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  • Éclairage Covid-19 | Retour d’expériences de producteurs·trices et consommateurs·trices (Auvergne)

    La Fédération Régionale des Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu Rural (FR CIVAM) d’Auvergne est une association de loi 1901, agréée organisme de formation. Elle appartient au Réseau national CIVAM. Sa mission est d’accompagner des groupes de porteurs de projets dans leurs démarches de diversification de leurs activités et de professionnalisation : agriculture autonome et économe, alimentation durable et circuits courts, accueils en milieu rural. Fortement sollicitée par les producteurs et consommateurs tout au long du confinement imposé par la COVID-19, la FR CIVAM Auvergne a tenté dans l’urgence de proposer des solutions : organisation au maintien des marchés, lancement d’une cartographie participative des circuits courts, mise en place de drives fermiers,... Pour mieux préparer l’après-crise, la FR CIVAM Auvergne s’est donc tournée vers les consommateurs et les producteurs pour recueillir leurs expériences ainsi que leurs attentes vis-à-vis des circuits courts après la période de confinement à travers deux enquêtes. Télécharger la synthèse de ces enquêtes

  • Éclairage Covid-19 | L’agriculture insulaire au révélateur de la crise du coronavirus

    Note d'analyse La présente note s’appuie sur une série d’enquêtes téléphoniques ainsi que des contacts réguliers entre le Réseau agricole des îles Atlantiques et les agriculteurs, des acteurs des filières et des acteurs du développement agricole sur les différentes îles de la façade atlantique. Le RAIA est une association qui regroupe des agriculteurs, des citoyens et des élus dans l’objectif de faciliter le maintien et le développement d’une agriculture durable dans les îles de la façade atlantique française, en région Bretagne et dans les départements de Vendée et de Charente-Maritime. Ses membres se répartissent sur les îles de : Bréhat, Ouessant, Sein, Groix, Belle-Ile-en-Mer, Hoëdic, Arz, Yeu, Noirmoutier, Ré, Aix et Oléron. La note a été rédigée par Mary-Anne Bassoleil, animatrice du RAIA. Ce texte n'engage que son auteur·e et pas l'ensemble du collectif qui rédige les bulletins. Bilan de la crise Les situations des producteurs insulaires pendant la période de confinement ont été très contrastées. On peut toutefois identifier quelques grandes lignes directrices : Les activités dont le chiffre d’affaire est essentiellement lié à de la vente directe auprès d’une clientèle touristique saisonnière ont été très durement impactées : c’est le cas (entre autres) des sauniers indépendants sur les îles de Ré, Noirmoutier et Oléron, des viticulteurs réalisant de la vente directe (hors coopérative) à Ré et Oléron. De façon similaire, les activités d’agri-tourisme n’ont dégagé aucun revenu du fait du confinement. Le manque à gagner ne sera pas compensé, même si la saison estivale est correcte. Certains producteurs de viande, notamment ovine, ont été pris de court par l’impossibilité d’écouler leurs animaux sur le marché pendant la période de Pâques. Les animaux, gardés dans les fermes en attendant, risquent d’être dépréciés. Pour les autres productions, les effets de l’épidémie se sont fait moins durement sentir, même si des adaptations en matière de production ou de commercialisation ont été mises en place sur l’ensemble des exploitations insulaires. La production maraîchère, qui sur les îles est polarisée entre des activités de maraîchage sur de petites surfaces pour la vente directe (Yeu, Belle-Ile, Bréhat, Oléron…) et la production en plein champ pour la vente en coopérative (Noirmoutier, Batz), a pu dans certains cas tirer son épingle du jeu, grâce à la combinaison de plusieurs facteurs : irruption de l’épidémie à une période de creux de production, accroissement de la demande des consommateurs pour des produits maraîchers locaux sur les îles, capacité des coopératives à s’adapter aux demandes du marché tout en mettant en avant l’origine des produits. Malgré tout, certains maraîchers ont dû détruire leurs productions, en particulier celles destinées au marché de la restauration. Dans l’ensemble, les activités qui ont le moins pâti de la situation sont celles disposant d’une bonne autonomie (intrants, main d’œuvre, capacité de transformation et de stockage des produits) et de débouchés réguliers sur l’année et décorrélés de l’activité touristique. Les installations en cours, et plus largement les activités nécessitant le recours à des entreprises extérieures (travaux, aménagement, réparation ou livraison de matériel) ont été grandement retardées par la réduction des dessertes en transport maritime et des activités postales. En effet, les produits et matériels agricoles ne sont pas considérés comme prioritaires. Enfin, l’épidémie a reporté des évolutions stratégiques en cours : création de GAEC, projets de diversification, embauches. L’ensemble des professionnels s’accorde sur le fait que le bilan économique de la période ne pourra être tiré qu’en septembre : le retour à la normale est variable d’une île à l’autre, selon la rapidité de remise en place des liaisons maritimes notamment. Ce que la crise nous révèle des systèmes agricoles insulaires L’expérience du coronavirus a ainsi joué un rôle de révélateur en mettant en lumière la fragilité du modèle économique global du secteur agricole sur les îles. 1. Des productions alimentaires insuffisantes ou déconnectées des besoins locaux Elle a pointé la déconnexion entre la production agricole insulaire et l’approvisionnement alimentaire de la population locale. Cette déconnexion est de deux ordres et diffère selon les îles considérées : faiblesse ou inexistence de la production, non-corrélation entre les besoins alimentaires du territoire et les productions. Sur de nombreuses îles, la production est calibrée pour satisfaire les besoins d’une filière d’exportation sur le continent et/ou de la clientèle touristique estivale(1). Elle est donc commercialisée dans des circuits relativement distincts des circuits d’approvisionnement des résidents insulaires. En effet, parmi la population vivant sur les îles « à l’année », le recours aux circuits d’approvisionnement alternatifs de proximité reste limité (à l’image de l’ensemble de la population française moyenne) au profit de l’approvisionnement en GMS. Il y a donc une relative absence de recoupement entre l’offre alimentaire proposée par les producteurs en circuits de proximité (plutôt orientée vers la clientèle touristique « libre de son temps ») et la demande des résidents à l’année. Décorréler la vente de produits agricoles insulaires de la saisonnalité touristique nécessite de renforcer les possibilités de recoupement offre/demande à l’année. De nouveaux partenariats équitables sont donc à imaginer. Il peut s’agir de nouveaux modes de partenariats entre producteurs et GMS, entre producteurs et artisans de bouche, ou encore la mise en commun de productions au sein de boutiques de producteurs, de drive, d’AMAP, pouvant constituer une alternative intéressante aux GMS grâce à la présence en un même lieu de différents produits, ce qui évite la multiplication des trajets souvent pointée comme un frein. Un autre moyen de décorréler l’offre agricole de la saisonnalité touristique (et de la concurrence exacerbée en cas de disparition d’un débouché) est la diversification des activités : sur certaines îles, force est de constater d’une part, une spécialisation importante (viticulture, élevage ovin, maraîchage sur l’île de Batz…) générant alors un volume de produits identiques très largement supérieur aux besoins des résidents permanents, et d’autre part, l’inexistence de certaines productions (fruits, céréales, volailles, œufs…). Néanmoins sur la plupart des îles, les volumes totaux d’aliments produits sont tout simplement insuffisants voire inexistants au regard des besoins alimentaires locaux. Il est donc nécessaire, dans une perspective à moyen terme d’amélioration de l’autonomie alimentaire locale, d’adopter des dispositions en matière d’accès au foncier et infrastructures facilitant l’installation agricole et la transmission avec des projets diversifiés. Enfin, les coûts de production sur les îles sont plus élevés que sur le continent, même pour les exploitations agricoles très autonomes, ce qui se traduit par un prix des produits plus élevé que la moyenne. Pour autant, la présence d’une agriculture extensive et respectueuse de l’environnement sur les îles rend de nombreux services gratuits à la collectivité (entretien du paysage et des réseaux hydrauliques, protection de la biodiversité, réduction de la vulnérabilité aux aléas naturels comme les incendies ou inondations). Ces services pourraient être rémunérés par un système de paiement pour services environnementaux mis en place par les collectivités insulaires, qui permettrait de renforcer le modèle économique des exploitations. 2. Une dépendance accrue pour les agriculteurs insulaires au transport pour la transformation et la vente L’épidémie a également montré la nécessité de disposer d’infrastructures permettant de transformer les produits bruts sur place pour en reporter la vente, ainsi que les possibilités existantes de mutualisation de ces infrastructures. En effet, plusieurs producteurs ont été contraints de détruire leurs produits, ou de les vendre à un prix inférieur à leurs coûts de production pour faire face à l’impossibilité de les écouler via les débouchés habituels. Disposer d’outils facilitant la fabrication et le stockage de produits de report (laboratoire de transformation, autoclave, moulin, congélateur…) aurait permis d’éviter ces pertes. La mutualisation de ces outils, qui peut nécessiter des adaptations en matière de réglementation sanitaire, permettrait de limiter la construction d’infrastructures sous-utilisées. Cette logique de maîtrise de la chaîne de fabrication et de commercialisation peut se transposer à la problématique du transport, notamment maritime. La mise en place de Plans de transport adaptés lors de la crise pour la desserte maritime a été très contraignante pour les agriculteurs et a souligné leur dépendance à des chaînes logistiques dont ils n’ont pas la maîtrise. L’exemple de l’île de Batz, où les agriculteurs sont pour partie propriétaire de la barge de transport qui assure le passage des légumes vers le continent, ou encore du camion de lait de Belle-Ile, assimilé à un service public pris en charge par la collectivité et donc considéré comme prioritaire sur le bateau, montre que la reprise en main d’au moins une partie de la chaîne logistique est un facteur sécurisant en cas de modification des conditions d’exercice de l’activité. Cette situation nous interpelle également sur la notion de biens de première nécessité : en effet, les produits nécessaires à l’activité agricole ont la même finalité que les biens alimentaires, à savoir nourrir la population. Il est donc important de reconsidérer la qualification des biens agricoles dans les documents qui régissent les dessertes maritimes. 3. La dimension collective, un levier d’adaptation et un moyen pour encourager la disponibilité « multi-canaux » des produits locaux La crise a montré l’utilité et la pertinence des dispositifs collectifs ou multi-acteurs. Ainsi les magasins de producteurs, les coopératives, les collectifs, ont permis aux producteurs de ne pas être démunis face à la perte de débouchés, d’avoir plus de poids dans les demandes adressées aux élus locaux (notamment pour le maintien des marchés) et de trouver plus facilement des débouchés alternatifs. Au-delà des entités formelles, les proximités informelles préexistantes entre les acteurs ont favorisé la mise en place d’adaptations. On peut ainsi citer l’exemple d’un éleveur fournisseur d’un supermarché insulaire : ayant fait remonter au gérant du supermarché ses difficultés à écouler tous ses animaux, celui-ci l’a mis en relation avec les autres supermarchés de la même enseigne sur le continent. Il est donc important d’encourager le développement des dispositifs favorisant l’interconnaissance entre acteurs professionnels. Les Projets alimentaires territoriaux sont un exemple, mais on peut également citer les collectifs citoyens, les groupements d’achat, les AMAP, les filières locales… Par ailleurs, l’exiguïté des îles rend nécessaire une concertation entre les producteurs afin d’optimiser la gestion collective des débouchés possibles, évitant la concurrence et permettant de rendre disponibles les produits locaux dans tous les canaux de distribution, dont la plupart sont aujourd’hui sous-employés (cf. point 1). Cette concertation ne pourra se faire sans un cadre collectif idoine. La dimension collective de l’action doit s’entendre également au sens d’une prise en compte par les élus et collectivités des attentes des citoyens-consommateurs : ainsi, une enquête réalisée par la mairie de Palais (Belle-Ile-en-Mer) auprès des habitants afin d’identifier les axes de travail prioritaires en sortie de confinement a révélé que les deux préoccupations majeures des habitants étaient : « l’écologie et la biodiversité », suivies de « l’agriculture ». Cet exemple précis reflète la montée en puissance de la demande citoyenne pour une agriculture de proximité, c’est-à-dire porteuse de liens fonctionnels et positifs avec les non-agriculteurs, et respectueuse de l’environnement. Entendre cette demande signifie pour les collectivités agir de façon ambitieuse et efficace pour le développement sur les îles d’une agriculture correspondant à ces souhaits. Télécharger cet éclairage (1) Cette situation de dépendance au tourisme est globalement généralisable à l’ensemble des activités économiques insulaires : l’office du tourisme de Bréhat, suite à une enquête réalisée auprès des entreprises de l’île, a ainsi estimé que 70 % de l’activité économique de l’île dépendait du tourisme à la journée et à la semaine.

