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Éclairage Covid-19 | Psychologie des mangeurs en temps de crise : regards croisés

13 mai 2020 - Propos recueillis et formalisés par Charlène Nicolay, Terralim


Deux spécialistes, l’un des systèmes alimentaires et l’autre des comportements, réagissent sur les témoignages de mangeurs durant les premières semaines de la crise sanitaire, les causes des comportements observés, et les perspectives pour l’après-crise.


Ce texte n'engage que ses auteurs et pas l'ensemble du collectif qui rédige les bulletins.

 


Gilles Maréchal est consultant et chercheur, économiste spécialiste des circuits courts alimentaires et des stratégies des collectivités locales. Au début de la crise sanitaire, il a initié avec d’autres chercheurs la démarche « Manger au temps du coronavirus » qui consiste à recueillir des témoignages du terrain sur les systèmes alimentaires pendant la crise, qui sont analysés sous forme d’un bulletin thématique, et d’analyses quantitatives et lexicométriques.


A l’issue des 2 premières semaines de recueil de témoignages, Gilles est frappé par les récits de confinement qui abordent avant tout les évolutions du régime et des habitudes alimentaires domestiques, les circuits d’approvisionnement et l’auto-examen critique des comportements et des convictions « du temps de la normalité ». Il formule une tentative d’interprétation de ces « itinéraires alimentaires de confinement » sous la forme d’itinéraires types, depuis le point de départ de la « situation d’avant », fidèle à la réalité ou « romancée ». Ils sont résumés sur le schéma suivant, où les flèches désignent un éloignement des pratiques et représentations antérieures :



Nicolas Fieulaine est enseignant-chercheur, spécialisé en psychologie sociale appliquée. Depuis le début de la crise, il conseille les acteurs de la santé publique sur les messages d’information et d’incitation des citoyens sur les risques et les comportements. Il accompagne aujourd’hui les acteurs des transports et de l’espace public à préparer le déconfinement, pour éviter les peurs des espaces de promiscuité et le retour à la voiture.



 

L’amplification de pratiques et attitudes alimentaires antérieures

Gilles : Des témoignages soulignent que la crise est l’occasion d’approfondir ou d’adopter des pratiques qui viennent consacrer ou matérialiser des tentations. Un consommateur déclare « mettre en œuvre de nouvelles habitudes alimentaires, auxquelles nous pensions depuis plusieurs années ». Ce chemin de renforcement s’exprime dans de nombreux domaines (nous agrégeons ici des données issues de plusieurs sources, pour en résumer l’essence) :

  • J’agrandis mon jardin potager ou j’en démarre un ;

  • Je n’aime pas les GMS[1], c’est l’occasion d’y aller moins qu’avant ;

  • Je voulais tester les effets du jeûne, c’est l’occasion ;

  • Je souhaitais la plus large autonomie, voire autarcie, possible, je la mets en œuvre ;

  • J’achetais presque tout dans mon quartier, aujourd’hui encore plus.

La crise semble alors vécue comme une opportunité d’accoucher de désirs latents. « Je reste en pleine cohérence avec l’avant, que je pousse encore plus loin ».

Nicolas : L’enjeu dans ces changements c’est le rapport au système de contraintes dans lequel ce changement s’est réalisé. Oui, il y a eu des changements d’habitudes, que ce soit de rythme d’achats ou de type d’achats. Mais dans un système de contrainte, c’est assez facile de changer ses comportements sans pour autant en transformer véritablement le rapport profond, le système de représentation, les croyances… La contrainte étant là, suffit à justifier les changements de comportements. On n’est pas dans un système de dissonance cognitive comme quand nous nous sentons libres d’avoir changé nos comportements et qu’il faut que nous nous les expliquions à nous-mêmes (dans ce cas, ça amène des changements d’attitude). Là, pendant la crise, pour le coup la contrainte est très présente... Comment se projeter un peu plus loin dans le temps pour en faire une opportunité ? Pour constituer des horizons de changement qui soient désirables ? C’est un peu plus compliqué.

C’est pour ça que le terme d’ « habitude » me paraît un peu prématuré… Est-ce que ce sont déjà des habitudes ou pas ? Il me semble que ce n’est pas tout-à-fait sûr.

​Préservation : « on change nos habitudes le moins possible »

Gilles : On observe dans les témoignages une argumentation, abondante, autour de « on change nos habitudes le moins possible ».

