top of page

Bulletin de partage 5 - La mise en avant des politiques territoriales

les acteurs convergent pour estimer que les politiques territoriales, depuis les micro-décisions des maires jusqu’aux stratégies concertées, ont un poids déterminant dans la juste réponse à la crise. Mais ils soulignent aussi qu’un cadre national favorable est requis.


 

La presse a largement couvert les initiatives nées de la crise. Au sortir du confinement, elle souligne les relations originales qui se sont instituées. Ainsi, le 27 mai, l'édition de Rennes de Ouest France donne la parole à des restaurateurs qui se sont improvisés distributeurs de produits locaux et souhaitent continuer : “autre initiative qui a survécu au confinement : la distribution de paniers de produits locaux par six restaurateurs rennais. « Nous avons lancé ce projet pour faire travailler les producteurs du coin, qui étaient dans une situation difficile, explique Sybille Sellam, du restaurant Le Bercail. Nous avons eu un super accueil, les gens étaient très contents de retrouver ces produits. ». Pendant le confinement, les restaurateurs ont écoulé jusqu’à 160 paniers par semaine. Là aussi, la demande a baissé la semaine dernière, mais il y a toujours des clients. « Il est encore un peu tôt pour savoir si les gens ont vraiment pris de nouvelles habitudes, mais on y croit », ajoute Sybille Selam. Au Bercail, Sybille Sellam et Grégoire Foucher ne se sont pas contentés de la distribution de paniers : ils ont transformé leur restaurant en épicerie de produits locaux, ouverte du mardi au samedi, de 10 à 19 h. Ils proposent également des plats à emporter, préparés au barbecue, le mercredi, jeudi et vendredi midi, à l’Eclozr, sur l’ancien site de la CCI Bretagne. Et ils comptent bien continuer. « Nous n’allons pas rouvrir le restaurant le 2 juin, car on veut que ce soit convivial et on ne souhaite pas faire la police entre les clients inquiets et les autres, explique Sybille Sellam. Et finalement, l’épicerie locale nous amuse beaucoup, c’est un nouveau métier : depuis le début du confinement, on a acheté et débité trois cochons entiers ! On apprend et tant que cela sera possible, avec les aides de l’État, on continuera. »


Dans cette même édition, Ouest France titre “les producteurs locaux rennais sont en train de se structurer en association et négocient avec la chambre d’agriculture pour continuer d’avoir accès à son parking, où se font les distributions”, se référant à un drive lancé pendant la crise.


Concernant les institutions, des consommateurs ont pris conscience de l’importance des décisions locales, tel ce consommateur de l’Indre qui remarque le 11 mai : “les mesures mises en place par la mairie sur le marché (barrières, présence de la gendarmerie, restriction du nombre de stands alors qu'il y avait la place pour organiser deux marchés et avoir donc tous les producteurs habituels), a fait visiblement diminuer le nombre de clients. certains producteurs témoignaient qu'ils n'avaient jamais aussi peu vendu sur le marché de [...] alors que dans le même temps des marchés "secondaires" [...], voyaient leur chiffre d'affaires augmenter.” Ces transferts entre marchés ont également été notés en région rennaise, où un chargé de mission a enregistré que certains producteurs qui n’avaient plus de place dans les marchés de la ville centre se sont tournés vers les marchés des villes de la périphérie, qu’ils ont dynamisés. Une enquête auprès des élus de Rennes Métropole (rapport intermédiaire de Morgane Avenel, le 26 mai) montre la diversité des réactions sur les enseignements à tirer de la crise : pour les uns c’est “changement de cap, non !” ou “je n'imagine pas qu'il y ait une rupture avant après [sur ma commune]” ; pour d’autres, elle demande de “s'engager à être plus responsable dans notre façon de consommer”, voire de “ profiter de ce coronavirus pour faire un virage à 180°, pour retrouver une « souveraineté alimentaire »”. Une crainte fait l’unanimité “c’est que la crise économique qu’on va traverser va faire exploser la demande [d'aide alimentaire]”. Dans tous les cas, l’heure est au bilan et aux leçons à tirer, comme l’écrit un conseiller municipal de Grabels, commune d’Occitanie située en zone urbaine (19 mai), à propos du maintien du marché pendant la crise : “Il faudra deux samedis avant de trouver les bons repères. Aucune expérience acquise [préalablement], aucuns repères. Répartir les exposants en fonctions de leur volume de transaction, assurer les distanciations sanitaires, assurer la fluidité du passage, éviter les concentrations, mettre l'ensemble des informations à jour, formaliser les consignes, apporter une aide pour la logistique. Une multitude de détails à imaginer dans l'urgence.” Encouragés par la place qu’ils ont trouvée dans la réaction face à l’épidémie, les collectivités revendiquent un rôle dans les décisions. Le monde publie le 11 juin que “ les élus locaux plaident pour une relance territorialisée. Les collectivités veulent prendre leur part d'une redéfinition des priorités en matière de politique industrielle et de transition énergétique.