  • Éclairage Covid-19 | Les enseignements du contexte de crise sanitaire sur les circuits courts (35)

    Le groupement des agrobiologistes d'Ille et Vilaine est le grand acteur du développement de la bio sur le département. Via de l'accompagnement technique, sur la réglementation, la transformation, la structuration de filière ou encore la distribution, il accompagne les producteur·trice·s bio d'aujourd'hui et demain. Ce texte n'engage que son auteure et pas l'ensemble du collectif qui rédige les bulletins. Dès le début de la crise sanitaire nous avons été sollicité par nos adhérent·e·s pour qui le confinement a entraîné un déséquilibre dans leurs débouchés : restauration collective ou marchés supprimés, etc. Lors des premières semaines nous avons travaillé à la transmission d'informations sur les règles sanitaires relatives aux différents débouchés, à la mise en lien de l'offre et la demande ou encore à la mobilisation des collectivités pour le maintien des marchés de pleins vents. Il est ensuite venu le temps de réaliser une enquête afin de comprendre : Comment les producteur·trice·s vivaient cet épisode ? Quel était l'impact sur leurs débouchés ? Sur leurs fermes ? Quel était leur ressentis ? Les résultats que vous trouverez complet ici, nous donnent une image de la situation en Ille et Vilaine. Mais arrêtons-nous sur quelques chiffres : Pour beaucoup, l’activité commerciale s’est adaptée au contexte, le vente à la ferme a bien fonctionné tout comme la vente en ligne ou les magasins de producteurs. Sans surprises se sont les débouchés en restauration collective et restauration commerciale qui ont les plus diminués. Cette pandémie a mis comme un coup de projecteur sur nos fermes et nos activités de commercialisations. Le consommateur avec son regain d’intérêt nous a surpris les premières semaines. Et il nous a ouvert les yeux sur nos besoins de mise en réseau toujours plus fort. Agricultrice bio, Ille et Vilaine Bien qu’utile d’un point de vue communication, cette pandémie a engendré des difficultés pour les producteurs : La principale difficulté rencontrée pendant cette période a été la surcharge de travail. Surtout pour la vente directe : un système de paniers en précommande est chronophage comparé au marché classique. Engendrant alors un épuisement moral, physique et des problèmes de disponibilité auprès des enfants. 35% ont écoulé leurs stocks prématurément, principalement pour les maraîchers se trouvant dans une période creuse de légumes avec une demande importante. Pour atténuer l’écoulement des stocks, certains ont limité les commandes. Enfin, 1/4 des répondants ont eu des difficultés liées à la garde des enfants. Cette crise a remis notre métier au cœur de la société. Je n’ai pas compté le nombre de MERCI de la part de nos clients qui passaient au magasin à la ferme. Mais là encore, nous avons du travail à faire pour que notre métier soit mieux reconnu et considéré par les autorités. Aujourd’hui, nos enfants ne sont toujours pas reconnus comme prioritaires pour avoir accès à l’école Agricultrice bio, Ille et Vilaine La réalité du confinement pour les producteurs bio d’Ille et Vilaine « ce sont des journées à rallonge, un manque de temps à consacrer à nos enfants pour le travail scolaire à la maison… Si aujourd’hui le personnel soignant peut souffler après avoir beaucoup donné contre ce virus, nous sommes toujours en pleine action et on ne nous offre pas de solution. » Agricultrice bio, Ille et Vilaine Cette crise sanitaire aurait été bien pire, et les retombées économiques et sociales catastrophiques si les producteurs ne s’étaient pas mobilisé pour assurer la continuité de notre système alimentaire. Pourtant, aujourd’hui encore, ils ne sont pas reconnus comme « personnel prioritaire » aux yeux de l’état. Illustration : Magasin de producteurs Brin d'Herbe

  • Éclairage Covid-19 | Réflexions sur l’impact de la pandémie en Argentine ...

    et la possibilité de renforcer les systèmes alimentaires locaux Par Clara Craviotti, Chercheure au Conseil National de la Recherche Scientifique et Technique (CONICET) au Centre d’Etudes de Sociologie du Travail, Université de Buenos Aires (CESOT-UBA) (1) Ce texte n'engage que son auteure et non l'ensemble du collectif qui rédige les bulletins. La COVID-19 est arrivé en Argentine le 3 mars, le premier cas détecté provenant d’Italie. Le 20 du même mois, le gouvernement national a établi le confinement obligatoire, qui a été postérieurement flexibilisé dans certaines régions du pays, mais continue dans la région métropolitaine de Buenos Aires (AMBA), avec un durcissement plus élevé prévu pour à partir de juillet où « pic » de nouveaux cas est attendu. Dans cette région de 13,6 millions d’habitants réside le 34% de la population argentine (INDEC, 2010). Comme prévu, le confinement a réduit la propagation du virus. L’Argentine avec 1 124 décès signalés au 25 juin présente un des taux les plus bas au niveau latino-américain (25 décès par million d’habitants), avec ses voisins Uruguay et Paraguay. Mais dans le même temps, la pandémie et les mesures strictes de confinement mises en place se déroulent dans le contexte d’une grave situation socio-économique. En décembre 2019, la pauvreté touchait 36% de la population argentine, et le chômage montait à 10% de la population économiquement active. Le niveau d’endettement, quant à lui, représente 90 % du PIB, et ce dernier a connu une baisse de 4 % au cours des quatre dernières années (Manzanelli et al., 2020). On estime qu’en 2020, l’activité économique pourrait diminuer de 8 à 10 % et qu’entre 750.000 et 820.000 emplois seront perdus (Nations Unies, 2020).(2) L’approfondissement des inégalités préexistantes est prévisible à court terme en raison de la baisse des revenus et de l’emploi. Toutefois, il existe des différences régionales marquées sur l’impact de la pandémie. Considérant la plus forte diminution de l’activité dans l’AMBA due au confinement, et parce que cette région concentre la plus grande proportion de personnes infectées, les zones moins densément peuplées de l’Argentine peuvent valoriser leur rôle pour la production d’aliments essentiels à la vie quotidienne, et comme des lieux où, dans certains cas, on trouve des meilleures conditions de vie.(3) Mais quels sont les impacts de cette crise sur le système alimentaire du pays ? Quels changements peuvent être identifiés, qui pourraient être mis à profit pour des actions et des politiques en faveur d’un système alimentaire plus durable ? Cette réflexion peut commencer par souligner que du point de vue strictement sanitaire, il y a eu des cas de COVID-19 dans des entreprises agroalimentaires qui concentrent habituellement un grand nombre de travailleurs, tels que les abattoirs et les marchés en gros de fruits et légumes. Cela a déterminé des fermetures de certains d’entre eux pour quelques jours et la mise en œuvre de différents protocoles de santé par activité.(4) Ces faits, conjugués à l’augmentation des contrôles de police lors du transfert de marchandises, sont quelques-unes des raisons pour expliquer la hausse exceptionnelle des prix des denrées alimentaires, en particulier des produits frais, au cours des premières semaines du confinement.(5) Les ménages ont déployé des stratégies d’adaptation face à la hausse des prix et aux restrictions de mobilité (Craviotti, 2020) : entre d’autres, ils ont diminué l’achat de certains produits (dont la consommation est déjà en temps habituel inférieure aux recommandations des guides alimentaires, tels que les fruits et légumes), et ont augmenté celui des produits non périssables. Il y a eu d’autres circonstances tout aussi importantes du côté de la demande, comme les changements constatés dans les pratiques alimentaires. Nous voulons les considérer à l’aune de la (possible) transition vers un système alimentaire plus durable. La pandémie a eu un impact significatif sur les comportements et les perceptions ; dans ce contexte, certains lieux et activités sont devenus essentiels et d’autres ont perdu de l’importance. Parmi les premiers, nous notons l’intérêt pour les (multiples) usages des espaces dans les foyers ; dans les activités, toutes celles liées à la planification des repas, l’accès aux produits, leur achat et leur préparation, ainsi qu’une nouvelle commensalité, qui dont le rôle est devenu central. Un membre d’un réseau de commercialisation « solidaire » a réfléchi sur ce sujet dans le cadre d’un séminaire, en indiquant que la pandémie a renforcé la proposition de consommation organisée et planifiée qui caractérise son secteur. La crise a également élargi l’utilisation d’outils d’achat numériques qui étaient déjà expérimentés, basés sur un logiciel libre (INTA, 2020). Ceci met au premier plan le besoin de personnes dédiées à la gestion de ces ressources et d’équipes de communication qui traitent les contenus à télécharger sur les platesformes de médias sociaux. D’autre part, l’augmentation du temps passé par la famille à la cuisine et la baisse de l’achat de repas prêts-à-manger donnent l’occasion de réfléchir à ce que nous mangeons, d’où vient notre nourriture et la façon dont ces aliments sont produits. En ce qui concerne les pratiques alimentaires, la préparation de repas implique d’internaliser des tâches préalablement externalisées pour lesquelles, dans des situations normales, il n’y a parfois pas de choix réel ou la marge de manœuvre est réduite. Ici, nous pouvons faire un parallèle avec les circuits de commercialisation courts pour les producteurs, qui impliquent l’internalisation des tâches de transformation et commercialisation autrement déléguées à des agents externes. Ainsi, en tant que chercheurs préoccupés par l’évolution du système alimentaire, nous pouvons nous demander si ces comportements entraînés par la pandémie se cristallisent dans de nouvelles pratiques qui conduisent à une nouvelle géographie de la production et de la consommation alimentaires, et s’ils facilitent la transition vers un système alimentaire alternatif. Il est clair qu’il n’y a pas de réponses concluantes, car les données que nous avons indiquent des directions différentes. D’une part, dans les grandes villes et les villes intermédiaires d’Argentine, les canaux d’achat des denrées alimentaires ont été modifiés en fonction des restrictions de circulation. Le rôle des grandes chaînes de supermarchés et de leurs fournisseurs établis a été rapidement affirmé. De plus, la baisse de la demande des établissements de préparation et vente de repas (restaurants, entre autres) a affecté les petites entreprises qui vendent des produits pour approvisionner ces canaux. Au contraire de ces tendances, certains marchés alternatifs qui relient la population urbaine à l’agriculture familiale ont connu un accroissement. Ainsi on constate le renforcement des circuits existants de distribution des paniers de légumes, et la profonde réorganisation des dispositifs basés sur la vente directe, comme les marchés de producteurs (qui ont été suspendus et transformés en livraisons à domicile). Tout cela a été rendu possible par l’utilisation intensive des technologies numériques de l’information et de la communication. C’est un phénomène qui a été aussi vérifié dans d’autres pays d’Amérique latine comme l’Équateur et le Brésil, et dans des pays centraux comme la France et le Royaume-Uni (IPES Food, 2020). Cette homogénéité attire l’attention, car parce qu’elle a eu lieu malgré les disparités qui existent entre les pays. L’augmentation des marchés alternatifs est causée par diverses motivations : certaines sont de type instrumental ; pour de nouveaux consommateurs l’achat est associé à l’aspect pratique, lié à la nécessité de réduire les déplacements et aussi le coût de ces articles. Dans d’autres cas il existe des motivations idéologiques et politiques, comme le soutien à certains secteurs. Vu du côté de l’offre, on ne trouve pas seulement l’intention de profiter de la plus forte demande pour croître ; certains cas mentionnent également des dons alimentaires aux organisations communautaires (Castelli, 2020), générant et renforçant les liens avec des secteurs populaires. Quoi qu’il en soit, ces changements ont apporté d’autres : ils ont intégré un plus grand nombre de producteurs, de consommateurs et inclus d’autres produits à la distribution de paniers de légumes. Par exemple, dans le marché territorial de l’Université Nationale de Quilmes, qui compte déjà 95 nœuds de consommation, l’expansion de la demande à cause du confinement a conduit à la création de nouveaux nœuds et à incorporer des nouvelles organisations de producteurs (Interview, 2020). Cependant, nous ne pouvons pas ignorer que ces processus bénéficient davantage aux groupes de producteurs le plus organisés et proches des villes (en particulier les plus grandes) qui déjà utilisaient des technologies numériques pour la vente de leurs produits. L’information nous manque sur la situation de ceux qui n’ont pas été capables d’adapter leurs formes de vente aux restrictions imposées à la commercialisation. D’autre part, l’augmentation de la demande de paniers de légumes a mis en évidence les limites existantes dans les réseaux alternatifs (INTA, 2020), non seulement ceux de nature matérielle, mais aussi en termes de conditions des personnes dédiées à la logistique. Il y a en conséquence de fortes demandes de financement pour renforcer les infrastructures de production et de vente, l’accès à la connectivité numérique, ainsi qu’aux actions de formation pour faciliter l’utilisation de ces technologies. Avec un regard à moyen terme, il est important de noter que la croissance de ces canaux alternatifs d’approvisionnement alimentaire permet une plus grande visibilité pour l’agriculture familiale et les systèmes locaux d’approvisionnement alimentaire. Par conséquent, elle offre de nouvelles possibilités pour l’organisation du secteur en vue de la commercialisation et de son positionnement d’un point de vue politique en tant qu’acteur fondamental de la production pour le marché domestique, ce qui lui permet de renforcer sa présence à l’agenda des politiques publiques. D’un autre point de vue, la pandémie met au premier plan les actions nécessaires pour renforcer le lien entre les politiques de sécurité alimentaire et celles visées à l’agriculture familiale. Avant le début de la pandémie, le gouvernement qui a pris ses fonctions en décembre 2019 a lancé le Plan Argentine contre la faim (Plan Argentina contra el Hambre), qui comprend la livraison d’une carte de crédit aux ménages pauvres et aux travailleurs informels pour effectuer des achats de nourriture (Tarjeta Alimentar = carte alimentaire). Dans les premières étapes du plan, un effort a été fait pour stimuler des modes de consommation plus sains grâce à des conférences données par des nutritionnistes, ainsi que pour canaliser cette demande vers l’économie populaire par l’installation de marchés à côté des lieux de livraison des cartes. Il s’agissait d’un effort visant à unir les deux points de la chaîne (producteurs et consommateurs) qui, en raison du confinement, ne s’est pas concrétisé. Dans le même ordre d’idées, un canal d’approvisionnement pour les achats publics de denrées alimentaires provenant de l’agriculture familiale n’a pas encore été établi, comme il existe au Brésil. On a besoin de faciliter la gestion des contrats avec l’État et ses formes de paiement. Cela implique aussi la nécessité d’une plus grande formalisation des activités des organisations de producteurs familiaux, avec toutes les controverses que cela suscite. La croissance des initiatives dans les derniers temps ne doit pas nous faire oublier qu’elles sont encore des expériences limitées et qu’il y a une crise économique qui s’aggrave et qui a un fort impact sur les revenus de la population et aussi sur la consommation alimentaire. Les chaînes axées sur l’exportation, dans lesquelles le pays est un acteur important, sont également confrontées à une réduction de la demande internationale.(6) Cependant, cette production est soutenue et est comparativement moins affectée que les autres activités de l’économie. Par conséquent, elle restera comme base fondamentale pour la fourniture de devises, en particulier en raison du niveau d’endettement de l’Argentine. Il est alors nécessaire de revenir à la question mentionnée plus tôt : dans quelle mesure les processus générés par la pandémie conduisent-ils à une nouvelle géographie de la production et de la consommation alimentaires, et facilitent-ils la transition vers un système alimentaire alternatif ? En termes de la perspective des régimes sociotechniques (Spaargaren et al., 2012), les changements identifiés se produisent-ils dans le niveau des niches, ou on peut envisager des changements de régime, plus systémiques ? Bien que certaines lignes directrices commencent à apparaître en ce qui concerne la mise en valeur de l’agriculture familiale et la production de proximité, nous soutenons l’idée que dans des pays comme l’Argentine qui sont structurellement exportateurs de matières premières et denrées alimentaires, la tension entre le renforcement du secteur d’exportation et le soutien au secteur de la production alimentaire pour le marché intérieur sera exacerbée. Les politiques publiques sont alors essentielles pour empêcher l’expansion de cette agriculture d’exportation au détriment des actions visant à promouvoir la production et la consommation de proximité. Selon un rapport récent, l’une des nombreuses leçons données par la pandémie est l’importance de raccourcir les chaînes agroalimentaires et de renforcer les marchés locaux qui assurent l’accès à des biens fondamentaux comme la nourriture et offrent l’opportunité pour une production alimentaire plus saine et accessible pour la population et la création d’emplois plus résilients (Nations Unies, 2020). Aussi, elle a mis au premier plan le besoin d’activer des « ceintures vertes » à côté des villes, qui parfois n’existent pas ou ont disparus. Il est important de penser à ces systèmes alimentaires territoriaux dans des périmètres qui ne sont pas directement calqués sur les juridictions administratives. La pandémie est l’occasion de repenser ces aspects, et de mettre en avant de nouvelles modalités de gouvernance. Télécharger cet éclairage (1) Diplôme en Sociologie de l’Université de Buenos Aires (UBA), Master en Sciences Sociales avec mention en Etudes Agricoles de la Faculté Latino-américaine de Sciences Sociales (FLACSO), Doctorat en Géographie, Université de Buenos Aires (UBA). Chercheure au Conseil National de la Recherche Scientifique et Technique (CONICET) au Centre d’Etudes de Sociologie du Travail, Université de Buenos Aires (CESOT-UBA). Courrier électronique : ccraviotti@yahoo.com (2) Compte tenu de la probabilité de l’aggravation de la situation sociale, en particulier de la population vulnérable, le gouvernement national a mis en œuvre un certain nombre de politiques, y compris le renforcement de l’aide alimentaire directe, la mise en place d’un « revenu familial d’urgence » qui concerne actuellement neuf millions de travailleurs informels et en chômage, le personnel domestique et les travailleurs indépendants à faible revenu, ainsi que des aides partielles aux entreprises pour payer les salaires de leurs travailleurs. Toutes les mesures représentent environ 5 % du PIB (Manzanelli et al, 2020). (3) Selon les données du recensement de la population de 2010, près de 23 % de la population urbaine réside dans des quartiers vulnérables, avec une forte concentration de privations. (Argentine, 2016) (4) https://www.argentina.gob.ar/coronavirus/protocolos (5) Selon la FAO, pendant mars et avril 2020, neuf des onze pays d’Amérique Latine ont montré un taux mensuel d’inflation dans l’alimentation au-dessus des valeurs moyennes, principalement l’Argentine, la Colombie, le Guatemala, le Pérou et l’Uruguay. (6) L’OMC estime une baisse du commerce international entre 13 % et 32 % pour cette année (Manzanelli et al. ,2020)