Cet itinéraire va jusqu’à une crispation conservatrice pour certains. En particulier, des personnes âgées ressentent durement le moindre accroc, la moindre fêlure dans leurs habitudes. C’est comme si, face à un présent menaçant et un avenir incertain, les habitudes et convictions précédentes constituent un repère stable. Elles permettent de m’acclimater à la nouvelle situation à moindre coût psychologique, et par exemple de me concentrer sur les questions de santé. D’une certaine façon, il s’agit d’évacuer le caractère problématique de l’alimentation dans le nouveau contexte.

Bien entendu, cet itinéraire suppose que les conditions le permettent : des adeptes de l’hypermarché habitant dans une campagne éloignée ont du mal à adopter cet itinéraire, sauf à aller vers le moins différent. Si l’”hyper” n’est plus accessible, je vais au “super”.

On lit aussi un grand nombre de « on fait avec ce que l’on a », posture voisine. Le prix psychologique d’un changement assumé étant trop lourd, je réduis la zone d’incertitude, avec une certaine résignation.

Nicolas : Oui. Il y a aussi une dimension sociale dans cette crise. Des gens seront déjà tellement inquiets de savoir quoi manger, pressés de remettre leurs enfants à l’école pour qu’ils retrouvent une alimentation meilleure qu’à la maison. Ils ont eu une expérience de l’alimentation, pendant cette période, qui a été une explosion des coûts. C’est ce qui me revient le plus sur le terrain de la précarité. Les frais de repas ont explosé, parce qu’il y a beaucoup d’enfants à la maison, qu’ils ne peuvent pas sortir donc ils ne vont pas manger chez les copains, ils ne piochent pas dans leurs finances personnelles pour aller s’acheter un sandwich… Il y a des jeunes qui ont pris l’habitude de sauter des repas pour ne pas trop piller dans le frigo des parents. Tout cela représente un équilibre fragile, de sobriété contrainte.

C’est une expérience qui peut venir en confrontation complète avec des aspirations à un rapport plus réflexif et plus sobre à l’alimentation. Je crains des effets différentiels sociaux encore plus forts qu’avant. C’est pour ça que je prends beaucoup de précautions avec tout ce qui concerne le monde d’après, qui se projette très loin, qui dit « profitons-en pour aller plus loin dans la transition », parce que j’ai peur que ça multiplie par 100 les confrontations qu’on avait avant entre la fin du monde et la fin du mois.


Adaptation ou révélation ?

Gilles : A la lecture des observations et des expériences de terrain, il est frappant de constater la prégnance de l’adaptation prudente et graduelle des comportements et des habitudes relatives à l’alimentation, de type :

  • Je ne trouve plus de légumes frais, j’utilise des congelés ou je fais mon jardin en priorité ;

  • Il est risqué de circuler, je fais mes courses en grande quantité une fois par semaine ;

  • Même si je ne trouve pas la qualité aussi bonne, je congèle l’essentiel ;

  • Mon lieu d’approvisionnement habituel est trop loin, ou trop fréquenté, je me fournis près de la maison.

De nombreux témoignages mentionnent une flexibilité dans les comportements, qui étonne parfois les auteurs eux-mêmes, frappés du caractère indolore des changements de leur comportement, voire de leurs envies. Un consommateur urbain dit : « je vais désormais au supermarché mais je n’en fais pas un monde ». On sent poindre une envie d’exploration chez ces mangeurs, associée à un certain détachement, une certaine relativisation de leurs convictions d’avant : on n’y trouve pas les « militants de choc ». La situation oblige à essayer des nouveaux chemins, qui sont soumis à l’expérience et pourront par la suite être de nouveau empruntés ou seront délaissés, sans remords et sans drame de conscience. Mais les fondements de mes représentations et actes ne sont pas chamboulés : ce sont des actions matérielles qui signent cet itinéraire.