A l’échelle nationale, des corpus de propositions politiques intègrent l’alimentation, ainsi ce plan de sortie de crise co-signé par ONG, associations et organisations syndicales qui appelle une mesure très ambitieuse qui était en débat antérieurement (c’est nous qui soulignons) “ Mesure 16 : Pour l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous. Dans une situation d’urgence comme celle-ci, les restaurations collectives qui ne tournent pas à plein régime doivent être réquisitionnées pour la préparation de repas à destination de toutes les personnes en situation de précarité alimentaire. Face à une dualisation entre des produits de qualité, locaux et bios accessibles à une fraction aisée de la population, et une nourriture industrielle, standardisée, de mauvaise qualité nutritionnelle pour les populations à faible pouvoir d’achat, dont une majorité de femmes, la création d’une branche alimentation dans le régime général de la sécurité sociale, telle qu’elle a été pensée en 1945, doit être explorée.

Les chambres d’agriculture affichent une nouvelle priorité : rebâtir la souveraineté alimentaire, qui reprend le terme “souveraineté alimentaire” du manifeste publié par la FNSEA, traditionnellement mis en avant par la Confédération Paysanne. France 3 Auvergne Rhône Alpes note le 5 juin que “les chambres d'Agriculture espèrent bien capitaliser sur cette prise de conscience et proposent une série de mesures pour sortir de la crise et retrouver cette fameuse souveraineté alimentaire.

Le Ministère de l’Agriculture affirme le 5 juin sur son site que “Sur les territoires où il existe un Projet Alimentaire Territorial (PAT), des mesures ont pu être mises en place rapidement, s'appuyant sur un dispositif déjà existant et la grande réactivité des acteurs locaux.

  • le PAT constitue un réseau d’acteurs de la chaîne alimentaire, qui se connaissent et ont pu lier des relations de confiance, parfois de longue date ;

  • le PAT apporte une bonne connaissance du contexte local de la production agricole et alimentaire et du bassin de consommation (diagnostic à la base de la mise en place de tout PAT) ;

  • le porteur du PAT joue le rôle d’animation des acteurs du territoire, ce qui a pu permettre d’articuler et de coordonner les actions à mettre en place en urgence ;

  • des outils, notamment numériques, sont le plus souvent déjà en place pour communiquer, pour répondre aux besoins des consommateurs qui souhaitent avoir plus de visibilité sur les produits locaux disponibles et leurs lieux d’achats.

Un agent territorial d’Isère abonde dans ce sens en avançant le 2 mai que “dans la Métropole et ses territoires voisins, les démarches engagées, comme le Projet Alimentaire inter Territorial (PAiT) ou le Pôle Agroalimentaire à l’échelle iséroise (en partenariat avec le Département et d'autres EPCI isérois ainsi que les consulaires et les acteurs socio-économiques de l'alimentation) ont permis de se réorganiser très vite, probablement plus qu’ailleurs.” Il précise les champs d’action : “Un accompagnement des producteurs locaux pour éviter la perte de leurs productions et trouver des débouchés de substitution ; L’organisation de circuits de proximité et mise à disposition de lieux sécurisés de stockage ou d’échanges ; Le soutien aux publics précaires ou fragilisés ; Le soutien aux initiatives d’acteurs locaux ; Des actions de communications et de sensibilisation”.


Cette perspective est reprise dans le rapport sénatorial précédemment cité (extrait du rapport “ VERS UNE ALIMENTATION DURABLE : UN ENJEU SANITAIRE, SOCIAL, TERRITORIAL ET ENVIRONNEMENTAL MAJEUR POUR LA FRANCE “ Délégation à la prospective du Sénat Rapport d’information de Mme Françoise Cartron, sénatrice de Gironde, et M. Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère.(28 mai) : “3. Soutenir et encourager les projets alimentaires et agricoles de territoire afin d’accroître la part des approvisionnements locaux dans la consommation régulière, en générant ainsi un développement territorial positif, une qualité optimale des produits et un renforcement de la confiance de tous les acteurs (exemple des AMAP)”. Les deux auteurs la situent cependant dans une optique qui dépasse la réponse à une crise : “20. Mettre en oeuvre un portage politique plus ambitieux de la transition alimentaire par les pouvoirs publics. Cette transition doit devenir une des priorités stratégiques affichée de l’État pour atteindre ses objectifs de santé publique et d’environnement.”.


Trois mois après la déclaration de confinement, nous avons observé une multiplication de croisements inédits entre les acteurs locaux : entre maires et groupements d’achats, entre producteurs et commerçants de centre ville, entre restaurateurs et pouvoirs publics, entre services de l’action sociale et cantines scolaires. Les indices sont suffisamment nombreux pour penser que certaines de ces nouvelles relations auront des effets prolongés dans le nouveau contexte. La hiérarchie des priorités aura été bousculée pour certains, par exemple concernant la responsabilité locale sur les marchés ou les possibilités d’usages multifonctionnels des cantines, y compris pour l’aide alimentaire. La germination de toutes ces graines plantées dépendra d’un cadre général, qui a finalement peu bougé, les organisations nationales s’étant pour la plupart attachées à présenter la crise et ses effets comme une confirmation de l’opportunité de leurs propositions antérieures.


 
140 vues
bottom of page