  • Call for papers | Gouvernance des standards de durabilité dans les filières agri/agroalimentaires

    Mélise Dantas Machado Bouroullec (INRAE - INP - Ecole d'Ingénieurs de Purpan), membre du RMT Alimentation locale, participe à la coordination d'un numéro spécial de la revue SAFS (Systèmes Alimentaires/Food Systems) pour lequel nous vous transmettons cet appel à communication. Ce numéro spécial de la revue SAFS sera consacré à la gouvernance des standards de durabilité dans les filières agricoles et agroalimentaires. L’objectif de l’appel à communication est de fournir un état de la recherche sur la question de la gouvernance des normes de durabilité agroalimentaire et agricole, avec un accent particulier sur : les cas d’étude, les comparatifs entres pays et régions, les phases de la mise en place des normes de durabilité, les approches théoriques de la gouvernance multiniveau, les impacts positifs et/ou négatifs sur les parties prenantes des filières agroalimentaires, les nouveaux rôles des organismes de certification, ainsi que le rôle des normes de durabilité dans l’accès aux marchés, la crédibilité et le signalement des normes au niveau des consommateurs. Les méthodologies, expériences et cas d’études avant-gardistes sont concernés, qu’ils soient mises en places par des groupes de consommateurs, groupes de producteurs ou des institutions alternatives. Télécharger l'appel à communication scientifique