Nicolas : L’idée de flexibilité est intéressante. Il se passe quelque chose d’unique : on a une situation qui s’impose à toute une population en même temps, et qui a généré des écarts, une interrogation de ce qu’on faisait jusque là parce que tout à coup on se retrouve un peu décalés par rapport à ce qu’on a l’habitude de faire. Cette expérience de l’écart est ensuite interprétée de manière différente. On sent bien que dans les discours c’est de la construction, on reconstruit de manière narrative, on essaie de trouver un chemin, une histoire, et en se mettant en position d’acteur (de préférence). Il y a assez peu de logiques du type « pensée épisodique », c’est à dire « avant je faisais ceci, puis il y a eu ce moment où j’ai fait cela », et qui ne met pas de lien entre le passé, le présent et le futur, « c’est juste quelque chose qui a été bizarre à un moment donné », avec cette difficulté à le construire dans une narration. C’est le propre des événements trop difficiles, trop en rupture avec nos habitudes. Et ça me paraissait étrangement absent... Mais peut-être parce que c’est trop vide de sens. Est ce qu’il n’y a pas aussi des expériences de ces changements face à la crise qui chercheraient encore leur sens et qui ne seraient pas encore aboutis en termes de sens ?

« On a vécu quelque chose de très bizarre, et mentalement on ne sait pas trop se le représenter. » On va avoir besoin de narrations, d’oeuvres culturelles qui nous proposent des mises en récit de ça. Sauf à être forcés, on a du mal à le faire.

Nous avons besoin de récits partagés qui offrent des clefs.

On se demande toujours : « est-ce que je l’ai vécu de manière normale ? », « est-ce que l’histoire que je vais produire est positive en termes identitaires ? », si elle n’est pas positive « qui rends-je responsable parce que je n’ai pas pu nourrir mes enfants comme je le voulais ou parce qu’on a dû sauter collectivement des repas ? »

Gilles : A l’inverse, l’itinéraire le plus frappant relève d’une révélation, « instinctive » ou conscientisée. Des personnes réagissent de façon inattendue, parfois contraire à des pratiques ou des convictions qu’elles croyaient solidement ancrées. Ces témoignages, même s’ils ne sont pas nombreux, sont particulièrement frappants :

  • Des végétariens ou quasi-végétariens se « sentent saisis » par une envie de viande et de gras ;

  • Un carnivore explique que le repas désormais collectif l’a amené à intégrer les exigences d’une végane de la maisonnée ;

  • Une personne décrit, pourtant au début du confinement, son passage à 4 prises d’aliments par jour au lieu des 2 habituelles.

De façon comparable au groupe précédent, ces personnes se surprennent, mais de façon bien plus profonde. Les adaptatifs adoptent un comportement stratégique, qui s’exprime dans les actes matériels, dont l’élément de surprise est facilement réversible pour peu que les circonstances changent. Par contre, ceux qui se confrontent à la révélation expriment une grande perturbation qui confine dans certains cas à l’existentiel : moi qui me croyais un doux végétarien, je me découvre horrible “viandard”. Quelle persistance sera donnée à une telle remise en cause ? Il est difficile de présumer si la charge émotionnelle du moment provoque une « perturbation passagère » ou si les comportements vont rester durablement influencés.

Nicolas : L’idée de « révélation » est intéressante. C’est dans l’interaction avec le système de contraintes qu’il y a des « bricolages » individuels, où l’on remet du sens, on remet en question l’existant. Mais il y a toujours ce rapport complexe entre un présent suspendu où l’on va mettre en œuvre des pratiques dont on ne sait pas si elles vont être durables ou pas,un passé (ça vient l’infirmer ou le confirmer, le renforcer ou le fragiliser), et un futur : est-ce qu’on se projette dans une continuité, dans quelque chose où l’on va aller plus en avant ? Ou alors dans un retour rapide à ce qu’on identifie comme étant la normale et vers lequel on est très pressé de retourner ?

Mais le vécu de la contrainte est important. En étant soumis à des forces externes parfois on ne voit pas l’opportunité d’une transformation positive. L’absence de choix et le fait d’avoir été extrêmement contraint (attribution externe), peuvent avoir comme conséquence le sentiment d’injustice, la colère. Ça peut aller assez loin, surtout si c’est alimenté par des réseaux sociaux. Je suis inquiet du décalage possible pour les perspectives plus transformationnelles. Il y a une absolue nécessité d’arriver à raccorder ces expériences privées de sens, soumises à un ordre, vécues de manière complètement subie, où il est très difficile de se situer comme acteur parce que la situation était vécue de manière négative (on n’a pas envie d’être acteur / responsable d’une situation vécue d’une manière négative). Je me demande quels sont ces récits ? Et surtout comment ça peut être approprié par la diversité des publics qui ont fait face à cette situation ?

Polarisation des comportements : quel maintien après la crise ?


