (Ferrandi Paris, Institut D.), ses travaux portent sur la restauration durable, les nouveaux comportements de consommateurs, et le tourisme responsable. Par ailleurs, elle connait de près le secteur de la restauration, évoluant dans une famille de restaurateurs, entreprenant elle-même dans la restauration et accompagnant de nombreux chefs et producteurs depuis une dizaine d’années. Ses travaux sont accessibles ici : www.histoiresdegouts-demain.com Alors que le monde agro-alimentaire est en ébullition, que certains marchés ont ré-ouvert, que les producteurs se mettent en ordre de bataille, les restaurateurs sont inquiets, très inquiets. Non seulement parce qu’ils ont été les premiers à fermer (4 heures après une annonce surprise) mais aussi parce qu’ils seront les derniers à rouvrir, et qu’avant que leurs clients ne reprennent leurs habitudes de consommation il va falloir attendre plusieurs mois, voir plusieurs années. Aides et démarches administratives Les solutions financières proposées par le gouvernement ont le mérite d’exister (consulter l’article du 7 avril 2020 dans « l’Hôtellerie Restauration ») : chômage partiel, prêt de trésorerie garantis par l’État (BPI France), aide exceptionnelle de 1500€ aux entrepreneurs indépendants et chefs d’entreprise (les régions peuvent abonder jusqu’à 2000€), report d’échéance de paiement des impôts et cotisations sociales, possibilité de report des loyers et factures. Le chômage partiel est mis en place assez facilement, les prêts eux sont soumis à condition. Les entreprises doivent montrer patte blanche. Ces prêts sont néanmoins indispensables à nombre d’entre eux afin de payer leurs fournisseurs et les charges fixes. Quand aux pertes d’exploitation, elles ne sont pas prises en charge par les assurances, car le « cas de force majeur » n’est pas établi par le gouvernement. La profession s’est mobilisée et fait circuler très activement une pétition en ligne (« Sauvons nos restaurants et producteurs ! » initiée par Stéphane Jégo). Une fois les démarches administratives réalisées, ils réfléchissent à ce qu’il vont faire de tout ce temps… incertain (denrée rare dans la profession !). • Certains se mobilisent pour les soignants. Ils cuisinent des plats chaque jour, livrés souvent directement à l’hôpital ; achats de matières première financés par une cagnotte participative (Florent Layden, Boeschepe ; d’Ici de Là, Dinan ; David Gallienne, Le jardin des Pumes) ; Belles Gamelles, collectif toulousain ; #leschefsaveclessoignants, initié par Guillaume Gomez, Elysée) • D’autres proposent des plats et boissons à emporter ou en livraison, souvent cuisinés par le seul patron, non salarié, qui à la fois doit gagner sa vie et souhaite se sentir utile en maintenant du lien social (Bercail, Rennes ; La Cale de Mordreuc, Pleudihen sur Rance) « Le Restaurant La Belle Epoque (gastronomie) propose son service traiteur, sur commande par téléphone. » • Beaucoup sont solidaires de leurs partenaires producteurs. Ils communiquent auprès de leur communauté afin de les inviter à acheter des produits paysans et locaux. Ils proposent leur cuisine laboratoire afin de transformer et conserver les produits saisonniers haut de gamme, habituellement achetés par les restaurateurs ; agneau, fraises, asperges, produits de la mer en premier (LeCoq-Gadby), ou leur salle de restaurant et parking pour accueillir la vente de producteurs. Ils peuvent même aller les aider aux champs ; l’occasion de se rendre utile, et de mieux connaitre ses partenaires (Mes producteurs mes Cuisiniers). « 13 producteurs livrent plusieurs fois par semaine des commandes aux habitants du quartier dans des restaurants mis à disposition par les restaurateurs » Cagnotte en ligne et solidarité économique « En zone rurale, les producteurs combinent les circuits de commercialisation : ferme, marchés, PVC, dépôt-vente, magasins, restaurants… » Voyant le confinement se prolonger, le chiffre d’affaires de la saison estivale sur la sellette, les restaurateurs commencent à se demander s’ils survivront, tout simplement. Sensibilisés à leurs difficultés, leurs partenaires et clients fidèles se mobilisent. Plusieurs initiatives ont vu le jour récemment : • J’aime Mon Bistrot (plateforme, abonnement de 50% du bon d’achat pour les 10000 premières contributions, dans la limite de 100€ par client) • #Sauvetonresto (plateforme du Pot Commun, 1€ reversé aux hôpitaux par commande) • Aidons nos restaurants (campagne solidaire de la Fourchette et de Trip Advisor, bons pré-payés en ligne) • La Grande bouffe (initiative Lilloise pour préparer la