  • Bulletin de partage 5 - La mise en avant des politiques territoriales

    les acteurs convergent pour estimer que les politiques territoriales, depuis les micro-décisions des maires jusqu’aux stratégies concertées, ont un poids déterminant dans la juste réponse à la crise. Mais ils soulignent aussi qu’un cadre national favorable est requis. La presse a largement couvert les initiatives nées de la crise. Au sortir du confinement, elle souligne les relations originales qui se sont instituées. Ainsi, le 27 mai, l'édition de Rennes de Ouest France donne la parole à des restaurateurs qui se sont improvisés distributeurs de produits locaux et souhaitent continuer : “autre initiative qui a survécu au confinement : la distribution de paniers de produits locaux par six restaurateurs rennais. « Nous avons lancé ce projet pour faire travailler les producteurs du coin, qui étaient dans une situation difficile, explique Sybille Sellam, du restaurant Le Bercail. Nous avons eu un super accueil, les gens étaient très contents de retrouver ces produits. ». Pendant le confinement, les restaurateurs ont écoulé jusqu’à 160 paniers par semaine. Là aussi, la demande a baissé la semaine dernière, mais il y a toujours des clients. « Il est encore un peu tôt pour savoir si les gens ont vraiment pris de nouvelles habitudes, mais on y croit », ajoute Sybille Selam. Au Bercail, Sybille Sellam et Grégoire Foucher ne se sont pas contentés de la distribution de paniers : ils ont transformé leur restaurant en épicerie de produits locaux, ouverte du mardi au samedi, de 10 à 19 h. Ils proposent également des plats à emporter, préparés au barbecue, le mercredi, jeudi et vendredi midi, à l’Eclozr, sur l’ancien site de la CCI Bretagne. Et ils comptent bien continuer. « Nous n’allons pas rouvrir le restaurant le 2 juin, car on veut que ce soit convivial et on ne souhaite pas faire la police entre les clients inquiets et les autres, explique Sybille Sellam. Et finalement, l’épicerie locale nous amuse beaucoup, c’est un nouveau métier : depuis le début du confinement, on a acheté et débité trois cochons entiers ! On apprend et tant que cela sera possible, avec les aides de l’État, on continuera. » Dans cette même édition, Ouest France titre “les producteurs locaux rennais sont en train de se structurer en association et négocient avec la chambre d’agriculture pour continuer d’avoir accès à son parking, où se font les distributions”, se référant à un drive lancé pendant la crise. Concernant les institutions, des consommateurs ont pris conscience de l’importance des décisions locales, tel ce consommateur de l’Indre qui remarque le 11 mai : “les mesures mises en place par la mairie sur le marché (barrières, présence de la gendarmerie, restriction du nombre de stands alors qu'il y avait la place pour organiser deux marchés et avoir donc tous les producteurs habituels), a fait visiblement diminuer le nombre de clients. certains producteurs témoignaient qu'ils n'avaient jamais aussi peu vendu sur le marché de [...] alors que dans le même temps des marchés "secondaires" [...], voyaient leur chiffre d'affaires augmenter.” Ces transferts entre marchés ont également été notés en région rennaise, où un chargé de mission a enregistré que certains producteurs qui n’avaient plus de place dans les marchés de la ville centre se sont tournés vers les marchés des villes de la périphérie, qu’ils ont dynamisés. Une enquête auprès des élus de Rennes Métropole (rapport intermédiaire de Morgane Avenel, le 26 mai) montre la diversité des réactions sur les enseignements à tirer de la crise : pour les uns c’est “changement de cap, non !” ou “je n'imagine pas qu'il y ait une rupture avant après [sur ma commune]” ; pour d’autres, elle demande de “s'engager à être plus responsable dans notre façon de consommer”, voire de “ profiter de ce coronavirus pour faire un virage à 180°, pour retrouver une « souveraineté alimentaire »”. Une crainte fait l’unanimité “c’est que la crise économique qu’on va traverser va faire exploser la demande [d'aide alimentaire]”. Dans tous les cas, l’heure est au bilan et aux leçons à tirer, comme l’écrit un conseiller municipal de Grabels, commune d’Occitanie située en zone urbaine (19 mai), à propos du maintien du marché pendant la crise : “Il faudra deux samedis avant de trouver les bons repères. Aucune expérience acquise [préalablement], aucuns repères. Répartir les exposants en fonctions de leur volume de transaction, assurer les distanciations sanitaires, assurer la fluidité du passage, éviter les concentrations, mettre l'ensemble des informations à jour, formaliser les consignes, apporter une aide pour la logistique. Une multitude de détails à imaginer dans l'urgence.” Encouragés par la place qu’ils ont trouvée dans la réaction face à l’épidémie, les collectivités revendiquent un rôle dans les décisions. Le monde publie le 11 juin que “ les élus locaux plaident pour une relance territorialisée. Les collectivités veulent prendre leur part d'une redéfinition des priorités en matière de politique industrielle et de transition énergétique.” A l’échelle nationale, des corpus de propositions politiques intègrent l’alimentation, ainsi ce plan de sortie de crise co-signé par ONG, associations et organisations syndicales qui appelle une mesure très ambitieuse qui était en débat antérieurement (c’est nous qui soulignons) “ Mesure 16 : Pour l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous. Dans une situation d’urgence comme celle-ci, les restaurations collectives qui ne tournent pas à plein régime doivent être réquisitionnées pour la préparation de repas à destination de toutes les personnes en situation de précarité alimentaire. Face à une dualisation entre des produits de qualité, locaux et bios accessibles à une fraction aisée de la population, et une nourriture industrielle, standardisée, de mauvaise qualité nutritionnelle pour les populations à faible pouvoir d’achat, dont une majorité de femmes, la création d’une branche alimentation dans le régime général de la sécurité sociale, telle qu’elle a été pensée en 1945, doit être explorée.” Les chambres d’agriculture affichent une nouvelle priorité : rebâtir la souveraineté alimentaire, qui reprend le terme “souveraineté alimentaire” du manifeste publié par la FNSEA, traditionnellement mis en avant par la Confédération Paysanne. France 3 Auvergne Rhône Alpes note le 5 juin que “les chambres d'Agriculture espèrent bien capitaliser sur cette prise de conscience et proposent une série de mesures pour sortir de la crise et retrouver cette fameuse souveraineté alimentaire.” Le Ministère de l’Agriculture affirme le 5 juin sur son site que “Sur les territoires où il existe un Projet Alimentaire Territorial (PAT), des mesures ont pu être mises en place rapidement, s'appuyant sur un dispositif déjà existant et la grande réactivité des acteurs locaux. le PAT constitue un réseau d’acteurs de la chaîne alimentaire, qui se connaissent et ont pu lier des relations de confiance, parfois de longue date ; le PAT apporte une bonne connaissance du contexte local de la production agricole et alimentaire et du bassin de consommation (diagnostic à la base de la mise en place de tout PAT) ; le porteur du PAT joue le rôle d’animation des acteurs du territoire, ce qui a pu permettre d’articuler et de coordonner les actions à mettre en place en urgence ; des outils, notamment numériques, sont le plus souvent déjà en place pour communiquer, pour répondre aux besoins des consommateurs qui souhaitent avoir plus de visibilité sur les produits locaux disponibles et leurs lieux d’achats.” Un agent territorial d’Isère abonde dans ce sens en avançant le 2 mai que “dans la Métropole et ses territoires voisins, les démarches engagées, comme le Projet Alimentaire inter Territorial (PAiT) ou le Pôle Agroalimentaire à l’échelle iséroise (en partenariat avec le Département et d'autres EPCI isérois ainsi que les consulaires et les acteurs socio-économiques de l'alimentation) ont permis de se réorganiser très vite, probablement plus qu’ailleurs.” Il précise les champs d’action : “Un accompagnement des producteurs locaux pour éviter la perte de leurs productions et trouver des débouchés de substitution ; L’organisation de circuits de proximité et mise à disposition de lieux sécurisés de stockage ou d’échanges ; Le soutien aux publics précaires ou fragilisés ; Le soutien aux initiatives d’acteurs locaux ; Des actions de communications et de sensibilisation”. Cette perspective est reprise dans le rapport sénatorial précédemment cité (extrait du rapport “ VERS UNE ALIMENTATION DURABLE : UN ENJEU SANITAIRE, SOCIAL, TERRITORIAL ET ENVIRONNEMENTAL MAJEUR POUR LA FRANCE “ Délégation à la prospective du Sénat Rapport d’information de Mme Françoise Cartron, sénatrice de Gironde, et M. Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère.(28 mai) : “3. Soutenir et encourager les projets alimentaires et agricoles de territoire afin d’accroître la part des approvisionnements locaux dans la consommation régulière, en générant ainsi un développement territorial positif, une qualité optimale des produits et un renforcement de la confiance de tous les acteurs (exemple des AMAP)”. Les deux auteurs la situent cependant dans une optique qui dépasse la réponse à une crise : “20. Mettre en oeuvre un portage politique plus ambitieux de la transition alimentaire par les pouvoirs publics. Cette transition doit devenir une des priorités stratégiques affichée de l’État pour atteindre ses objectifs de santé publique et d’environnement.”. Trois mois après la déclaration de confinement, nous avons observé une multiplication de croisements inédits entre les acteurs locaux : entre maires et groupements d’achats, entre producteurs et commerçants de centre ville, entre restaurateurs et pouvoirs publics, entre services de l’action sociale et cantines scolaires. Les indices sont suffisamment nombreux pour penser que certaines de ces nouvelles relations auront des effets prolongés dans le nouveau contexte. La hiérarchie des priorités aura été bousculée pour certains, par exemple concernant la responsabilité locale sur les marchés ou les possibilités d’usages multifonctionnels des cantines, y compris pour l’aide alimentaire. La germination de toutes ces graines plantées dépendra d’un cadre général, qui a finalement peu bougé, les organisations nationales s’étant pour la plupart attachées à présenter la crise et ses effets comme une confirmation de l’opportunité de leurs propositions antérieures. Présentation du bulletin n°5 Article précédent : Face aux détresses alimentaires, la solidarité continue et le temps du bilan approche

  • Bulletin de partage 5 - Face aux détresses alimentaires, la solidarité continue et le temps du bilan

    La détresse alimentaire reste la toile de fond de cette dernière période, même si les retours d’enquête proposent plutôt à voir des actions concrètes de solidarité et de partage. Quelques éléments de bilan et de proposition émergent. La fragilisation alimentaire des populations qui s’en sortaient tout juste avant la crise se confirme. Ce constat ne ressort pas directement de notre enquête cette-fois ci mais des résultats de premiers travaux de recherche: “La précarisation alimentaire se manifeste à première vue par l’augmentation du nombre de personnes qui ont recours à l’aide alimentaire. (...) Mais le recours à l’aide alimentaire est la partie émergée d’un iceberg. Une partie de la population qui bouclait ses fins de mois difficilement mais ne bénéficiait pas d’aide spécifique ou d’une aide discrète (ex. tarif réduit à la cantine) se retrouve en plus grande difficulté. Mais elle n’a pas l’habitude ou ne veut pas recourir à des aides par honte ou car elle s’estime moins dans le besoin que d’autres. Une partie des personnes en précarité alimentaire sont donc hors des radars sociaux” (Nicolas Bricas et al., Premiers résultats d’enquêtes sur les solidarités alimentaires avec les populations précarisées par la crise du Covid-19, mai 2020, https://www.rmt-alimentation-locale.org/eclairages). La presse s’en fait aussi l’écho: “En l’absence de cantine scolaire, la « fracture alimentaire » redoutée La précarité gagne du terrain chez les familles modestes” (Le Monde, Mattea Battaglia, 26 mai 2020). Cette situation n’est pas propre à la France : “Les organisations caritatives opérant dans le domaine de l'alimentation dans de nombreux pays riches ont vu une forte augmentation de la demande de nourriture et d'autres besoins de base. C'est le cas aux États-Unis, où des voitures forment des files d'attente de plusieurs kilomètres devant les locaux des banques alimentaires, au Royaume-Uni, où cette augmentation survient après des années de hausse progressive de la fréquentation des banques alimentaires, au Canada et en Italie, où des réseaux solides d'organisations caritatives étaient en place depuis des décennies. (...) En Italie, l'approvisionnement en denrées alimentaires à des fins caritatives est mis à rude épreuve pour la deuxième fois en moins de dix ans (la précédente fois étant le ralentissement économique et l'austérité de 2011-2013). Aujourd'hui comme hier, Caritas [1] est sur la ligne de front de l'urgence en Italie depuis les premiers jours de la pandémie et a mené une enquête visant à comprendre comment ses agences locales faisaient face à COVID-19. Les résultats préliminaires de l'enquête montrent un doublement du nombre de personnes qui se tournent pour la première fois vers les centres de conseil de Caritas (Centri di Ascolto, NDA), soit une augmentation de 114 % par rapport à l'année dernière” (traduit de Sabrina Arcuri, How has COVID-19 affected food poverty? Challenges and perspectives, 20 mai 2020). La fin du confinement pourrait accélérer ce triptyque appauvrissement économique/détresse alimentaire/ recours à l’aide alimentaire : “Je suis plus regardante sur les prix que les semaines précédentes, car mes revenus ont baissé, et nous sommes deux fois plus nombreux à la maison (par rapport à avant le confinement)” (#584 consommatrice 30133, 20 mai). “Les enjeux pour la suite sont importants et le manque de revenus des familles précaires laisse de lourdes traces sociales. Tout le travail effectué depuis dix ans sur l’accompagnement au changement des pratiques alimentaires a volé en éclat face à la réalité du retour de la faim ou de la peur d’avoir faim. La démocratie alimentaire soutenant l’appropriation par les populations, des systèmes alimentaires dont ils ont besoin, est plus que nécessaire. Mais cet épisode de mise en place d’une aide humanitaire risque d’engager des réponses assignant les populations à petits budgets à n’accéder à l’alimentation que sous cette seule forme (l’aide alimentaire). Le dispositif d’aide alimentaire existant depuis 1985 [2] a déjà largement creusé ce sillon. Et le paradoxe se durcit entre la population qui s’est saisie des circuits courts pour s’alimenter et celle qui va continuer à dépendre de cette aide humanitaire” (Dominique Paturel, De l’aide alimentaire à l’aide humanitaire, récit d’un dérapage social, mai 2020). Selon Anne Lambert et al., ,Comment voisine-t-on dans la France confinée ?, Population & Sociétés Numéro 578, juin 2020: “Tous âges réunis, les revenus du ménage ont diminué pour 55 % des artisans et commerçants, 40 % des ouvriers, 31 % des employés, 23 % des professions intermédiaires, 20 % des cadres et chefs d’entreprise”. Les actions de solidarités perdurent tout au long de cette période de déconfinement progressif. Les retours de cette période concernent les personnes fragiles, mais aussi les professionnels, agriculteurs et commerçants, touchés par la crise. Les réseaux déjà constitués proposent leur aide : “Nous avons monté un projet nommé D.A.L.E (Distribution Alimentaire Locale et Eco-Solidaire) dont les objectifs étaient de fournir des bénévoles aux agriculteurs pour assurer leurs productions, mettre en place un réseau de vente sur Montpellier et Sète dont les bénéfices serviraient à donner des légumes frais à des réseaux de distributions encore en place, à des familles et certains squats. Ces produits étant majoritairement d’origine biologique (labellisé ou non donc naturelle). Le projet commença la troisième semaine du confinement et dura 8 semaines. Nous avons mobilisé une quarantaine de personnes chez des agriculteurs, fournis des paniers pour 80 familles différentes (environ 20 chaque semaines), vendus et acheté pour 20 000 euros et donner environ 8000 euros de produits.” membre de l’association “la cinquième Saison”, 34 000, 4 juin). Même lorsque ce n’est pas leur fonction première : “Durant toute la période de confinement, en plus des paniers pour nos adhérents, nous avons proposé, en lien avec nos producteurs, des paniers supplémentaires et solidaires que nos adhérents pouvaient commander et offrir à des voisins, des personnes malades…” (président d’AMAP, 54000, 13 mai) “Nous avons assuré un soutien à une associations, Artisans du Monde, en proposant à plusieurs reprises des commandes groupées auprès de nos adhérents. Cela pour permettre à cette structure de maintenir une activité et des ventes” (président d’AMAP 54000, 13 mai) Mais les réseaux ne sont pas les seuls à agir comme nous l’avons déjà observé. La solidarité peut naître de la rencontre entre des individus sans lien initiaux : “Lassées de se sentir inutiles, nous nous sommes rapprochées d’un maraîcher habitant à quelques kilomètres et nous sommes allées l’aider 3 matins par semaine environ, pendant 3 semaines. Jean est maraîcher depuis 10 ans dans le coin. Il devait accueillir un stagiaire mais le confinement l’a empêché. Seul à travailler sur plus d’un hectare au printemps, période intensive de plantation et de désherbage (surtout quand on est en bio), il était soulagé de récupérer 4 autres mains. En échange il nous a donné de nombreux légumes, de sorte que nous avons pu manger entièrement local et bio à certains repas ! Nous en étions très fières !” (femme, 86000, 7 juin). “Je produis l'essentiel de nos fruits et légumes, et même certaines légumineuses dans mon jardin. Le confinement a été compliqué car pendant 2 semaines nous ne pouvions pas nous rendre au jardin qui est situé à près de 2km de notre domicile. Une autorisation spécifique aux jardiniers puis le déconfinement ont permis de reprendre un rythme de jardinage normal. Par rapport au Covid, la seule différence, c'est que j'ai prévu de mettre davantage de légumes en culture en prévision d'une éventuelle pénurie à l'automne, afin d'en donner à des amis et voisins qui pourraient se trouver dans le besoin. J'ai aussi produit davantage de plants de légumes, que j'ai donnés” (femme, 86000, 7 juin). Pendant la période considérée, évolution des règles concernant les aliments pouvant faire l’objet d’un don dans le cadre de l’aide alimentaire (Arr. 19 mai 2020, NOR : AGRG2012537A : JO, 23 mai ; Arr. 19 mai 2020, NOR : AGRG2012531A : JO, 23 mai ; Instr. techn. DGAL/SDSSA/2020-290, 19 mai 2020 : BO min. Agr. n°21/2020, 14 mai); évolution aussi dans le domaine de l'entrée en France et l'admission au travail des saisonniers agricoles et travailleurs détachés dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19 (Instr.n°6171/SG, 20 mai 2020 ). Comme dans chaque bulletin, l’action des communes dans le secteur des solidarités nous est également rapportée : A Grenoble par exemple: “Réouverture des cuisines centrales de plusieurs communes métropolitaines (Grenoble, Echirolles, Saint-Martin-d’Hères, Pont-de-Claix…) pour la confection et la distribution de repas aux précaires et démunis; Distribution de repas à domicile via les CCAS; Distribution de paniers de première nécessité via les CCAS avec le soutien de la Banque alimentaire; Ouverture de la plateforme du Pôle Agroalimentaire aux communes et CCAS pour leur approvisionnement et sourcing produits; Soutien à la banque alimentaire pour la récupération et la redistribution des invendus” agent collectivité, Grenoble, 20 mai). Remontent plus particulièrement des difficultés auxquelles ces communes ont été confrontées pour mettre en oeuvre leurs actions : Suite au recensement par les élus et les agents de 500 personnes âgées de plus de 70 ans, “On a constaté que les réseaux de solidarité (famille, voisins, amis) fonctionnaient très bien. Dès lors, nous avons mis les gens isolés en lien avec la superette qui pouvait assurer la livraison de courses. Nous téléphonons régulièrement à ceux qui sont vraiment seuls. En revanche, ce qui passe sous nos radars sont les jeunes potentiellement isolés ou en danger ». Il est compliqué pour les élus de repérer les situations de grande difficulté car ils n’ont pas de moyens d’identifier ces personnes (familles monoparentales, ou jeunes subissant des violences notamment)” (maire de commune bretonne, 22 avril). Dans un échange entre villes sur les conséquences de la crise, une chargée de mission déclare : “on s’est rendus compte que notre cantine dimensionnée pour 23 000 repas par jour a du mal à fonctionner quand il faut en faire 10 fois moins pour les besoins sociaux”. Une autre renchérit : “nous sommes en train de construire une nouvelle cuisine centrale, et envisageons d’inclure dans le programme le besoin de pouvoir y recourir pour la solidarité alimentaire en cas de nouvelle crise” (2 juin) Et après la crise ? Face à l’augmentation du nombre de personnes en détresse alimentaires, certains s’interrogent : “Ma grande crainte c’est que la crise économique qu’on va traverser va faire exploser la demande [d'aide alimentaire]... Si on reprend le cycle économie/argent et qu’on oublie le côté social, on repartira de plus belle et encore plus égoïstement qu’avant” (entretiens menés auprès des élus de Rennes Métropole par Morgane Avenel, rapport le 26 mai). Et certains proposent : -Par exemple, de “Définir un plan de lutte contre la dénutrition des personnes précaires et des personnes âgées, dont la part dans la population augmente fortement et qui sont très exposées à ce risque pour des raisons physiologiques, psychologiques ou sociologiques” (Extrait du rapport d’information présenté au Sénat, “Vers une alimentation durable : un enjeu sanitaire, social, territorial et environnemental majeur pour la France, par Mme Françoise Cartron, sénatrice de Gironde, et M. Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère, 28 mai). Ou de créer une sécurité sociale de l'alimentation (article de Dominique Paturel précité; voir aussi article publié le 21 mai 2020 sur Novethic). Ou de s’inspirer du “concept d'assurance alimentaire” selon lequel “Les marges effectués sur les produits grâce aux acheteurs servent à payer des dons. Cette idée peut être développée de plein de manières, dons, prix réduits sur les produits, prix indexés sur le coefficient familial, sur les revenus, etc. “ (membre de l’association “la cinquième Saison”, homme, 34000, 4 juin). Présentation du bulletin n°5 Article précédent : Les circuits courts de proximité, de nouveaux adeptes et des désillusions| Article suivant : La mise en avant des politiques territoriales