Gilles : finalement, au vu des deux groupes « extrêmes » de la flèche tracée, on peut proposer qu’on assiste à une « radicalisation binaire » des choix, c’est à dire le cheminement d’un groupe médian « modéré » dans ses habitudes vers des positions plus « radicales ». La crise agirait comme un facteur déclencheur de choix exacerbés. Poussés à leur fins, ces cheminements conduisent à une polarisation potentielle : les survivalistes s’opposent aux collectivistes, les adeptes d’un local exclusif aux clients des supermarchés, les bio au mangeurs de plats préparés. Soit parce que la crise est interprétée comme confirmation des choix antérieurs, soit parce le changement personnel invite à participer à une croisade avec la foi des nouveaux convertis.

Cette radicalisation binaire peut s’illustrer par quelques exemples choisis :

  • un coopérateur d’un supermarché coopératif indique qu’au sein de sa coopérative certains disparaissent complètement, par crainte du virus, alors que d’autres au contraire se « surinvestissent » (selon son expression) dans l’action collective, le groupe central de ceux qui remplissent leurs engagements mais sans plus s’est effrité ;

  • des retours signalent une évolution vers un confinement intégral associé à une recherche d’autarcie, bien évidemment dans le monde rural. On peut interpréter ces itinéraires à la lueur des mouvements survivalistes, qui prônent un repli sécuritaire sur le foyer, la famille élargie ou le groupe restreint. Beaucoup, au contraire, cherchent à construire de nouvelles solidarités collectives, à l’échelle de l’immeuble comme d’un petit territoire ;

  • des remontées de « mangeurs moyens » pointent une évolution soit vers la frugalité pour mieux résister à la menace sur l’alimentation, soit au contraire vers des pratiques hédoniques (bons petits plats longuement préparés, apéros virtuels appuyés, consommation de chocolat) ;

  • « par défi » comme l’écrit un contributeur, certains sont restés volontairement éloignés de la course au stockage générée au premier temps du confinement, allant même jusqu’à retarder leurs courses, pendant qu’un autre s’est « étonné lui-même de participer à la panique » ;

  • la course au stockage a révélé deux stratégies différentes. Les uns se sont précipités vers les aliments bon marché et de longue conservation pour maximiser leur capacité de stockage (avec un panier moyen que toutes les contributions présentent comme en forte progression). D’autres au contraire se sont tournés plus que d’habitude vers des produits locaux ou bio, ce que j’interprète comme une extrapolation dans le domaine alimentaire des inquiétudes mises en avant dans le domaine sanitaire : « je suis déjà menacé par le COVID-19, je ne vais pas en rajouter dans mon assiette”.

Le dernier point illustre par ailleurs que les évolutions, les itinéraires, ne peuvent être ramenés à des déterminants personnels et coupés de leurs ancrage social. Comment expliquer sinon qu’on a vu des magasins, à proximité l’un de l’autre, être dégarnis soit d’abord en produits premiers prix, soit d’abord en produits bio ?

Nicolas : Pour la suite de ces comportements, c’est difficile de faire un pronostic car il y a un moment de retour à la normale, dont le résultat va être complètement déterminé par la capacité des individus à exister dans des propositions de comportement. L’espace visible n’a pas changé du tout, si ce n’est des rayons vides. Mais ça n’est pas devenu une incitation ou une appropriation. Il y a eu un début d’appropriation des rues par l’absence de voitures, mais c’est tout, et encore c’était très peu. Ce qui fait que l’espace public vers lequel on est moins allé, et qu’on pouvait moins utiliser, sera redevenu le même, il va être le même.

Gilles : Dans le cas des personnes qui ont amplifié leurs pratiques ou attitudes antérieures, il paraît raisonnable de poser l’hypothèse que les effets de la crise dureront, puisqu’elle aura montré que les pratiques ou les rêves antérieurs sont possibles, mais aussi utiles et civiques.

Nicolas : L’environnement a une capacité à nous dicter nos conduites, qu’on le veuille ou non, et à rendre nos conduites plus ou moins faciles à réaliser.

Parlons à la fois de l’espace mais aussi des temporalités : les rythmes sociaux, les décalages, un peu plus de temps à certaines heures, un peu plus de disponibilité qui nous a permis de nous connecter… Les temporalités vont revenir à l’état d’origine, elles ne nous laisseront plus du tout les mêmes possibilités.