première sortie au restaurant post confinement, qui sera dupliquée sur les territoires ?) • Cagnottes solidaires, Kengo (3% de frais de fonctionnement contre 10% habituellement, pas de seuil imposé pour récupérer les dons sur cette plateforme de financement participatif breton) Par ailleurs, les grands limonadiers ont mis en place l'initiative « bars solidaires » (abondement de la même valeur du bon d’achat en produits des partenaires). Difficile pour les producteurs locaux et produits artisanaux de s’en inspirer car les volumes et taux de marge sont incomparables. Mais si cette contribution aide leurs revendeurs à tenir le choc, tout le monde s’y retrouvera. Reste à s'occuper à la maison • Des chefs proposent des recettes et tutoriels culinaires sur internet. Souvent des recettes plus simples, avec moins d’ingrédients et moins d’esbroufe qu’à l’habitude. Il s’agit de proposer un vrai service pour leur communauté qui en profite pour ré-apprendre à cuisiner. Les astuces anti-gaspi, les produits alternatifs sont plébiscités (Des pingouins dans ma cuisine, Finistère ; Didier Méril et sa fille, Dinard) • Les plus médiatisés d’entre eux répondent à des interview TV, enregistrent des podcasts et vidéos racontant leur confinement (Guy Martin, dans le podcast « Minute Papillon ») • Un glissement de langage s’observe depuis quelques jours vers le « monde d’après », avec des prises de parole sur les questions de re-localisation et de résilience alimentaire. Mathieu Guibert invite à « plus d’humilité », la série d’articles « panser demain » sur Atabula ou le podcast d’Olivier Roellinger (« Notre art-de-vivre va être totalement bouleversé »). Se préparer à la ré-ouverture Les restaurants vont ré-ouvrir, un jour, mais dans/sous quelles conditions ? Dans l’attente, tous tentent de construire des débuts de réponse, en observant ce qu’il se passe à l’étranger (en Chine, en Autriche). • Conditions sanitaires : quelles seront les nouvelles réglementations sanitaires (jauge, espacement entre les convives, port du masque, de gants, etc.) ? Comment rassurer leurs salariés sur l’efficacité de la mise en place de gestes barrières ? Comment les former à ces gestes barrière ? A ce titre, nombreux sont ceux qui observent les ré-ouvertures en Chine, qui se font au compte goutte (témoignage de Paul Pairet). • Attractivité et rentabilité : Comment rentabiliser leur établissement et leur masse salariale s’ils doivent accueillir 50% de leur jauge habituelle, distanciation oblige - certains envisagent d’ouvrir 7/7 et de proposer des moments de consommation supplémentaires (l’heure du thé par exemple) ? Comment donner envie de faire la fête, de se retrouver au restaurant si le port du masque (à caractère anxiogène mais nécessaire) et des gants est obligatoire ? • Changement des habitudes de consommation : la clientèle aura-t-elle pris (encore plus) l’habitude de se faire livrer et de profiter de bons repas à la maison, en comité réduit ? Ou, au contraire, sera-t-elle sensibilisée à la difficulté du métier de restaurateur et à la valeur de leur travail ? Sera-t-elle encore plus sensible à l’origine des produits et aux conditions de fabrication (transparence ?) - ce qui serait une bonne nouvelle pour le développement de l’agriculture locale. « Nous avons l'habitude d'aller régulièrement au restaurant, ce qui est évidemment impossible. Nous compensons ce plaisir par un approvisionnement en produits de qualité et bio » Se projeter : affiner sa stratégie commerciale, développer ses compétences Selon de nombreuses observations et témoignages de notre cercle professionnel, chefs et restaurateurs tentent de mettre à profit le temps qui leur est imposé pour préparer l’avenir, autant que possible. • Faire des travaux, du bricolage, passer un coup de peinture fraîche, cultiver son potager ; • Revoir sa carte (son offre de plats et de boissons), en réfléchissant à une mise en avant supplémentaire de leur engagement écologique le cas échéant ; • Refondre son site internet et mettre à jour ses réseaux sociaux ; • Re-penser sa stratégie commerciale (newsletters, plaquettes, etc.) ; • Développer des alternatives hivernales aux activités saisonnières (les mariages sont déplacés - les traiteurs concernés seront fortement impactés -, les séminaires d’entreprise reportés) • Se former. On observe plusieurs initiatives de formations et supports en ligne gratuits, en particulier par les partenaires traditionnels des restaurateurs, eux aussi frappés par la crise (La frégate, Betterfly tourism, Histoire(s) de Goûts). Entre la gestion administrative et financière