  • Bulletin de partage 5 -Les circuits courts de proximité, de nouveaux adeptes et des désillusions

    Les premières semaines de déconfinement, sources de beaucoup d’interrogations pour les acteurs des circuits courts de proximité, apportent quelques réponses et tendances. Les situations sont contrastées pour les agriculteurs, certains ayant pu réunir de nouveaux adeptes et d’autres connaissant des baisses importantes de ventes. Ces tendances restent à confirmer, “le vrai test sera en septembre”. Retour sur la période de confinement Le déconfinement est tout d’abord l’occasion de revenir sur la période de confinement pendant laquelle les circuits courts et notamment la vente directe ont été largement plébiscité. L’enquête d’Agrobio 35 auprès de 63 producteurs (soit 20% des agriculteurs bio en vente directe d’Ille et Vilaine, à venir dans la rubrique éclairage) indique, par exemple, que pour “57% des producteurs interrogés l’activité commerciale a augmenté avec une augmentation du chiffre d’affaires de 50% en moyenne”. Cet engouement, détaillé dans les précédents bulletin, ne doit pas faire oublier les producteurs en circuits courts pour qui cette crise a eu un impact négatif, ainsi, dans cette enquête, 25% des répondants indiquent avoir subi une baisse de leur chiffre d’affaires de 40% en moyenne. Les structures fragilisées par cette crise étant notamment celles avec des débouchés qui ont été stoppés, ou fortement limités, comme les marchés, la restauration collective ou la restauration commerciale mais aussi celles avec des productions de spécialité ou de niche peu diversifiées. Nous pouvons également souligné que cette période de confinement a généré de multiples difficultés pour les acteurs des circuits courts, à commencer par une surcharge de travail (pour la logistique et la commercialisation), pour les producteurs mais aussi les bénévoles et salariés de structures. Ainsi dans l’enquête d’Agrobio 35, 52% des producteurs interrogés ont connu une surcharge de travail à cause de la vente directe. Une autre difficulté, liée à des ventes en forte hausse, a été l’écoulement prématuré des stocks ce qui a généré la mise en place de limitation de commandes pour certaines structures qui ont par exemple mis en place des listes d’attentes : “jusqu’à 850 personnes” (salariée d’un système de panier, Bretagne, 10 juin). Enfin, certains producteurs ont connu des difficultés notables pendant le confinement. Il s’agit d’une part de producteurs de produits spécialisés ou “de niche” (escargots, cailles, plantes aromatiques). Ils n’étaient pas prioritaires sur les marchés et leur gamme restreinte ne générait pas de déplacements spécifiques “risqués”. D’autre part, les producteurs ayant un système de vente concentré sur les marchés ou la restauration collective ont dû organiser en urgence de nouveaux débouchés, ce qui prend un certain temps. Dans un cas comme dans l’autre, les ventes devraient reprendre avec le “retour à la normale”. Le déconfinement Après une période d’intense activité, les premières semaines de déconfinement laissent place à des ressentis contrastés entre joie de “consolider un noyau de nouveaux clients” (agricultrice en circuits courts) et déception de voir les ventes baisser chaque semaine. De manière générale, nous pouvons noter une baisse des ventes en circuits courts par rapport à la période du confinement, comme souligné dans les rubriques “approvisionnement” et “chaînes alimentaires”. Celle-ci est plus ou moins importante et permet quand même, le plus souvent, un niveau de vente supérieur à celui de l’année passée. Certains évoquent un “maintien des ventes entre 50 et 60% plus élevé qu’avant la crise” (agricultrice en circuits courts, Bretagne, 26 mai) alors que d’autres sont à “+ 5 à 10% par rapport à l’an passé” (magasin de producteurs, Bretagne, 10 juin). Ceci peut s’expliquer par différents paramètre, à commencer par “ les jours fériés et la possibilité de partir à nouveau de chez soi” mais cela reste difficile à expliquer alors que “l’offre est plus importante que pendant la période de confinement” (animatrice d’un système de panier, Ille et Vilaine, 10 juin). Cette baisse des ventes peut être une vraie désillusion pour certains comme le reflète le témoignage d’un maraîcher (page facebook La Ferme de Cagnolle, 30 mai) ayant connu une forte montée des ventes avec des produits “qui partaient comme des petits pains” et pour qui “après la fin du confinement, ça diminue encore et encore et on va bientôt retrouver le nombre de paniers qu’on vendait avant le confinement. Et ça, c’est vraiment dur pour nous, parce qu’on se galérait à vendre nos légumes et pendant un instant tout se passait bien et maintenant on revient à cette réalité de difficulté : un métier dans lequel c’est dur de produire et où il faut se battre pour pouvoir commercialiser dans un univers de compétition, de libre concurrence.” Ce constat est partagé par un producteur de volailles, d’oeufs et de légumes bio de la Côte d’Or : “on s'est bien rendu compte que après le déconfinement, les gens sont moins venus, constate Frédéric Ménager. En tout cas, chez nous, ceux qui viennent encore, ce sont ceux qui venaient déjà avant. Mais des nouveaux clients, on n’en a pas. Donc on est bien obligé de constater que les grandes surfaces sont reparties à fond et que les gens n’ont rien changé à leur mode de consommation.” (France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin, page facebook La ferme de la Ruchotte, 18 mai). Ces producteurs partagent leurs désarroi sur les réseaux sociaux et interpellent : “N'oublions pas de continuer à soutenir nos éleveurs et les producteurs locaux même après le confinement.” (gérant de magasin bio dans France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin et sur la page facebook Jardin bio du bois Ram’eau, 4 juin) Plusieurs acteurs engagés depuis longtemps dans les circuits courts s’attendaient cependant à cette baisse, comme l’illustre ce témoignage : “La vente de produits fermiers en circuits court comme toute autre vente de produits se construit dans la durée. Il faut donc construire sa clientèle tout en développant sa ferme. Penser que la crise actuelle va amener des clients à foison pour toujours est un raccourci qui mène à la désillusion. Par contre les fermiers qui travaillent depuis longtemps en circuits courts ont senti une accélération qui a de fortes chances d’être pérenne pour eux, leur modèle étant opérationnel. C’est un choix stratégique. Néanmoins il y a un début à tout et c’est peut être le moment de se lancer ou tester par exemple sur 5 ou 10 % de son activité” (entrepreneur, 9 juin). Béatrice Rozé indique ainsi dans Ouest France que “les anciennes habitudes reviennent vite. Deux mois, ce n’est pas suffisant pour créer véritablement un nouveau mode de consommation.” (Ouest France, 27 mai). Selon elle, et d’autres témoignages notamment dans la presse, "le vrai test, ce sera en septembre, une fois les vacances terminées.” Ainsi, un témoignage suggère que cette tendance du local était liée au confinement et n’a pas généré d’habitudes assez fortes : “Plus personnellement, mes voisins ont fait appel à moi pour avoir des légumes frais. Ça m'a permis de mieux les connaître. Ils étaient très contents, mais ils ne se sont pas abonnés par la suite. En général je dirais que les gens se sont plus tournés vers le local pendant le confinement.” (animateur, Rhône-Alpes, 1 juin) Certains se réjouissent tout de même car malgré le fait “qu’avec la sortie du confinement, les consommateurs qui cherchaient de la tomate en avril ont retrouvé leurs habitudes dans la grande distribution.” “beaucoup d’entre eux sont restés”, se réjouissent, Damien Pouder et Steven Pennec.” (respectivement maraîcher et bénévole animateur de la plateforme Mangeons-local.bzh) (Le Télégramme, 10 juin). Pour ceux-ci, la crise a renforcé l’envie d’essaimer, comme l’explique Damien Pouder dans ce même article : “«Il faut favoriser les nouvelles installations, martèle le jeune producteur. Moi, je n’ai pas la volonté de produire plus. J’ai trouvé mon équilibre ». Il ouvre sa porte aux porteurs de projets pour partager son expérience.” Ce tassement des ventes peut aussi être une sorte de soulagement pour des producteurs très sollicités “on a été énormément sollicité pendant 3 mois. Aujourd’hui, on est toujours sur un rythme soutenu. Sur internet, on a multiplié nos ventes par 7 en moyenne. Je ne vais pas dire qu’on était proche du burn out. Mais on est crevé !” (maraîcher, Bourgogne dans France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin). Pour ce maraîcher, les ventes ont “légèrement baissé” mais rien d’inquiétant, “ce sont notamment quelques clients qui ont repris leur activité et pour lesquels les horaires ne correspondent plus forcément pour venir chercher des légumes à la ferme. “ Dans certain cas, les ventes ont même pu se maintenir : “selon notre principal maraîcher, il n'y a pas eu de baisse des ventes. Par ailleurs, le fait pour les consommateurs de venir chercher les produits à la ferme a été bien apprécié par les uns et les autres ; cela a permis aux consommateurs de s'intéresser davantage aux conditions de production ; en somme, un rapprochement humain. Fidélisation accrue ?” (consommateur, Jura, 3 juin). “Les ventes en boutique n’ont pas baissé. On est satisfait !” (éleveuse de boeuf, Nièvre, France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin ) Certains clients, fidèles, soulignent ainsi l’importance de ces circuits : “la filière courte est la seule qui puisse nous éviter l’effondrement, revenir aux nécessités vitales, agriculture de type familial et de qualité, en finir avec les usines agroalimentaires, revaloriser la transformation artisanale, petites unités dispersées sur tous les territoires, proches des consommateurs, moins d’invendus, de transports, plus d’emplois, moins de crises, plus d’économie locale, et d’autonomie politique et citoyenne, stop à la mondialisation” (consommatrice, Ille et Vilaine, 20 mai) Les initiatives La période du confinement a vu naître énormément d’initiatives portées par les acteurs des circuits courts détaillées dans les précédents bulletin. La question se pose aujourd’hui du maintien de celles-ci. Des témoignages nous indiquent que certaines vont se maintenir, voire prendre de l’ampleur, ce qui pourrait permettre d’attirer les clients à la rentrée : “les producteurs locaux rennais sont en train de se structurer en association et négocient avec la chambre d’agriculture pour continuer d’avoir accès à son parking, où se font les distributions.” (Ouest France, 27 mai) “création d’un distributeur à l’extérieur qui permet au client de venir quand il le souhaite” (producteur, Drôme, 11 mai) Certains ont par ailleurs prévue des actions pour septembre : “nous avions un plan de communication prévu pendant le confinement que nous avons décalé à la rentrée pour expliquer notre démarche de magasin de producteurs et faire revenir les clients.” (producteur, Ille et Vilaine, 10 juin) Présentation du bulletin n°5 Article précédent : La lente reprise des chaînes alimentaires et un premier bilan | Article suivant : Face aux détresses alimentaires, la solidarité continue et le temps du bilan approche