C’est pour ça que je plaide à plein d’endroits pour que l’espace public soit transformé, que la manière dont on se rencontre dans les rues soit différente. La manière dont on circule dans les magasins : j’essaie de pousser, même avec des opérateurs de magasins, l’idée que le zonage pourrait être différent. Le fait de faire circuler à travers tout pour espérer que les gens piochent ici ou là…, ils ont tout intérêt à se projeter vers autre chose. Ce sont des environnements qui sont hyper déterminants.

Là je pense qu’il y’a des choses qui peuvent rester : ces rassemblements pour aller acheter chez un producteur qui s’installe de manière inopinée… mais là aussi qui a reposé sur une disponibilité qu’on n’a pas forcément toujours.

Je crois qu’il y aura un retour de balancier temporaire : rattrapage d’achats. Il va y avoir une période difficile à pleins de niveaux pour la durabilité, la sobriété. En tous cas ce sera une période très contrastée entre ceux qui auront vécu cette période sous le signe de l’opportunité , et d’autres qui l’ont vécue sous le signe du manque.

La question décisive c’est : est-ce que le déconfinement va continuer à suffisamment modifier nos habitudes pour qu’on continue à être dans un système qui est un tout petit peu plus réflexif que d’habitude, qui interroge un peu plus que d’habitude ? Parce qu’on ne peut pas choisir tout-à-fait de la même façon dans les rayons, parce qu’on ne peut pas tout toucher, parce qu’il faut faire vite dans les magasins (là on risque l’effet balancier inverse)… Les critères vont un peu bouger.

Il y a là, à la fois une opportunité et un vrai risque, parce que ça va être l’affrontement de forces contraires. On le voit déjà : entre profiter de cette période pour que les gens reviennent au maximum au plaisir de l’achat, au plaisir de la consommation de produits standardisés, etc. (exemple : la communication sur les files d’attentes chez Mc Donalds), ou au contraire profiter de ce moment de déstabilisation pour qu’apparaisse une « offre » (offre de participer, offre de transformer sa pratique de manière collective). Aujourd’hui, même si de nouvelles relations sociales se sont tissées, il est abusif de dire qu’elles sont d’ores et déjà ancrées dans des habitudes.


Conclusion

Gilles : Nous postulons qu’il est peu probable que ce soient les particularités de la crise du coronavirus qui génèrent ces diversités de positionnements et d’itinéraires. Bien sûr, l’attention accrue aux questions de santé est directement liée à l’origine de la crise, et elles seraient sans doute moindre si l’origine était environnementale. Mais les contributions et récits recueillis invitent à identifier la crise comme un révélateur des comportements, des attentes, des craintes, des envies, dans ce domaine si complexe qu’est l’alimentation. Cela ouvre des perspectives sur le plan heuristique, puisque se mettent à jour des phénomènes profonds qui seraient difficilement observables autrement. Et en conséquence, des enseignements de portée plus générale peuvent, et doivent , être tirés de cette crise, y compris sur le plan des politiques publiques.

Nicolas : Remettre en questionnement des éléments du quotidien, c’est une expérience qui ne s’efface pas comme ça. Ce qui allait de soi ne va plus de soi. Et donc il faudra un petit moment pour que ça redevienne comme avant, ou bien que ça constitue effectivement des habitudes.

C’est un moment intéressant pour interroger.

Parce que tout le monde a eu à se demander, et a eu le temps de se demander pourquoi il faisait les choses d’une certaine façon, alors que c’était devenu complètement ancré et automatique, et installé dans un quotidien non interrogé.

C’est important parce que c’est potentiellement une ressource : pour retrouver ces questions qu’on s’est posées ,ce mécanisme méta-cognitif, cette méta-cognition, capacité à réinterroger des réflexes qu’on avait, à dire « attends, pourquoi on ferait comme ça alors qu’on pourrait faire autrement ? ». C’est un muscle ! Ce muscle s’est un peu entraîné pendant le confinement. Comment on joue là-dessus ? Comment on retrouve les effets de cet entraînement dans les futures pratiques alimentaires, pratiques d’achat, etc ?

Comment on le réactualise à des moments, autrement qu’en disant « rappelez-vous, en période Covid, on a tous fait différemment » (ce qui réactualiserait un problème dont les gens ont envie de sortir) ?



[1]GMS : grandes et moyennes surfaces, soit les supermarchés et hypermarchés.


 


 

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