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Bulletin de partage 5 -Les circuits courts de proximité, de nouveaux adeptes et des désillusions

Dernière mise à jour : 25 juin 2020

Les premières semaines de déconfinement, sources de beaucoup d’interrogations pour les acteurs des circuits courts de proximité, apportent quelques réponses et tendances. Les situations sont contrastées pour les agriculteurs, certains ayant pu réunir de nouveaux adeptes et d’autres connaissant des baisses importantes de ventes. Ces tendances restent à confirmer, “le vrai test sera en septembre”.


 

Retour sur la période de confinement


Le déconfinement est tout d’abord l’occasion de revenir sur la période de confinement pendant laquelle les circuits courts et notamment la vente directe ont été largement plébiscité. L’enquête d’Agrobio 35 auprès de 63 producteurs (soit 20% des agriculteurs bio en vente directe d’Ille et Vilaine, à venir dans la rubrique éclairage) indique, par exemple, que pour “57% des producteurs interrogés l’activité commerciale a augmenté avec une augmentation du chiffre d’affaires de 50% en moyenne”.


Cet engouement, détaillé dans les précédents bulletin, ne doit pas faire oublier les producteurs en circuits courts pour qui cette crise a eu un impact négatif, ainsi, dans cette enquête, 25% des répondants indiquent avoir subi une baisse de leur chiffre d’affaires de 40% en moyenne. Les structures fragilisées par cette crise étant notamment celles avec des débouchés qui ont été stoppés, ou fortement limités, comme les marchés, la restauration collective ou la restauration commerciale mais aussi celles avec des productions de spécialité ou de niche peu diversifiées.


Nous pouvons également souligné que cette période de confinement a généré de multiples difficultés pour les acteurs des circuits courts, à commencer par une surcharge de travail (pour la logistique et la commercialisation), pour les producteurs mais aussi les bénévoles et salariés de structures. Ainsi dans l’enquête d’Agrobio 35, 52% des producteurs interrogés ont connu une surcharge de travail à cause de la vente directe. Une autre difficulté, liée à des ventes en forte hausse, a été l’écoulement prématuré des stocks ce qui a généré la mise en place de limitation de commandes pour certaines structures qui ont par exemple mis en place des listes d’attentes : “jusqu’à 850 personnes” (salariée d’un système de panier, Bretagne, 10 juin).


Enfin, certains producteurs ont connu des difficultés notables pendant le confinement. Il s’agit d’une part de producteurs de produits spécialisés ou “de niche” (escargots, cailles, plantes aromatiques). Ils n’étaient pas prioritaires sur les marchés et leur gamme restreinte ne générait pas de déplacements spécifiques “risqués”. D’autre part, les producteurs ayant un système de vente concentré sur les marchés ou la restauration collective ont dû organiser en urgence de nouveaux débouchés, ce qui prend un certain temps. Dans un cas comme dans l’autre, les ventes devraient reprendre avec le “retour à la normale”.


Le déconfinement


Après une période d’intense activité, les premières semaines de déconfinement laissent place à des ressentis contrastés entre joie de “consolider un noyau de nouveaux clients” (agricultrice en circuits courts) et déception de voir les ventes baisser chaque semaine.


De manière générale, nous pouvons noter une baisse des ventes en circuits courts par rapport à la période du confinement, comme souligné dans les rubriques “approvisionnement” et “chaînes alimentaires”. Celle-ci est plus ou moins importante et permet quand même, le plus souvent, un niveau de vente supérieur à celui de l’année passée. Certains évoquent un “maintien des ventes entre 50 et 60% plus élevé qu’avant la crise” (agricultrice en circuits courts, Bretagne, 26 mai) alors que d’autres sont à “+ 5 à 10% par rapport à l’an passé” (magasin de producteurs, Bretagne, 10 juin). Ceci peut s’expliquer par différents paramètre, à commencer par “ les jours fériés et la possibilité de partir à nouveau de chez soi” mais cela reste difficile à expliquer alors que “l’offre est plus importante que pendant la période de confinement” (animatrice d’un système de panier, Ille et Vilaine, 10 juin).


Cette baisse des ventes peut être une vraie désillusion pour certains comme le reflète le témoignage d’un maraîcher (page facebook La Ferme de Cagnolle, 30 mai) ayant connu une forte montée des ventes avec des produits “qui partaient comme des petits pains” et pour qui “après la fin du confinement, ça diminue encore et encore et on va bientôt retrouver le nombre de paniers qu’on vendait avant le confinement. Et ça, c’est vraiment dur pour nous, parce qu’on se galérait à vendre nos légumes et pendant un instant tout se passait bien et maintenant on revient à cette réalité de difficulté : un métier dans lequel c’est dur de produire et où il faut se battre pour pouvoir commercialiser dans un univers de compétition, de libre concurrence.”


Ce constat est partagé par un producteur de volailles, d’oeufs et de légumes bio de la Côte d’Or : “on s'est bien rendu compte que après le déconfinement, les gens sont moins venus, constate Frédéric Ménager. En tout cas, chez nous, ceux qui viennent encore, ce sont ceux qui venaient déjà avant. Mais des nouveaux clients, on n’en a pas. Donc on est bien obligé de constater que les grandes surfaces sont reparties à fond et que les gens n’ont rien changé à leur mode de consommation.” (France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin, page facebook La ferme de la Ruchotte, 18 mai).