  • Bulletin de partage 5 - La lente reprise des chaînes alimentaires et un premier bilan

    Le déconfinement ne se traduit pas par une reprise immédiate des chaînes alimentaires, en particulier pour la restauration hors domicile. Agriculteurs et intermédiaires de la transformation rencontrent toujours des difficultés. Plusieurs témoignages ou communiqués dressent un premier bilan de cette période de confinement, avec chez les producteurs, des incertitudes pour la suite ou une amertume face au revirement rapide des pratiques d’approvisionnement de certains consommateurs. Du côté des agriculteurs, la sortie du confinement a des effets contrastés. Pour ceux engagés dans des filières longues, peu de changements sont à signaler et l’hétérogénéité des situations persiste (Chambres d’Agriculture France, 26 mai 2020). Certains producteurs continuent de traverser cette crise sans trop de difficultés (grandes cultures céréalières, volaille) tandis que d’autres font toujours face à des débouchés fermés et à des prix bas (cultures industrielles de pomme de terre et de betterave, bovins lait ou viande). La situation est particulièrement tendue pour les filières horticoles, viticoles, et les producteurs de fromages AOP. Les évolutions sont plus marquées pour les agriculteurs historiquement impliqués dans des circuits courts ou pour ceux ayant récemment développé ces moyens de commercialisation en réponse à la crise. Malgré leur réouverture, les marchés sont toujours soumis à des mesures de distanciation sociale. Certains témoignages insistent sur le manque d’affluence, et incriminent des mesures jugées décourageantes : “Les mesures sanitaires sont draconiennes, il y a des barrières pour guider les gens, un sens de circulation d’un stand à l’autre. On sera forcé de parcourir 700 mètres, les petits vieux ne pourront pas.” (agricultrice, Occitanie, Reporterre 22 mai) De nombreux producteurs évoquent des ventes en diminution par rapport à la période de confinement et partagent leur ressenti, entre déception et compréhension voire soulagement : « L’activité a été bonne pendant tout le confinement, fait le bilan Mikaël Auffret. Avec une belle augmentation des ventes, notamment pour les drives fermiers », le mode de vente qui a le plus profité du confinement. Mais aujourd’hui, après avoir discuté avec d’autres collectifs de producteurs locaux, Mikaël Auffret confirme une baisse des ventes depuis la fin du confinement. « Les gens venaient plus chez nous par peur d’aller dans les supermarchés, prenaient aussi le temps de cuisiner », analyse le producteur. Aujourd’hui, un retour aux habitudes de consommation d’avant se dessine. « Quelques nouveaux clients, qui nous avaient rejoints pendant le confinement, sont toujours là, nuance tout de même le producteur, qui reste sur des ventes supérieures à celles d’avant la crise. » Mikaël, qui espérait un éveil des consciences sur la nécessité de revoir nos circuits d’alimentation, lance un appel aux consommateurs : « Les gens étaient contents de trouver les producteurs locaux pendant la crise sanitaire, il ne faudrait pas qu’ils nous oublient une fois celle-ci passée. On a encore besoin d’eux. » (producteurs de fruits, Bretagne, Ouest France 28 mai) “Le nombre de paniers, qu’on essaye quand même de développer depuis deux ans, a été multiplié par deux et demie en trois semaines, pour atteindre le pic sur la deuxième / troisième semaine de confinement [...] Et puis après on a senti qu’on rentrait dans une sorte de normalité de confinement et on a vu nos paniers diminuer. Et là vraiment, après la fin du confinement, ça diminue encore et encore et on va bientôt retrouver le niveau de paniers qu’on avait avant le confinement. Et ça c’est vraiment dur pour nous.” (maraîcher, Nouvelle-Aquitaine, témoignage vidéo posté sur Facebook le 30 mai) « On s'est bien rendu compte que après le déconfinement, les gens sont moins venus, constate Frédéric Ménager. En tout cas, chez nous, ceux qui viennent encore, ce sont ceux qui venaient déjà avant. Mais des nouveaux clients, on n’en a pas. Donc on est bien obligé de constater que les grandes surfaces sont reparties à fond et que les gens n’ont rien changé à leur mode de consommation. » (producteur de volailles, oeufs et légumes, France 3 Bourgogne-France-Comté, 5 juin) “Dans la Bresse, à Branges, Alexandre Cauchy est maraîcher. S’il constate un très léger tassement de ses ventes, il l’accueille presque avec soulagement. « On a été énormément sollicité pendant 3 mois. Aujourd’hui, on est toujours sur un rythme soutenu. Sur internet, on a multiplié nos ventes par 7 en moyenne. Je ne vais pas dire qu’on était proche du burn out. Mais on est crevé ! » avoue Alexandre Cauchy.” (France 3 Bourgogne-France-Comté, 5 juin) “Pendant le confinement, la demande d’œufs a explosé, il n'arrivait pas à fournir. Il fournit principalement des supérettes et commerces de proximité, il est passé d'une livraison à deux livraisons par semaine. Il livrait le mardi, le jeudi il n'y avait plus d'oeufs dans les rayons. Du coup, il s'est dépanné avec un collègue producteur d'oeufs également qui vendait surtout à des restaurateurs, pour pallier à la pénurie d'oeufs. Il a acheté 250 poules supplémentaires pour pouvoir fournir la demande. Et depuis le déconfinement, c'est la chute libre de la demande, il se retrouve avec trop d'oeufs. Les ventes restent au-dessus de celles d'avant le confinement, mais il ne pensait pas que ce baisserait autant, il est déçu. Il exprime le sentiment d'avoir servi de "roue de secours" pendant le confinement. Ses débouchés en crêperie reprennent doucement mais ça reste très peu par rapport à avant le confinement. A noter qu'il avait arrêté son débouché en maison de retraite pendant le confinement, de peur d'amener un virus, il attend peu encore avant de pouvoir reprendre ses livraisons.” (agent de collectivité, Bretagne, 9 juin) Avec le recul, certaines conséquences de la période de confinement sur les chaînes alimentaires ont également pu être documentées. Les entreprises agroalimentaires, en particulier les TPE et PME, ont par exemple été fortement touchées, avec une perte de chiffre d’affaires de 22 % en moyenne selon le baromètre ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires, 12 mai). Un témoignage nous est remonté sur les incertitudes auxquelles font face les petites entreprises de l’alimentaire : “J'ai un projet de boulangerie bio et locale, freiné par le confinement. Je me pose beaucoup la question de l'impact de la crise économique qui vient sur mon projet : les banques seront-elles plus réticentes (priorisant l'aide à l'existant) ou au contraire plus enclins à soutenir ce type de projet (besoin de 1ere nécessité, demande croissante en produits locaux, ...). Questionnement sur comment faire pour transformer les faillites (malheureusement probables) de restaurants et commerces en offres de produits bio, locaux et écologiques ? Plus largement hors crise covid, on manque cruellement de filières locales et indépendantes pour les céréales : il manque des petits moulins coopératifs, intermédiaires entre paysans meuniers (qui n'ont pas forcément les moyens de faire des farines de qualité maîtrisée comme un moulin) et les meuneries industrielles des grands gros multinationaux.” (entrepreneuse, Centre-Val-de-Loire, 2 juin) Selon une enquête de l’Agence Bio, la consommation de produits issus de l’agriculture biologique a quant à elle augmenté pendant le confinement, en particulier chez les ménages les plus modestes (Agence Bio, 9 juin). Enfin, le retour des travailleurs saisonniers étrangers permet de relancer l’activité dans les exploitations y faisant appel. L’opération de mobilisation des travailleurs en chômage partiel pour les travaux agricoles est le plus souvent présentée comme un échec : “Ils étaient d’ailleurs 300 000 à avoir répondu à l’appel des champs. Quelques semaines plus tard, il n’en reste que 45 000 selon le quotidien L’Opinion, 5000 selon Les Echos. Bien moins que les 150 000 nécessaires en juillet/août.” (France Inter, Histoires Économiques, 20 mai). “Chez Alexandre Tourette, seulement 3 cueilleurs français sont restés dans ses champs, alors que 15 cueilleurs espagnols en provenance d'Alicante sont arrivés cette semaine en renfort. « Sincèrement, on a tout fait cette année pour recruter localement, on a laissé la chance aux travailleurs français, sans succès. C'est trop pénible, trop physique. On a perdu du temps à les former, et on a eu une perte de récolte » souffle le producteur.” (La Provence, 25 mai) Présentation du bulletin n°5 Article précédent : Approvisionnement : des pratiques renforcées ou nouvelles, parfois difficiles à conserver | Article suivant : Les circuits courts de proximité, de nouveaux adeptes et des désillusions