de leur établissement, les actions de solidarités avec les soignants et les producteurs, le partage de leur savoir-faire, le développement de leur stratégie commerciale et l’angoisse face à l’avenir, les restaurateurs ne chôment pas. Comme pour beaucoup de professions, les durées de la crise sanitaire et du confinement seront décisives pour la suite. Sources Articles généralistes alimentation https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/coronavirus-comment-la-france-arrive-a-se-nourrir-1193077 Articles restauration NB : l’Hôtellerie Restauration met tout son contenu en partage gratuit en ligne pendant la crise du Coronavirus https://www.lhotellerie-restauration.fr/journal/salon-concours-syndicat-association/2020-03/coronavirus-l-essentiel-a-savoir-7-avril.htm > Solidarité économique Payez maintenant, consommez après : https://www.lci.fr/emploi/payez-maintenant-consommez-apres-le-confinement-ces-initiatives-pour-aider-restos-et-bars-2150446.html • J’aime mon Bistrot : https://www.jaimemonbistrot.fr • Sauve ton resto : https://hemblem.cityvent.com • « Aidons nos restaurants » : https://www.theforkmanager.com/fr-fr/blog/evenements/aidons-nos-restaurants-faq • Bars solidaires : barsolidaire.fr (article dans process alimentaire : https://www.processalimentaire.com/vie-des-iaa/covid-19-ab-inbev-lance-une-initiative-solidaire-pour-soutenir-la-tresorerie-des-bars-et-restaurants?sso=1586355636) • La Grande Bouffe, Initiatives locales (Lille) : https://www.lagrandebouffe.club Solidarité avec les producteurs Vente de légumes bio, solidarité restaurateur producteur soignants : https://www.lavoixdunord.fr/729329/article/2020-03-20/boeschepe-le-restaurateur-florent-ladeyn-organise-la-vente-de-legumes-bios Mes producteurs mes cuisiniers x Maîtres Cuisiniers : https://entraide.mp-mc.com Solidarité avec les soignants https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/regaler-pour-reconforter-les-chefs-et-traiteurs-au-chevet-des-soignants-fbcb4158702c2fb907c1e06ce90dfa7a Christian Têtedoie ; https://positivr.fr/prive-de-ses-restaurants-a-cause-du-confinement-ce-chef-etoile-decide-de-cuisiner-dans-un-hopital/ David Galienne, (Top Chef), Jardin des Plumes : http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/candidat-de-top-chef-david-gallienne-cuisine-pour-les-soignants-08-04-2020-8296023.php Florent Ladeyn, Aubert du Vermont : https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/coronavirus-repas-offerts-aide-materielle-dons-autour-du-personnel-du-chu-lille-solidarite-s-organise-1803518.html Les chefs avec les soignants, initié par Guillaume Gomez, chef de l’Elysée : https://www.aphp.fr/contenu/les-chefs-avec-les-soignants-leschefsaveclessoignants https://tiptoque.typeform.com/to/gdtCrJ Belles Gamelles, Toulouse : https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/coronavirus-belles-gamelles-lance-campagne-financement-participative-aides-soignants-1812984.html https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/coronavirus-repas-offerts-aide-materielle-dons-autour-du-personnel-du-chu-lille-solidarite-s-organise-1803518.html Recettes de cuisine et journal de confinement de chefs Des pingouins dans ma cuisine, Finistère : https://www.lhotellerie-restauration.fr/journal/restauration/2020-03/coronavirus-des-chefs-bretons-reinventent-leur-activite.htm Guy Martin : https://www.20minutes.fr/podcast/2752047-20200401-podcast-coronavirus-guy-martin-chef-etoile-parle-cuisine-moral-recette-gateau-chocolat Didier Méril : https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/video-coronavirus-dinard-le-chef-didier-meril-et-sa-fille-partagent-leurs-recettes-de-cuisine-6788344 Alimentation durable Mathieu Guibert , plus d’humilité pour les chefs étoilés : https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-le-chef-etoile-de-la-plaine-sur-mer-enclin-l-humilite-6802985?fbclid=IwAR2lXkP_m8n-DgniCJZqgzSCqDzt_lxYeKhVrbwew-eXaG0qFzBf6MC7glg « La nature nous ferait-elle paye nos erreurs » Michel Sarran : https://www.lhotellerie-restauration.fr/journal/restauration/2020-04/michel-sarran-la-nature-nous-ferait-elle-payer-nos-erreurs.htm?fbclid=IwAR1VVpy4K2Rj0sGKUDOrqUzlKkfWKP5999mBM1DjQrIbCcCL57IoxSNFRtE « Panser demain » https://www.atabula.com/2020/04/08/panser-demain-2-nicolas-imbert-directeur-executif-de-green-cross-france-plus-aucune-marque-ne-pourra-commercialiser-des-produits-sous-son-nom-sans-prendre-des-engagements-assez-clairs/ « Notre art de vivre va être totalement bouleversé », Olivier Roellinger, Atabula : https://www.atabula.com/2020/04/02/allo-confinee-avec-olivier-roellinger-notre-art-de-vivre-va-etre-totalement-bouleverse-profitons-en-pour-changer-dans-le-bon-sens/ > Une ré-ouverture sous/dans quelles conditions ? https://www.ladepeche.fr/2020/04/08/les-restaurateurs-se-debrouillent-comme-ils-peuvent,8837515.php Paul Pairet, l’exemple de la Chine : https://www.voici.fr/news-people/actu-people/top-chef-11-comment-paul-pairet-fait-face-au-coronavirus-dans-ses-restaurants-676601 > Vente à emporter Mc Donald’s rouvre certains de ses établissement en Drive : https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/mcdonald-s-rouvre-restaurants-ile-france-catastrophe-sanitaire-se-prepare-1813110.html?fbclid=IwAR3pOIGWWpJgCdJJfFaA1KEDGTdnCpk2GehbUi5cN2_bQUubAFVir_K6QEU La vente à emporter ne fait guère recette : https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/23/restaurants-la-vente-a-emporter-encore-autorisee-ne-fait-guere-recette_6034051_3234.html Les salaires des activités en Drive (vente à emporter) non concernés par le chômage partiel : https://www.lavoixdunord.fr/729300/article/2020-03-20/coronavirus-la-colere-de-patrons-de-restauration-rapide-prives-de-chomage Chômage partiel et vente à emporter : https://www.snacking.fr/actualites/tendances/4673-Chomage-partiel-attention-danger-La-restauration-rapide-pourrait-etre-exclue-du-dispositif/ > Formations en ligne https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/sauver-les-start-up-episode-2-jeunes-pousses-dans-la-crise-1192961 Frégate : https://app.livestorm.co/la-fregate/covid-19-and-restaurant-comment-anticiper-et-gerer-la-communication-de-sortie-de-crise Betterfly tourism : betterfly tourism Histoires de Goûts : https://www.histoiresdegouts-demain.com/page-d-articles/carnet-de-tendances-culinaires-2020-1
- Retour sur le projet MAGPRO - Clés de réussites et impacts territoriaux des magasins de producteurs
La revue Innovations Agronomiques de l'INRAE publie dans son dernier numéro un retour sur le projet MAGPRO (Clés de réussites et impacts territoriaux des magasins de producteurs) : Vendre ses produits en direct et en collectif dans un magasin de producteurs : adopter un projet collectif correspondant aux fermes, adapter les fermes au projet. Rouher L.*, Jaouen A.**, Jaeck M.**, Joly C.**, Kessari M.*** * AFIPAR ** Montpellier Business School *** MOISA, CIHEAM-IAMM, CIRAD, INRAE, Montpellier SupAgro, Univ Montpellier Résumé : Les magasins de producteurs sont en plein essor depuis le début des années 2000. Chacun est la combinaison singulière de plusieurs fermes membres de ce collectif de vente, porté par des personnes aux motivations et parcours variés, par des fermes aux structures, ressources et besoins différents. Les 17 partenaires du projet MAGPRO « clés de réussite et impacts territoriaux des magasins de producteurs » ont souhaité produire avec les producteurs, des outils et repères pour l’accompagnement de projets viables économiquement et humainement, intégrés à leur territoire. Cet article apporte des éléments de réponse sur ce que peut impliquer l’intégration d’une exploitation dans un magasin de producteurs à la fois pour le collectif et pour l’exploitation. Il montre des ajustements multiples, depuis l’émergence du groupe à la gestion courante de la structure collective de vente, entre le magasin et les fermes qui portent le projet : à la création d’un magasin, les producteurs qui s’associent ont des parcours individuels variés, le magasin a une place prépondérante parmi leurs circuits de commercialisation mais pour des motifs divers. Le groupe devra composer avec cette diversité. A l’heure des choix structurants, comme celui d’un rayon traditionnel viande, découpant les carcasses produites par ses membres, ce sont à la fois les dimensions relatives au projet collectif (ambition commerciale, investissements, composition de l’équipe salariée) et celles concernant chaque ferme (capacité d’approvisionnement, valeurs portées par les personnes...) qui doivent être prises en compte. Mais les exploitations connaissent des évolutions importantes à leur entrée dans un magasin de producteurs ; cela concerne en premier lieu l’organisation du travail, ou les coopérations engagées entre plusieurs producteurs pour approvisionner à plusieurs un même magasin, ce point étant traité ici pour le rayon légumes. Lire l'article Retour sur le projet : Toutes les ressources du projet MAGPRO sont disponibles sur le site du projet. Retrouvez dans notre rubrique dédiée aux projets finalisés une sélection de projets de recherche et de développement sur les chaînes alimentaires courtes de proximité.