Ces producteurs partagent leurs désarroi sur les réseaux sociaux et interpellent :N'oublions pas de continuer à soutenir nos éleveurs et les producteurs locaux même après le confinement.” (gérant de magasin bio dans France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin et sur la page facebook Jardin bio du bois Ram’eau, 4 juin)


Plusieurs acteurs engagés depuis longtemps dans les circuits courts s’attendaient cependant à cette baisse, comme l’illustre ce témoignage : La vente de produits fermiers en circuits court comme toute autre vente de produits se construit dans la durée. Il faut donc construire sa clientèle tout en développant sa ferme. Penser que la crise actuelle va amener des clients à foison pour toujours est un raccourci qui mène à la désillusion. Par contre les fermiers qui travaillent depuis longtemps en circuits courts ont senti une accélération qui a de fortes chances d’être pérenne pour eux, leur modèle étant opérationnel. C’est un choix stratégique. Néanmoins il y a un début à tout et c’est peut être le moment de se lancer ou tester par exemple sur 5 ou 10 % de son activité” (entrepreneur, 9 juin).


Béatrice Rozé indique ainsi dans Ouest France que “les anciennes habitudes reviennent vite. Deux mois, ce n’est pas suffisant pour créer véritablement un nouveau mode de consommation.” (Ouest France, 27 mai). Selon elle, et d’autres témoignages notamment dans la presse,

"le vrai test, ce sera en septembre, une fois les vacances terminées.

Ainsi, un témoignage suggère que cette tendance du local était liée au confinement et n’a pas généré d’habitudes assez fortes : “Plus personnellement, mes voisins ont fait appel à moi pour avoir des légumes frais. Ça m'a permis de mieux les connaître. Ils étaient très contents, mais ils ne se sont pas abonnés par la suite. En général je dirais que les gens se sont plus tournés vers le local pendant le confinement.” (animateur, Rhône-Alpes, 1 juin)


Certains se réjouissent tout de même car malgré le fait “qu’avec la sortie du confinement, les consommateurs qui cherchaient de la tomate en avril ont retrouvé leurs habitudes dans la grande distribution.” “beaucoup d’entre eux sont restés”, se réjouissent, Damien Pouder et Steven Pennec.” (respectivement maraîcher et bénévole animateur de la plateforme Mangeons-local.bzh) (Le Télégramme, 10 juin). Pour ceux-ci, la crise a renforcé l’envie d’essaimer, comme l’explique Damien Pouder dans ce même article : “«Il faut favoriser les nouvelles installations, martèle le jeune producteur. Moi, je n’ai pas la volonté de produire plus. J’ai trouvé mon équilibre ». Il ouvre sa porte aux porteurs de projets pour partager son expérience.


Ce tassement des ventes peut aussi être une sorte de soulagement pour des producteurs très sollicitéson a été énormément sollicité pendant 3 mois. Aujourd’hui, on est toujours sur un rythme soutenu. Sur internet, on a multiplié nos ventes par 7 en moyenne. Je ne vais pas dire qu’on était proche du burn out. Mais on est crevé !” (maraîcher, Bourgogne dans France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin). Pour ce maraîcher, les ventes ont “légèrement baissé” mais rien d’inquiétant, “ce sont notamment quelques clients qui ont repris leur activité et pour lesquels les horaires ne correspondent plus forcément pour venir chercher des légumes à la ferme.


Dans certain cas, les ventes ont même pu se maintenir :

  • selon notre principal maraîcher, il n'y a pas eu de baisse des ventes. Par ailleurs, le fait pour les consommateurs de venir chercher les produits à la ferme a été bien apprécié par les uns et les autres ; cela a permis aux consommateurs de s'intéresser davantage aux conditions de production ; en somme, un rapprochement humain. Fidélisation accrue ?” (consommateur, Jura, 3 juin).

  • “Les ventes en boutique n’ont pas baissé. On est satisfait !” (éleveuse de boeuf, Nièvre, France 3 Bourgogne France-Comté, 5 juin )

Certains clients, fidèles, soulignent ainsi l’importance de ces circuits : “la filière courte est la seule qui puisse nous éviter l’effondrement, revenir aux nécessités vitales, agriculture de type familial et de qualité, en finir avec les usines agroalimentaires, revaloriser la transformation artisanale, petites unités dispersées sur tous les territoires, proches des consommateurs, moins d’invendus, de transports, plus d’emplois, moins de crises, plus d’économie locale, et d’autonomie politique et citoyenne, stop à la mondialisation” (consommatrice, Ille et Vilaine, 20 mai)


Les initiatives


La période du confinement a vu naître énormément d’initiatives portées par les acteurs des circuits courts détaillées dans les précédents bulletin. La question se pose aujourd’hui du maintien de celles-ci.


Des témoignages nous indiquent que certaines vont se maintenir, voire prendre de l’ampleur, ce qui pourrait permettre d’attirer les clients à la rentrée :

  • les producteurs locaux rennais sont en train de se structurer en association et négocient avec la chambre d’agriculture pour continuer d’avoir accès à son parking, où se font les distributions.” (Ouest France, 27 mai)

  • création d’un distributeur à l’extérieur qui permet au client de venir quand il le souhaite” (producteur, Drôme, 11 mai)


Certains ont par ailleurs prévue des actions pour septembre : “nous avions un plan de communication prévu pendant le confinement que nous avons décalé à la rentrée pour expliquer notre démarche de magasin de producteurs et faire revenir les clients.” (producteur, Ille et Vilaine, 10 juin)


 
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