  • Bulletin de partage 5 - Approvisionnement : de nouvelles habitudes parfois difficiles à conserver

    A l’heure du déconfinement, c’est l’occasion de dresser un bilan et de nombreux consommateurs confirment leur intérêt pour les produits locaux et les circuits courts. Si certains arrivent à conserver ces modes d’achat, d’autres se disent contraints de revenir à leurs pratiques d’avant.. mais pas tout à fait comme avant. En matière d’approvisionnement, là aussi, l’heure est au bilan : comment a-t-on fait ses courses pendant le confinement ? « Comme d’habitude », réaffirment certains : « Nous nous sommes approvisionnés de la même façon que d'habitude : marché (en grande partie bio, resté ouvert), Biocoop, paysans locaux et un petit supermarché pour ce que nous ne trouvons pas ailleurs ou qui est trop cher pour notre budget en bio. Ce qui a changé c'est que nous avions plus de temps pour cuisiner, donc nous avons encore mieux mangé que d'habitude ! » (consommatrice, Ile-et-Vilaine, 17 mai) « Habitant en milieu rural isolé sur une commune qui possède une épicerie associative de produits bio et locaux, cela n'a rien changé à mes habitudes. » (consommateur, Côtes d’Armor, 22 mai). Ces achats se sont même renforcés ou élargis pour beaucoup de consommateurs déjà inscrits dans ces modes d’achat : « plus de cuisine maison, du bio et du local au maximum » (consommatrice, Marseille, 23 mai) ; « j'ai voulu soutenir un magasin de vrac où je vais d'habitude acheter mes shampoings etc., le soutenir et aussi aller plus loin dans ma démarches zéro déchets, j'ai commandé un lot de papier toilette et des tablettes pour le lave-vaisselle » (consommatrice, Toulouse, 20 mai). Parmi ceux qui consommaient déjà bio et/ou local, certains rappellent toutefois avoir eu du mal à maintenir leurs approvisionnements dans les mêmes conditions qu’avant la crise, fait déjà abordé lors d’un bulletin de partage précédent : « Consommatrice de longue date de produits de saison, bio, locaux, bruts ou peu transformés, le confinement a brutalement mis entre parenthèses ce mode de consommation. Mes magasins habituels étant trop éloignés, je me suis tournée vers les rares offres internet de ma ville. Elles étaient saturées et horriblement chères. Résultat, je me suis rabattue sur le primeur en bas de chez moi, tout sauf local, de saison ou bio, mais avec le mérite d'être là et sympathique » (consommatrice, département 06, 24 mai). « Nous nous approvisionnons régulièrement dans un magasin Biocoop de notre quartier pour tout le reste, or pendant cette période, le magasin était souvent en rupture (sans doute une augmentation de la conso et des problèmes d'approvisionnement) et le nombre limité de personnes dans le magasin demandait un temps long avant de pouvoir rentrer dedans. Nous nous sommes donc rabattus sur les rayons bio des Casino et autre Super U de notre quartier qui eux, étaient un peu mieux organisés. » (consommateur, Lyon, 8 juin). Même en AMAP, parfois, c’est l’offre qui a manqué, ce qui a déçu certains adhérents : « Pendant toute la durée du confinement, nous avons aussi manqué d’œufs : trop de ventes à la ferme, la productrice ne pouvait plus assurer les livraisons à l’AMAP. Pourtant, nous avions signé les contrats 5 mois avant, les œufs étaient déjà payés… Au final, nous avons eu l’impression d’être la variable d’ajustement pour certains producteurs. La solidarité producteur-consommateur, au cœur de l’AMAP, nous a paru être à sens unique. Bien sûr, ça n’a pas été le cas avec tous les producteurs. Notre productrice de fromages de chèvres par exemple nous a expliqué avoir refusé beaucoup de ventes à la ferme pour assurer les livraisons déjà engagées. » (consommateur en AMAP, Isère, 8 juin). Ces témoignages viennent surtout confirmer que les produits locaux ont intéressé une population large, comme nous l’avions souligné dans les bulletins de partage précédents. Notamment, une population qui mangeait surtout bio, quelle que soit l’origine du bio, a voulu reporter une partie de ses achats vers des produits locaux ou a minima français : « Nous n’avons pas beaucoup changé nos habitudes : manger bio, favoriser les achats dans les magasins bio spécialisés. Par contre nous avons été plus vigilants sur l’origine des produits. En renonçant parfois d’acheter des légumes s’ils venaient d’Italie ou d’Espagne. » (consommatrice, Marseille, 23 mai). Par contre, le local n’est pas toujours à la hauteur des attentes de ces consommateurs de bio : « Nous avons testé des productions locales suite à la décision de producteurs locaux de s'auto-organiser mais n'avons pas renouvelé car il s'agissait de tomates et fraises sous serre, peu intéressantes gustativement et dont le mode de production energivore ne nous semble pas écologique au final. » (consommateur, Rennes, 16 mai). L’intérêt va toutefois bien au-delà de ces consommateurs de bio, comme le confirme un agent de la Métropole de Grenoble, où des enquêtes ont été menées auprès de tous les commerçants : « Nous avons constaté la très forte demande en direction des produits locaux dans tous les canaux de distribution. C’est aussi pourquoi, cette période de crise a pu également apparaître comme une opportunité pour accélérer certains changements de comportement alimentaire et développer le « manger local de qualité » (20 mai). Beaucoup de personnes ne consommant pas forcément, ou peu de produit locaux, de saison, en circuits courts, ont en effet pu profiter des livraisons de produits mises en place, par exemple « par l'intermédiaire de voisins connus lors des applaudissements du 20 h. » (consommateur, 39 000, 3 juin), et ce, avec satisfaction : « Pendant le confinement, tout un réseau de distribution s'est mis en place dans notre quartier: livraison de légumes et de plants de légumes via un ami du quartier qui a un copain maraicher, commande groupée pour une vingtaine d'habitants de notre quartier de fromages de chèvres, commande et livraison de poissons via un ami du quartier qui a un copain pêcheur. Le pêcheur gagne plus qu'en vendant sa pêche au Leclerc et nous on achète du poisson hyper frais moins cher que chez le poissonnier. Nous avons mangé pour la première fois de notre vie du homard, des seiches. Cette proposition a rencontré une demande très forte en très peu de temps. On est passé d'un groupe de 7 personnes à un groupe de 20 personnes en l'espace de 2 semaines. Et encore, en freinant un peu pour d'abord tester la capacité du pêcheur à vendre en direct. […] Nous avons très bien mangé pendant le confinement. Des produits frais, locaux. Le top : la livraison à domicile! ou dans la rue d'à côté. » (consommatrice, Côtes d’Armor, 28 mai). Cela n’a pas toujours été facile, néanmoins, ce qui témoigne aussi du potentiel de développement de la consommation locale mais aussi de la consommation groupée : « Nous avons essayé de nous associer avec des voisins pour augmenter le local dans notre alimentation, mais nous n'avons pas pu trouver une manière de faire qui soit efficace et efficience. Nous avons donc continué nos pratiques individuellement familiales. » (consommatrice, Bouches-du-Rhône, 3 juin). Une des principales questions est alors de savoir si ces habitudes d’achat, nouvelles ou renforcées, peuvent se maintenir dans le temps et déjà, à court terme, pendant la période de déconfinement ; des achats qui incluaient également, comme nous l’avions montré dans les bulletins précédents, un recours plus important aux commerces de proximité, supérettes mais aussi bouchers, primeurs... Pour certains, pour l’instant, ça dure : « J'ai beaucoup acheté, encore au supermarché, mais la proportion de produits locaux, achetés au marché ou paniers regroupement a augmenté et reste de même proportion après confinement. Aujourd'hui, je dois consommer 90% de produits frais issus des producteurs locaux ou bio revendus par le marché local (bananes, agrumes). Je continue à prendre des produits non transformés au supermarché pour continuer dans l'élan de la cuisine maison, mais j'ai moins le temps » (consommatrice, 41150, 2 juin). Pour d’autres, par contre, maintenir ces achats n’est pas si simple à l’heure du déconfinement : « Il est difficile de se procurer de la viande chez le boucher. Plus difficile que pendant le confinement. Il dit que cela vient du fait qu'il a plus de clients, et que les appros sont tendues. » (consommatrice, Gard, 20 mai). Beaucoup, surtout, regrettent l’arrêt des livraisons à domicile, y compris ceux qui fréquentaient les marchés et qui, dans cette période de déconfinement en tout cas, ont moins envie d’y retourner : « [Pour nous, pendant le confinement] Accentuation de la volonté de fonctionner en circuits courts et proches producteurs locaux. Bémol : depuis le déconfinement, la livraison n'a plus lieu, et obligation d'aller au marché le dimanche à Plélan (plus de monde, attente, moins de relations) Avantage +++ livraison à domicile ou sur un point de collecte autre que marché. » (consommatrice, Ile-et-Vilaine, 26 mai). D’autres témoignages, côté producteurs, viennent confirmer que l’arrêt des livraisons et le retour sur les marchés ont diminué la clientèle, même si celle-ci reste encore, en général, plus importante et plus diverse qu’avant la crise. Les drives fermiers peuvent alors constituer un compromis : « Il a été constaté par les producteurs avec lesquels je suis en contact, que la clientèle des drives fermiers a commencé à diminuer avec la fin du confinement (retour vers les GMS) mais qu'une partie de la nouvelle clientèle arrivée grâce à la crise commence à être fidélisée. C'est une clientèle de trentenaires, sensibilisés au thème des circuits courts, n'ayant pas l'habitude de fréquenter les marchés et souhaitant s'approvisionner en produits locaux d'une façon plus adaptée à leur quotidien (utilisation du numérique, rapidité, offre de produits concentrés à un même endroit). La demande en produits évolue, les circuits-courts doivent s'y adapter. » (observatrice, 28 mai, Alpes Haute Provence). Enfin, même si on ne peut pas facilement poursuivre ses achats en circuits courts, la crise a suscité d’autres pratiques qui sont plus faciles à maintenir : regarder l’origine des produits dans les magasins, par exemple, comme évoqué précédemment ; « prévoir la quantité d'aliments nécessaires entre deux achats, pour n'acheter que ce qui est nécessaire. Conséquence, un frigo moins plein, et surtout quasiment aucune perte d'aliments frais. » (consommatrice, Département Côtes d’or, 20 mai) ; « Meilleure gestion des courses alimentaires, liste faite à partir des menus et non pas l’inverse = moins de gaspillage. » (consommatrice, Rennes, 20 mai). Ou bien encore, pour conclure ce chapitre, une « prise de conscience de la « futilité » d’une partie importante de mes habitudes d’achats. » (consommateur, département du Maine et Loire, 20 mai). Présentation du bulletin n°5 Article précédent : Finalement, le confinement avait ses bons côtés| Article suivant : La lente reprise des chaînes alimentaires et un premier bilan

  • Bulletin de partage 5 - Finalement, le confinement avait ses bons côtés

    Les mangeurs ne nous disent pas avoir vécu la date du déconfinement comme une rupture brusque : petit à petit ils font le tri dans les expériences qu'ils ont vécues. Nous avions signalé dans le précédent bulletin que nous n’observions pas de surexcitation culinaire à l’approche du déconfinement. Nous ne l’avons pas non plus trouvée après qu’il a été prononcé. Nous sommes même surpris de constater chez certains une nostalgie d’un temps suspendu. Une fonctionnaire territoriale de Lorraine nous dit dès le 15 mai : “je considère avoir vécu cette crise dans une position d'ultra-privilégiée. Elle m'a permis de marquer une pause dans l'agitation quotidienne, profiter énormément de mes enfants (4 et 6 ans) qui poussent si vite et ont encore tant besoin de ne pas être constamment contraints par des horaires... [...] j'aurais bien prolongé un peu le temps de la rue privée de tous ses moteurs”. Une consommatrice de Rhône Alpes précise le 2 juin : “fini le plaisir et l'exotisme de manger ce que d'autres ont préparé (famille, amis, restaurateurs...)”. A l’heure du bilan, Santé Publique France constate le 19 mai que “les principales évolutions déclarées portent sur le grignotage, le fait de cuisiner maison, l’accessibilité des produits alimentaires et le poids. Pour améliorer son alimentation au quotidien, de nombreux outils existent et les Français s’y sont référés pendant le confinement : le site mangerbouger.fr a connu une hausse de fréquentation de 60% par rapport à 2019.” (article “Confinement : quelles conséquences sur les habitudes alimentaires ?” https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2020/confinement-quelles-consequences-sur-les-habitudes-alimentaires) Finalement, le confinement a aussi été un temps de (re)découverte. Parfois pour des choses très simples, comme l’écrit cette consommatrice des Bouches du Rhône le 11 mai : “toujours plaisir de manger, mais aussi redécouverte de ne pas se prendre la tête sur la bouffe et de manger très simple ; du riz tous les jours! Même si il est bio, ou coopératif.” Ou encore ce consommateur breton qui constate le 25 mai : “je ne savais pas cuisiner le poisson mais par solidarité avec ce producteur habitant notre territoire, j'ai appris et tout le monde a adoré.” A l’heure du bilan, certains formalisent une sorte de retour d’expérience, comme cette consommatrice bretonne le 13 mai : “ Les changements pdt la crise : les courses moins souvent, essai de faire des menus, pour une semaine, moins de bio car pas de marchés au début (ça manque)... 2 premières semaines : la peur de la maladie : cuisine moins et puis reprends du poil de la bête et tout va bien, retrouve un producteur de légumes, le marché...: cuisine pratiquement 2 repas par jour. Plutôt contente car j'aime cuisiner et découvrir des recettes, goûts, saveurs…” Parfois, l’expérience est plus intellectualisée, comme le note la consommatrice lorraine déjà citée : “professionnellement, j'ai pris un peu de distance par rapport à divers sujets qui me pèsent dans mon travail au quotidien, j'ai pu les partager avec des collègues, à distance. [...] Plus globalement cela nous a amenés à réfléchir aux inégalités dans la société, à la résilience de nos modes de vie…” Préoccupations matérielles et réflexion ne s’opposent pas, comme l’illustre le 20 mai cette bretonne habitant un petit appartement de centre ville : “Impacts sur les comportements : prise de conscience plus accentuée de la nécessité de se débarrasser de choses non essentielles (à tous les niveaux : consommations non indispensables, choses accumulées : ménage de printemps intensif (tri radical des livres, des vêtements, des papiers administratifs, des produits de ménage et de toilettes, des objets en plastique, mise à jour du carnet d’adresses, des ami.e.s, de tout ce qui parasite l’existence. [...] Déjà sensible aux enjeux environnementaux : décision de ne plus posséder de voiture, d’arrêter l’avion, de consommer local et équitable plus radicalement comme actuellement.” Cette même personne revient sur la tendance à l’autoproduction observée tout au long de l’enquête: “cultiver son jardin « mon mince balcon » n’a jamais été aussi beau, j’ai réussi mes semis de tomates, salades, poivrons, coriandre, aneth, fenouil, ciboulette, patates… en pots sur moins de 2 m2!“ Un intérêt confirmé par un témoignage de consommateur bordelais “Notre association PLATAU (Pôle Local d’Animations et de Transitions par l’Agriculture Urbaine) va lancer une action de distribution gratuite de 100 pieds de tomates variées, à maturité, auprès des habitants de la cité Claveau (Bordeaux Bacalan) durant l’été 2020, suivie d’ateliers pédagogiques à l’automne. Cette opération, nommée "Les Tomates déconfinées", a été imaginée pendant la période de confinement pour mettre en valeur les notions d’autoproduction urbaine, de circuit court et de diversité alimentaire”. Un consommateur du Val de Loire vivant à la campagne précise le 7 juin : “j'ai ajouté 50 m2 de surface de potager, soit un doublement de la surface antérieure.” Le journal télévisé du soir de France 2 apporte le 7 juin le témoignage du patron d’une pépinière, passé d'un effectif de 50 personnes à 150 personnes. Il pense en maintenir la majeure partie car c'est selon lui un mouvement de fond pour le jardinage mais aussi pour l'agrément. Les expériences vécues lors du confinement se poursuivront-elles ? C’est en tout cas ce que constate un consommateur isérois un mois après le déconfinement : “j’ai aussi profité de la période pour réduire ma très faible consommation de viande (1 à 2 fois par mois) à zéro. À ce jour (7 juin) je n'ai pas racheté le moindre morceau de chair animale (mais j'en ai mangé deux fois, lors d'invitations en famille)”. Un consommateur breton s’interroge le 25 mai sur les effets à terme des pratiques développées : “je pense qu'aujourd'hui nous sommes passés à un approvisionnement à 80% en circuits courts et 90% en bio environ. J'ai très envie de continuer dans cette voie qui fait sens même si je dois souvent batailler à la maison avec mes jeunes victimes du marketing des industries agroalimentaires. Pour autant j'ai constaté un changement de comportement de leur part en cette période de confinement.” En écho à ce contributeur qui avait déclaré avoir appris à cuisiner le poisson, un étudiant à Orléans partage le 7 juin ce sentiment de montée en compétence culinaire, qui n’est pas éphémère : “je suis retourné vivre chez mes parents dans un village de 500 habitants dès le 16 mars où j'ai pu continuer mon jardin et m'initier à la cuisine.” Le magazine Slate affirme dès le 15 mai que “la réclusion à domicile et la peur du virus modifient nos façons de faire les courses comme la cuisine. Il est fort probable qu'il n'y aura pas de «retour à la normale» en masse.” (http://www.slate.fr//story/190359/confinement-nouvelles-habitudes-alimentaires-cuisine-repas). Les interrogations portent fréquemment sur la persistance ou pas de pratiques “vertueuses” adoptées pendant le confinement. Cependant, une consommatrice de Nouvelle Aquitaine nous décrit le 19 mai un cheminement inverse, pour des raisons économique et sanitaires : “Lors du confinement, j'ai largement changé mes habitudes alimentaires. Diminution des fruits et légumes frais pour être remplacés par des conserves. Achats dans des magasins non bio car le prix des aliments en conserves ou transformés est très élevé dans les magasins bio. Alimentation végétarienne (déjà en cours avant le confinement). Diminution de la part de vrac car risques virologiques d'amener des contenants. [...] Reprise de mes habitudes alimentaires classiques (bio, locales, riche en fruits et légumes) depuis la fin du confinement. Je n'ose toujours pas utiliser mes propres contenants au vrac et je me contente des sachets papiers.” Ces constats conduisent deux sénateurs à formuler dans un rapport d’information les propositions suivantes : “14. Intégrer la dimension d’acceptabilité culturelle et de plaisir dans la défense des régimes alimentaires durables, en soulignant que l’impact sanitaire et écologique de l’alimentation peut être fortement réduit sans bouleverser les habitudes alimentaires 18. Faire évoluer les politiques de santé d’un accompagnement alimentaire ponctuel fondé sur le conseil nutritionnel à un accompagnement dans la durée et même à une véritable éducation à l’alimentation durable abordant toutes les dimensions du bien manger : dimension nutritionnelle mais aussi économique (acheter autrement) ou culinaire (préparer autrement).” (extraits du rapport “ VERS UNE ALIMENTATION DURABLE : UN ENJEU SANITAIRE, SOCIAL, TERRITORIAL ET ENVIRONNEMENTAL MAJEUR POUR LA FRANCE “ Délégation à la prospective du Sénat Rapport d’information de Mme Françoise Cartron, sénatrice de Gironde, et M. Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère. 28 mai) Notre alimentation et nos façons de manger ne sortent donc pas indemnes de la crise, mais chacun le maîtrise ou le subit à sa façon et il serait vain de chercher une unanimité. Les comportements individuels ont toutefois montré des dominantes et des convergences qui trouvent un relais politique. Les envies de manger et partager une cuisine maison à partir de produits sains, de jardiner, vont se trouver dans l’après-crise confrontées à la réduction de l’espace des possibles, dessiné à la fois par les contraintes individuelles (temps disponible, budget alimentaire), collectives et institutionnelles. Présentation du bulletin n°5 Article précédent : L’heure est au bilan | Article suivant : Approvisionnement : des pratiques renforcées ou nouvelles, parfois difficiles à conserver

  • Bulletin de partage 5 - L’heure est au bilan

    Les contributions, souvent rédigées au passé composé, cherchent pour nombre d’entre elles à présenter une synthèse des faits alimentaires les plus marquants, en termes de changements. C’est l’heure du bilan pour les protagonistes. Durant cette période , l’annonce de la fin du confinement a été confirmée et mise en œuvre. En particulier, les changements que les contributeurs veulent mettre en oeuvre ou appellent de leurs voeux sont soulignés avec une démultiplication des contributions sur les pratiques alimentaires à la maison et les modes d’approvisionnement. Avec le déconfinement, cette période est marquée par un retour sur les pratiques alimentaires vécues (particuliers, producteurs, collectifs…). Pour évaluer la situation, des retours organisés se multiplient : des collectifs se mobilisent pour comprendre et faire remonter des témoignages ; des enquêtes par différentes organisations et échelles sont réalisées pour tirer les enseignements du confinement. Pour les producteurs, en termes de bilan, une image contrastée ressort avec des espoirs et des encouragements mais aussi des interrogations et des incertitudes sur ce qui va rester de cette période. Globalement, les producteurs s’en sont bien sortis et, pour beaucoup ont connu des volumes exceptionnels d’activité. Cependant, pour certains, la période post confinement semble vécue comme une désillusion avec un retour à un niveau « normal » de vente, eux qui avaient reçu un soutien massif. C’est comme si l’engouement avait généré des attentes disproportionnées et que le retour à la situation d’avant était considéré comme une défaite et entraîne une grande déception voire une fragilisation psychologique. Les producteurs en circuits courts ressortent, pour beaucoup, épuisés de cette période. Une inquiétude est soulignée à l’égard de la situation économique d’agriculteurs en circuits courts avec des productions spécifiques (comme les produits laitiers pour la restauration) à la fin du confinement. Dans un contexte d’optimisme sur les ventes, la crise a fragilisé certains d’entre eux, face à la réorganisation de leur débouchés et la gestion des stocks avec des chutes de ventes. Le principe de solidarité économique est exprimé à leur égard ce qui a réduit l’impact de la crise, ainsi qu’à l’égard des restaurateurs familiers du quotidien. Côté consommateur, la crise COVID19 a été vécue comme un révélateur des situations alimentaires . D’un côté, la détresse alimentaire de la population ressort comme une préoccupation importante avec des signaux économiques en berne. En réponse, la solidarité alimentaire s’exprime sous des formes variées. D’un autre côté, en prenant du recul, des consommateurs s’estiment heureux d’avoir pu expérimenter avec le temps retrouvé de nouvelles pratiques culinaires ou d’autoproduction y compris en milieu urbain. Ils semblent conscients d’avoir vécu un moment privilégié. Pour certains, des pratiques d’approvisionnement nouvelles notamment avec des circuits courts seront poursuivies. Malgré la diversité des situations et le devenir incertain de ces pratiques dans le temps, tous semblent unanimes sur le fait de considérer la crise COVID19 comme un point de référence qui restera dans l’esprit des mangeurs. Pour les collectivités locales, le bilan amène à relever leur rôle central dans les décisions. Elles se sont montrées des acteurs incontournables, notamment les communes, pour gérer cette crise. Au niveau du territoire, des relations inédites se sont créées et seront certainement une contribution à une relocalisation de l’alimentation dont l’ampleur dépendra probablement de la mise en place d’un cadre national. Pour beaucoup, un bilan complet et détaché des variations conjoncturelles devra attendre le mois de septembre. Présentation du bulletin n°5 Article suivant : Finalement, le confinement avait ses bons côtés Crédit photo : Erwan Daniel www.tamproduction.fr

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